La Russie pilonne les villes ukrainiennes, l’exode s’accélère avant des pourparlers: le point sur la situation
Les forces russes, après avoir pris leur première grande ville ukrainienne, intensifient jeudi leur pilonnage sur d’autres villes, accélérant l’exode de la population à quelques heures de nouveaux pourparlers en vue d’un cessez-le-feu.
«Nous allons reconstruire chaque immeuble, chaque rue, chaque ville», a lancé le président ukrainien Volodymyr Zelensky une semaine après le début de l’invasion russe. «Vous allez nous rembourser pleinement tout ce que vous avait fait contre notre Etat», a-t-il ajouté à l’adresse de Moscou
Côté russe, le chef de la diplomatie Sergueï Lavrov a brandi à nouveau la menace d’un conflit nucléaire, en imputant la responsabilité aux Occidentaux.
«Une troisième guerre mondiale nucléaire»
«Tout le monde sait qu’une troisième guerre mondiale ne peut être que nucléaire, mais j’attire votre attention sur le fait que c’est dans l’esprit des politiques occidentaux, pas dans celui des Russes», a-t-il dit lors d’un point presse en ligne.
Sur le terrain, des responsables ukrainiens ont confirmé dans la nuit de mercredi à jeudi que l’armée russe contrôlait Kherson, métropole de 290.000 habitants proche de la péninsule de Crimée, après de violents bombardements.
Son maire, Igor Kolykhaïev, a annoncé avoir discuté avec des «invités armés», sous-entendant des troupes russes. «Nous n’avions pas d’armes et n’étions pas agressifs. Nous avons montré que nous travaillons à sécuriser la ville et essayons de parer aux conséquences de l’invasion», a-t-il écrit sur Facebook.
Des occupants «dangereux»
Le chef de l’administration régionale, Guennadi Lakhouta, a appelé sur Telegram les habitants à rester chez eux, indiquant que «les occupants (russes) sont dans tous les quartiers de la ville et très dangereux».
Plus à l’est, à Marioupol, la situation «se dégrade d’heure en heure», a témoigné une de ses habitantes, Maryna, 28 ans.
Ce grand port ukrainien de la mer d’Azov, site clé pour permettre aux forces russes arrivant du Donbass, au nord-est, et de Crimée, au sud-ouest, de se rejoindre, «résiste» pour l’instant, selon l’armée ukrainienne.
Les Russes «n’ont pas atteint leur but principal, qui est de capturer la ville et de pousser jusqu’aux frontières administratives» des régions de Donetsk et Lougansk, partiellement contrôlées par des forces prorusses depuis 2014, a-t-elle affirmé.
Kharkiv très touchée
Dans le nord du pays, Kharkiv, deuxième ville du pays proche de la frontière russe et déjà frappée par des bombardements meurtriers mardi et mercredi, a été pilonnée toute la nuit, selon les autorités régionales. Une membre ukrainienne de la mission locale de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe fait partie des morts, a indiqué l’OSCE.
A 200 km de Kharkiv, la métropole de Dnipro, centre industriel fort d’un million d’habitants et épargné pour l’instant, se préparait à un assaut russe. Les habitants entassaient des sacs de sable et préparaient des cocktails Molotov.
Les forces russes se trouvaient aussi dans les villes de Tcherniguiv et Nijyne, à quelque 150 km au nord-est et à l’est de Kiev, ainsi qu’à Sumy et Okhtyrka, à quelque 350 km à l’est de la capitale, mais «essaient d’éviter les combats» avec l’armée ukrainienne, selon cette dernière.
A Kiev, de fortes explosions ont été entendues pendant la nuit de mercredi à jeudi, selon des messages sur les réseaux sociaux. Des milliers de femmes et d’enfants sont réfugiés dans le métro, transformé en abri antiaérien.
Des pourparlers à venir
L’avancée militaire russe intervient alors que des négociations russo-ukrainiennes doivent commencer jeudi à 15h00 locales (13h00 heure de Bruxelles), à la frontière bélarusso-polonaise, a précisé le négociateur russe Vladimir Medinski, qui la veille avait évoqué que les discussions devraient porter sur un cessez-le-feu.
De premiers pourparlers lundi, à la frontière ukraino-bélarusse, n’avaient donné aucun résultat tangible. Kiev réclamait l’arrêt immédiat de l’invasion, tandis que Moscou semblait attendre une reddition.
Les Etats-Unis «soutiendront les efforts diplomatiques» de Kiev pour obtenir un cessez-le-feu avec Moscou, même si «c’est beaucoup plus difficile d’y parvenir quand les tirs résonnent et les chars avancent», a déclaré le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken.
Le secrétaire d’Etat, qui sera dans les prochains jours en Pologne, dans les pays baltes et en Moldavie pour réaffirmer le soutien des Etats-Unis face à la Russie, a alerté sur un «coût humain» d’ores et déjà «ahurissant».
Le pire devant nous?
Le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian a redouté lui aussi que «le pire soit devant nous», avec «une logique de siège» des villes ukrainiennes, déjà employée par les Russes en Syrie et en Tchétchénie.
La veille, le président français Emmanuel Macron avait néanmoins affiché sa volonté de «rester en contact» avec Vladimir Poutine pour «le convaincre de renoncer aux armes».
Le pilonnage meurtrier des villes ukrainiennes suscite une vive émotion dans le monde. Manifestations anti-guerre et élans de solidarité avec les Ukrainiens se sont multipliés, au vu des bombardements et de l’exode hors d’Ukraine de plus d’un million de personnes, selon les derniers chiffres du Haut commissariat aux réfugiés de l’ONU.
Ils fuient d’abord vers la Pologne, la Hongrie, la Roumanie et la Moldavie, mais certains commencent aussi à arriver en train à Berlin depuis Varsovie.
Le chef humanitaire de l’ONU, Martin Griffiths, a indiqué à l’AFP avoir récolté 1,5 milliard de dollars d’aide d’urgence pour l’Ukraine.