«L’activité humaine a réchauffé le climat à un niveau sans précédent depuis au moins 2000 ans», avertit le Giec
Il est «sans équivoque» que le réchauffement climatique est la conséquence de l’activité humaine, affirme le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) dans un nouveau rapport publié lundi dans le cadre de son 6e cycle d’évaluation du climat. Selon les scientifiques, la hausse de la température moyenne sur le globe a atteint +1,09ºC au cours de la décennie 2011-2020 par rapport à l’ère pré-industrielle (1850-1900). L’accord de Paris sur le climat vise à maintenir la hausse du mercure bien en deçà de 2ºC et si possible à 1,5ºC.
Les termes «sans équivoque» représentent une évolution sémantique par rapport au précédent cycle d’évaluation (2013-2014). «En 2013, le rapport du Giec affirmait que l’influence humaine sur le réchauffement climatique était ’extrêmement probable’», souligne le climatologue Jean-Pascal van Ypersele (UCLouvain), chef de la délégation belge à la réunion du Giec qui a adopté la première partie de son 6e rapport, agissant au nom des Services fédéraux de la Politique scientifique (Belspo). «Maintenant, les choses sont tellement claires que l’on ne s’embarrasse plus avec des probabilités».
Un précédent rapport du Giec avait déjà utilisé ces termes en 2007 (4e cycle d’évaluation), se souvient encore M. van Ypersele, mais c’était pour souligner que le réchauffement climatique en lui-même était «sans équivoque». «C’est une évolution marquante».
Un réchauffement à un niveau «sans précédent»
La hausse continue depuis plusieurs décennies des émissions de gaz à effet de serre, CO2 en tête, et leur concentration toujours plus élevée dans l’atmosphère (les concentrations atmosphériques de CO2 sont au plus haut depuis au moins deux millions d’années et celles de méthane et de protoxyde d’azote depuis au moins 800.000 ans, constate le Giec) ont «probablement» contribué à un réchauffement de 1 à 2ºC alors que d’autres facteurs humains, principalement les aérosols, ont dans le même temps contribué à un refroidissement estimé à entre 0 et 1ºC, poursuit le rapport du Giec. L’influence de l’activité solaire et de l’activité volcanique sur la température moyenne du globe ne serait que de -0,1ºC à 0,1ºC.
«L’activité humaine a réchauffé le climat à un niveau sans précédent depuis au moins 2.000 ans», résume ce nouveau rapport publié à moins de trois mois de la prochaine conférence de l’Onu sur le climat prévue début novembre à Glasgow (COP26).
Émissions de gaz à effet de serre et réchauffement climatique sont à l’origine d’une acidification des océans, d’une fonte des glaciers et de la banquise, d’une hausse du niveau moyen des océans (+0,2 mètre entre 1911 et 2018), de davantage d’épisodes météorologiques extrêmes, comme les vagues de chaleur, cyclones et périodes de sécheresse, et d’une augmentation moyenne des précipitations, selon le rapport des experts.
Cette première partie du 6e rapport d’évaluation du Giec, consacrée aux éléments scientifiques physiques des changements climatiques, est publiée alors qu’une partie de l’Europe, dont la Belgique, fait face cet été à des inondations dramatiques et que d’autres régions du Vieux-Continent sont ravagées par les feux de forêt.
Des diagnostics confirmés
«Ce nouveau rapport du Giec décrit avec un niveau de détail et de certitude encore plus grand que les précédents le diagnostic des ’médecins de la planète’ que sont les climatologues», souligne Jean-Pascal van Ypersele. «Il confirme les diagnostics précédents: la fièvre est confirmée, elle affecte de nombreux organes, et la dégradation de la santé du patient risque de s’accélérer s’il n’arrive pas à se libérer de son addiction au carbone».
Pour le climatologue belge, le résumé de ce rapport doit être lu par les décideurs. «Ils y liront que les événements extrêmes comme ceux que vient de vivre la Belgique risquent de devenir encore plus violents si les émissions de gaz à effet de serre, en particulier de CO2 et de méthane, ne sont pas réduites fortement et rapidement. Ils y liront aussi qu’une part des changements est malheureusement devenue inévitable, et qu’il faut accroître notre résilience face à ces chocs, tout en réduisant nos émissions».
Le CO2 pointé du doigt
Sans une réduction «profonde» des émissions de gaz à effet de serre au cours des prochaines décennies, le réchauffement climatique dépassera allègrement 1,5°C voire même 2°C lors de ce siècle, avertit finalement le Giec. En cas de forte augmentation des émissions de gaz à effet de serre (c’est-à-dire un quasi doublement d’ici 2050 ou 2100 par rapport au niveau de 2015), la hausse du mercure sur la planète pourrait atteindre en moyenne +1,9 à 3,0°C à la moitié du siècle et même entre 3,3 et 5,7°C à la fin du siècle. Autant dire qu’avec un tel cas de figure, la planète deviendrait en grande partie invivable...
En revanche, un scénario de forte réduction des émissions, pour atteindre la neutralité carbone aux alentours de 2050 et des émissions négatives par la suite (via la séquestration naturelle et/ou anthropique du carbone) limiterait le réchauffement à +1,6°C à la moitié du siècle et à +1,4°C sur le long terme, ce qui permettrait de rester dans les clous des objectifs de l’accord de Paris sur le climat (contenir le réchauffement bien en deçà de 2°C et si possible à 1,5°C).
«Il pourrait y avoir un dépassement au milieu du siècle mais ce dépassement ne serait que de 0,1°C et temporaire. Avec ce scénario de forte réduction des émissions de gaz à effet de serre, il y a plus d’une chance sur deux que la limite de 1,5°C ne soit pas dépassée», souligne le climatologue Jean-Pascal van Ypersele (UCLouvain), rappelant que les conséquences néfastes ne seront pas du tout les mêmes si on dépasse un réchauffement de 1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle.