Le coup de force de Poutine risque-t-il de déclencher une guerre mondiale?

Si le déploiement de troupes russes dans les régions séparatistes de l’Est de l’Ukraine Donetsk et Lougansk constitue une «invasion», celle-ci ne déclenchera pas forcément une troisième guerre mondiale, estime mardi auprès de Belga Olivier Corten, professeur en droit international à l’Université libre de Bruxelles (ULB).

par
Belga
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Lundi soir, le président russe Vladimir Poutine a reconnu l’indépendance des deux régions séparatistes et a annoncé sa volonté d’y déployer des troupes dans une mission de «maintien de la paix». La reconnaissance de l’indépendance de ces deux régions situées à l’Est de l’Ukraine et dans lesquelles vivent environ 3 millions de personnes ne «change rien sur le plan juridique», explique M. Corten. Leur statut en droit international ne changera pas, tant que l’Ukraine n’acceptera pas leur sécession. La seule modification est que désormais, aux yeux de la Russie, ces régions disposent d’autorités autonomes qui peuvent lui demander d’intervenir sur place.

C’est donc plutôt le déploiement de troupes dans ces régions qui est significatif. «C’est un pas plus loin. La reconnaissance est plutôt symbolique», souligne le professeur en droit international. La Russie intervenait déjà «indirectement» dans le conflit, en armant et en finançant les régions séparatistes, ajoute M. Corten. «C’était déjà une violation de la charte de l’Onu» mais désormais «une étape de plus» est franchie, «on va un cran au-dessus» dans ce conflit qui dure déjà depuis 2014.

Une nouvelle «guerre froide»?

Si le déploiement de troupes russes dans les régions de Donetsk et Lougansk constitue une «invasion», ce nouveau développement n’est toutefois pas un «changement du tout au tout», c’est l’ouverture «d’un nouveau front», pointe M. Corten, soulignant que la Russie occupait déjà la Crimée.

Le déclenchement d’une troisième guerre mondiale dépend de la réaction des États occidentaux. «Et les premiers signaux ne se dirigent pas vers une troisième guerre mondiale», avance M. Corten. Les Occidentaux ont dénoncé la reconnaissance russe des régions séparatistes et l’envoi de troupes, annonçant des «sanctions fortes, mais il ne s’agit pas des sanctions les plus fortes, qui seraient d’envoyer des troupes en invoquant la légitime défense. Il s’agit plutôt de sanctions ciblées contre de hauts responsables russes ou de sanctions économiques ou financières. On ne va donc pas envoyer l’armée et bombarder» les régions séparatistes. Pour M. Corten, on se retrouve dans une situation similaire à la Crimée, dans une sorte de guerre «froide» où l’on proteste mais n’intervient pas militairement.

Ceci peut s’expliquer d’une part par la peur d’une guerre ouverte avec la Russie, puissance nucléaire, et d’autre part, en raison du fond du conflit. «Va-t-on déclencher une troisième guerre mondiale pour forcer les russophones (de ces deux régions, NDLR) à rester en Ukraine?», s’interroge le professeur de l’ULB.

Si la Russie viole en effet le droit international, «il semble toutefois qu’une majorité de la population des deux régions séparatistes ne veut plus rester en Ukraine», expose M. Corten. «Les frontières ne semblent plus correspondre à la volonté de la population. Or, les Occidentaux ont reconnu le Kosovo, par exemple, au nom du respect de la volonté d’une population», pointe-t-il. «Il n’y a pas que la peur qui joue mais les États occidentaux ne savent pas non plus si cela vaut la peine. Ce n’est pas comme si la Russie envahissait la Pologne», conclut-il.