Les 27 s’accordent pour embargo sur les importations de pétrole russe
Les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne ont trouvé un accord qui «coupe une source importante de financement de la machine de guerre russe et met un maximum de pression sur la Russie pour mettre fin à la guerre».
Les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne se sont accordés lundi soir à Bruxelles sur une interdiction des importations de pétrole russe dans l’UE qui couvrirait plus de deux tiers de celles-ci, avec une exception temporaire pour le brut fourni par oléoduc, a annoncé le président du Conseil européen Charles Michel. Grâce à un engagement confirmé par l’Allemagne et la Pologne, l’embargo effectif devrait toutefois monter jusqu’à 90% d’ici la fin de l’année.
Attendu depuis trois semaines et demie, cet accord, sur lequel peu de dirigeants pariaient avant la réunion, «coupe une source importante de financement de la machine de guerre russe et met un maximum de pression sur la Russie pour mettre fin à la guerre», a commenté le Belge sur Twitter.
Le pétrole acheminé par bateau visé
L’embargo portera dans un premier temps sur le pétrole acheminé par bateau, ce qui représente deux tiers des importations européennes de brut russe. Les pays qui, comme la Belgique ou les Pays-Bas, craignaient pour leurs grands ports une concurrence déloyale de l’Allemagne, qui reçoit elle aussi du pétrole russe par la branche nord de l’oléoduc Droujba, ont obtenu de Berlin et de Varsovie une confirmation écrite qu’elles renonceraient à ce brut avant la fin de l’année. Ce qui porterait à près de 90% l’embargo effectif à cette échéance, comme a pu s’en réjouir la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen. Pour l’exemption des 10% restants, qui sont livrés via le Droujba sud à la Hongrie, la Slovaquie et la Tchéquie, le Conseil européen y reviendra «au plus vite», sachant qu’il a déjà convenu de défaire l’UE de sa dépendance aux combustibles fossiles russes dans les prochaines années.
Des petites exceptions
Hongrie, Slovaquie et Tchéquie, pays sans accès à la mer, souhaitaient une forme d’exemption à l’embargo pétrolier pour tenir compte de leurs difficultés particulières. Leur appel a été entendu, indiquent plusieurs dirigeants à l’issue de la réunion. «Ce que ces pays disaient, c’est que leurs raffineries sont fortement liées au pétrole russe, c’est un héritage de la période soviétique. Elles ne peuvent pas juste comme ça passer à un autre pétrole, cela prend du temps. Ils auront ce temps», a indiqué le Premier ministre néerlandais Mark Rutte en quittant la réunion. Pour les Pays-Bas (et pour la Belgique, d’ailleurs), il était cependant essentiel que les pays qui continueront d’être alimentés par le pipeline Droujba «ne puissent pas utiliser ce pétrole (russe) d’une autre manière, pour en tirer des bénéfices, mais uniquement pour leur propre consommation», ajoute encore Mark Rutte.
Selon Alexander De Croo, qui voit d’un bon œil l’accord politique dégagé, il est question d’une «courte période» octroyée à des pays comme la Hongrie, pour faire les adaptations nécessaires aux installations de raffinage. Cette «courte période» d’exemption n’a pas été précisément définie, mais «la Commission fera un monitoring pour veiller à ce que cela ne dure pas» plus longtemps que nécessaire, assure Alexander De Croo. Il y a donc une «petite exception», pour les pays qui n’ont actuellement «pas d’alternative», résume-t-il. L’aspect financier d’une éventuelle compensation, telle que le demandait la Hongrie, n’a pas été abordé lundi, selon le Belge.
Six à huit mois
Les détails de l’embargo doivent être définis et approuvés au niveau du Conseil de l’UE. Une réunion des ambassadeurs a lieu mercredi. Cela ne sera «pas si compliqué» et devrait aller «très vite», a estimé Mark Rutte lundi soir. «C’est une question de les mettre sur papier, de manière technique, mais les principaux nœuds politiques ont été tranchés». Après accord formel au niveau ministériel, dans les prochains jours, il devrait y avoir une période de «6 à 8 mois» avant entrée en vigueur de l’embargo, ajoute le Néerlandais.
Les conclusions approuvées lundi par les 27 dirigeants mentionnent l’éventualité d’«interruptions soudaines d’approvisionnement». Dans ce cas, des «mesures d’urgence» seraient introduites. Selon Alexander De Croo, les pays confrontés en période d’exemption à une coupure soudaine de leur pétrole, indépendante de leur volonté, pourraient se tourner vers d’autres sources de pétrole russe. Ce qui répondrait à une exigence avancée par le Premier ministre hongrois Viktor Orban à son arrivée au sommet, celle d’avoir des garanties d’approvisionnement alternatif si Droujba est touché en territoire ukrainien.
Le sixième train de sanctions est en marche
Cet accord doit aussi permettre de débloquer le sixième train de sanctions contre la Russie pour son invasion de l’Ukraine. Le paquet inclut également l’exclusion de banques russes, dont la plus importante d’entre elles, la Sberbank, du système d’échanges interbancaires SWIFT, l’interdiction dans l’UE de trois grands radiodiffuseurs de l’État russe, ou encore de nouvelles sanctions individuelles contre des responsables accusés de crimes de guerre, notamment à Boutcha et Marioupol.
Quant au soutien financier à l’Ukraine, les Vingt-sept se sont aussi accordés sur une aide d’urgence pouvant aller jusqu’à 9 milliards d’euros, telle que proposée plus tôt ce mois-ci par la Commission, pour couvrir les besoins immédiats du pays en liquidités afin de faire fonctionner son économie. Cette aide prendra la forme de prêts à taux préférentiel, à compléter par le soutien d’autres partenaires internationaux bilatéraux et multilatéraux, dont le G7.