Les disputes sur la route virent au drame aux USA: 500 victimes de «road rage» mortes ou blessées par balle
Un geste déplacé ou une queue de poisson qui tourne au drame: les disputes sur les routes américaines ont fait un nombre record de victimes depuis le début de la pandémie qui a aggravé l’agressivité de conducteurs n’hésitant plus à dégainer une arme pour répondre.
Ces derniers jours, la passagère d’une voiture a reçu une balle dans le dos pour une priorité grillée à un carrefour au Texas et dans le Kentucky, une femme a été blessée de plusieurs balles lors d’une altercation pour une place de stationnement.
En mai, un jeune homme a tiré sur une conductrice qui lui avait fait un geste obscène pour se plaindre d’une manœuvre dangereuse sur une autoroute de Californie. La balle a été fatale à un enfant de 6 ans assis à l’arrière de la voiture.
Les autorités locales ont fustigé l’attitude du tireur qui «ne peut pas contrôler ses émotions et (pour qui) le moindre événement peut provoquer un accès de colère mortel».
Record de victime de ces «road rages»
Ce genre d’incident, baptisé «road rage», augmente régulièrement depuis 2018 mais a connu un pic en 2020 aux États-Unis avec 403 morts ou blessés par balle, selon un rapport de Every Town for Gun Safety publié fin juin.
Et l’organisation favorable à un meilleur encadrement des armes à feu prévoit qu’à ce rythme, 2021 battra un record historique avec environ 500 victimes d’agressivité au volant.
«Le simple fait de conduire est dangereux et dans bien des cas, c’est le scénario parfait pour la colère», rappelle Ryan Martin, professeur de psychologie à l’université du Wisconsin à Green Bay, qui a travaillé sur les comportements agressifs au volant.
Mais depuis le début de la pandémie, «on a vu une augmentation des situations de stress, d’angoisse et de frustration», explique-t-il. «L’existence même d’un virus mortel met les gens sur les nerfs», sans compter la fermeture de pans entiers de l’économie, le confinement ou le télétravail qui ont pesé lourd sur la santé mentale des Américains.
Narcissisme et liberté
Dans un pays où le port d’armes est protégé, l’explosion des ventes d’armes à feu en 2020 a été un facteur aggravant, selon lui. Une arme est un «mécanisme mortel pour exprimer la colère», dit le Dr Martin, citant des études qui montrent que le simple fait d’avoir une arme dans sa voiture accentue le risque d’agressivité au volant.
Pour la psychologue Pauline Wallin, spécialiste de la gestion des émotions, la polarisation extrême de la société sous le mandat de Donald Trump a aussi exacerbé le sentiment d’agressivité des Américains face à une situation de frustration. «Celui qui vous coupe la route n’est plus seulement quelqu’un qui vous embête, c’est un ennemi contre lequel vous devez vous défendre, ou attaquer», dit-elle. «Parce que vous êtes plus divisé, vous êtes plus enclin à blâmer les autres pour ce qui vous arrive», explique-t-elle.
Ryan Martin souligne que la Covid-19 a accru le sentiment de fracture du pays, comme le port du masque, devenu «la marque d’une idéologie politique». Et le clivage n’a pas disparu avec la défaite de Donald Trump. Mais, souligne le Dr Wallin, «la responsabilité finale incombe à l’individu» plutôt qu’à la pandémie car la violence au volant n’est pas un phénomène nouveau.
Elle dénonce le «narcissisme» et la «mauvaise gestion du sentiment de frustration» des Américains, quand Ryan Martin évoque l’«individualisme» de la société et sa conception très personnalisée de la «liberté».
Pour éviter une situation de stress en voiture pouvant dégénérer, Pauline Wallin conseille de «prendre une longue inspiration» et se demander si cet incident «sera encore important pour vous demain, ou dans une semaine».
Le Dr Martin met l’accent sur les messages de prévention routière sur le respect mutuel ou la rénovation des infrastructures pour que la conduite ne soit pas un facteur de stress. Il recommande également de «laisser courir» plutôt que de s’engager dans une confrontation avec un autre automobiliste, car «réagir de façon hostile ou agressive ne donnera jamais de résultat positif».