L’IRM le plus puissant du monde révèle ses premières images
L’IRM le plus puissant au monde pour observer le corps humain, et plus particulièrement le cerveau, a livré près de Paris ses premières images… d’un potimarron.
«Iseult» est l’aboutissement de plus de 20 ans de recherche et d’un partenariat franco-allemand mené par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et impliquant des industriels comme l’allemand Siemens-Healtlineers.
La machine va permettre «d’aller étudier d’une façon plus fine la structure cérébrale», explique Cécile Lerman, ingénieure et cheffe de projet pour la partie Imagerie par résonance magnétique (IRM).
Soumis à un champ magnétique intense, les noyaux des molécules sont polarisés, un peu comme le serait une aiguille de boussole par le champ magnétique terrestre. L’émission de champs plus faibles va bousculer cet ordre et, selon la fréquence du signal, permettre de caractériser et localiser le genre de tissus observés. De savants calculs transforment ensuite ces données en images.
La machine est hors norme, avec une puissance de 11,7 Tesla, soit 230.000 fois celle du champ magnétique terrestre. À comparer avec les machines d’examen qui culminent à 3 Tesla.
La fabrication de son aimant a demandé six ans de travail, pour assembler les milliers de kilomètres d’un alliage rare, du nobium-titane, qui composent l’énorme bobine de 45 tonnes.
L’aimant lui-même est maintenu à une température proche du zéro absolu, à -271 degrés Celsius, par un circuit de milliers de litres d’hélium liquide, qui ôte toute résistance au passage du courant électrique dans sa bobine.
L’ensemble, abrité dans un cylindre de 5 mètres de long et autant de haut, est «une prouesse technologique, car on a poussé au maximum de leurs limites différentes techniques et matériaux, mais aussi développé de nouvelles technologies de calculs» pour produire des images, explique à l’AFP Lionel Quettier, ingénieur et chef de projet pour la partie aimant de l’IRM.
Iseult, «l’imageur le plus performant au monde», selon M. Quettier, devient ainsi la nouvelle star de NeuroSpin, le centre de recherche sur l’imagerie cérébrale du CEA, situé à Saclay (Essonne) et dirigé par le neuroscientifique Stanislas Dehaene.
Le centre abrite déjà des machines de pointe, avec des IRM à 7 T, et même 17 T, mais avec un petit «tunnel» accueillant de petits animaux, alors qu’Iseult, avec une ouverture de 90 cm, va être le plus puissant IRM pouvant accueillir un corps humain.
La machine vise une résolution sous le demi-millimètre, et surtout «un gain de facteur 10 en qualité de signal», selon Mme Lerman.
Un bond qui va permettre d’«aller beaucoup plus finement dans la résolution des structures spatiales» du cerveau, pour mieux comprendre son anatomie mais aussi son fonctionnement lors des tâches cognitives, ou face à des pathologies neuro-dégénératives (Parkinson et Alzheimer), des affections psychiatriques (troubles bipolaires) ou vasculaires.
Iseult doit permettre de voir «ces atteintes au cerveau à un stade plus précoce, pour comprendre comment ces maladies vont démarrer», et permettre ainsi peut-être à des groupes pharmaceutiques de proposer des traitements.
Alors pourquoi commencer par des images de potimarron? Rien de trivial, mais avant le feu vert des autorités sanitaires pour l’examen de sujets humains, la machine va demander quelques mois de réglage et l’intégration de nouveaux instruments.
Et quoi de mieux adapté qu’un potimarron: «il a un diamètre identique au cerveau, une structure interne intéressante, complexe, avec des grains et des parties fibreuses – et puis il est de saison», justifie Mme Lerman.
L’objectif à terme sera d’atteindre des images avec une résolution atteignant moins de deux-dixièmes de millimètre. Une performance dépendant du projet européen Aroma, lancé début 2021, qui vise à optimiser les instruments et paramètres de mesure d’Iseult. Comme par exemple avec une technologie de sondes permettant de corriger un mouvement infime de la tête du sujet ou celui induit par son battement cardiaque.