Quatre choses à savoir sur la «simili-viande»
Séduisant des consommateurs sensibles au bien-être animal ou attentifs à leur santé, les «simili-carnés» ont conquis les supermarchés du monde entier.
Puissant levier pour réduire l’impact de l’élevage, certains experts nuancent toutefois ses bénéfices nutritionnels et environnementaux.
Il y a d’abord les substituts d’origine végétale, les «steaks» à partir de soja ou de tofu. Leurs recettes se sont perfectionnées au fil du temps, et certains ressemblent à s’y méprendre à du haché ou à des aiguillettes de poulet.
Les industriels tentent d’imiter le plus fidèlement possible la texture et la saveur de la viande, en développant de nouveaux ingrédients de synthèse comme l’hème, un dérivé de l’hémoglobine, qui vise à recréer un goût «sanguin».
En plus du visuel, l’emprunt de l’appellation «steak» pour ces produits 100% végétaux a suscité les foudres de la filière industrielle de la viande en France, lobbys et syndicats obtenant l’interdiction de cette dénomination, à rebours de son autorisation européenne.
Plus récemment, une autre catégorie suscite l’intérêt des géants de l’agroalimentaire: il s’agit des viandes dites de «laboratoire», obtenues par la culture de cellules animales, mais aussi de protéines microbiennes ou fongiques.
À la croisée d’une tendance sociétale et des recommandations nutritionnelles, ces substituts permettent de réduire une consommation de viande que l’on sait excessive pour la santé et la planète, notamment dans les pays du Nord.
Début avril, les experts climat de l’ONU (Giec) rappelaient que «le plus grand potentiel par transition viendrait du passage à des régimes tournés vers les protéines végétales», qui réduirait l’impact colossal de l’élevage.
Remplacer 20% de la consommation mondiale de boeuf et d’agneau par des protéines microbiennes pourrait réduire de moitié la déforestation et les émissions de CO2 liées à l’agriculture d’ici 2050, estime une récente étude publiée dans la revue Nature.
Cela n’a pas échappé aux industriels du secteur, qui mettent en avant l’image «verte» et saine de ces produits végétaux – à en frôler parfois le «greenwashing».
En effet, «végétal» ne veut pas nécessairement dire «naturel», et le panel d’experts indépendants IPES-Food a récemment pointé dans un rapport le caractère industriel et ultra-transformé de ces substituts simili-carnés.
Certains d’entre eux ont une haute teneur en sucre, en gras, avec des ajouts d’additifs, colorants et agents texturants pour donner une apparence similaire à celle de la viande.
Le potentiel du marché des simili-carnés aiguise par ailleurs l’appétit des géants de la viande, comme JBS, Cargill, Tyson ou Unilever.
En absorbant des jeunes pousses du secteur, ces multinationales renforcent leur «domination des systèmes alimentaires», pointent les experts d’IPES-Food, perpétuant «des régimes standardisés à base d’aliments transformés et des chaînes d’approvisionnement industrielles qui nuisent aux populations et à la planète».
La banque Barclays estime que les substituts végétaux représenteront 10% du marché mondial de la viande d’ici 2030 contre 1% aujourd’hui, soit 140 milliards de dollars.
Plus généralement, le marché des simili-carnés grandit vite en Asie et aux États-Unis (+42,1% d’ici 2030, selon le cabinet Grand View Research), ainsi qu’en France où il affiche une progression à deux chiffres.
Il promet d’accélérer encore quand les viandes de laboratoire, déjà vendues en Israël ou à Singapour, obtiendront le feu vert des autorités.
Son potentiel a aussi donné naissance à une nouvelle lutte d’influence, avec d’un côté les filières viande, qui défendent la consommation selon la formule «manger moins, mais mieux», et de l’autre les défenseurs de l’agriculture cellulaire, qui mènent en Europe une campagne contre l’élevage baptisée «End the Slaughter Age» («Sortir de l’ère de l’abattage»).