Une personne sur deux sera myope d’ici 30 ans

Après l’Asie, la myopie se développe à bas bruit dans tous les pays développés et pourrait toucher la moitié de la population mondiale dans 30 ans, dont 10% très sévèrement, alertent des experts qui appellent à en faire un enjeu de santé publique.

par
AFP
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Ce trouble de la vision est lié à un allongement excessif de l’œil (une distance entre la cornée et la rétine trop importante) qui entraîne une vision floue au-delà d’une certaine distance.

Quand elle est forte, au-delà de -6,00 dioptrie, c’est une maladie qui augmente le risque de différents dommages (décollement de rétine, glaucome, cataracte précoce…) pouvant altérer la vue définitivement.

De plus en plus d’enfants atteints

«Aujourd’hui, 40% de la population est myope, avec 5 à 10% de myopes forts», a alerté jeudi lors d’une conférence de presse Ramin Tadayoni, chef de service d’ophtalmologie à l’Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild. «Ces deux proportions sont en augmentation et, surtout, il y a de plus en plus d’enfants myopes», a-t-il relevé.

Selon les projections actuelles, en 2050 la moitié de la population mondiale sera myope.

Jusqu’à présent, les cas semblaient exploser surtout en Asie. Une publication dans The Lancet il y a dix ans évaluait la prévalence de ce trouble de la vision chez les jeunes asiatiques à près de 90%.Au Japon, en Chine ou en Corée du Sud, neuf élèves sur dix portent des lunettes.

«Nous avons un décalage de quinze ans avec l’Asie», a souligné Ramin Tadayoni.

Risque «maximal»

Comment expliquer une telle progression dans les pays développés? Si les facteurs génétiques et héréditaires existent (la présence de la myopie chez l’un des parents multiplierait par deux le risque pour ses enfants) l’environnement semble jouer un rôle crucial dans le développement et l’aggravation de la myopie.

Les chercheurs s’accordent sur le fait qu’elle est favorisée par l’augmentation du temps passé en intérieur, le manque d’exposition à la lumière naturelle ou encore une sollicitation excessive de la vision de près. Avec un mode de vie citadin, le risque d’être myope est «maximal», a ainsi souligné Gilles Martin, ophtalmologue à l’Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild.

Face à ce constat, plusieurs traitements ou dispositifs médicaux visant à éviter ou ralentir la progression de la myopie sont disponibles. Parmi eux, des collyres à base d’atropine, des lentilles de contact nocturnes ou diurnes qui remodèlent la cornée ou encore des lunettes équipées de verres freinant la myopie. Mais ces solutions sont plus ou moins chères ou accessibles et il existe encore beaucoup d’inconnues sur leur efficacité à long terme.

La chirurgie dite «réfractive» peut aussi améliorer le confort visuel en remodelant ou «rabotant» la cornée, sans toutefois éliminer les risques associés à la myopie forte.

Institut de la myopie

«La meilleure prévention chez l’enfant reste de privilégier les activités en extérieur, de réduire les activités prolongées en vision de près, et de réaliser des dépistages réguliers», a prôné Gilles Martin. Ainsi, parmi les enfants pratiquant plus de 14 heures de sport en extérieur par semaine, le risque de développer une myopie devient identique quels que soient les antécédents familiaux, a-t-il détaillé. Deux heures par jour d’exposition à la lumière extérieure diminuent le risque par trois.

Les ophtalmologues souhaitent désormais une prise de conscience: «il nous faut une politique de santé publique» sur cette question, a plaidé Ramin Tadayoni, en annonçant la création en 2023 d’un «Institut de la myopie».

Plusieurs pays asiatiques, dont Singapour et la Chine, ont ouvert la voie en se dotant de centres exclusivement dédiés à la prise en charge médicale et à la recherche sur la myopie pathologique.

En France, l’Institut sera adossé à une association de patients destinée à éviter «l’errance thérapeutique». Son fondateur, Cédric Thein, 49 ans, myope depuis l’âge de six ans, qui a subi ensuite plusieurs décollements de rétine, espère procurer aux patients un espace de parole et d’informations. Mais aussi créer l’opportunité d’intégrer des protocoles de recherche pour bénéficier le plus rapidement possible des innovations. «En France, peu de travaux concernent spécifiquement la myopie, rendant cette maladie parfois moins bien connue et prise en charge que certaines maladies rares», regrette Ramin Tadayoni.