Vous avez un mauvais sens de l’orientation? Cela vient peut-être de la ville dans laquelle vous avez grandi
Si vous avez grandi à Bruxelles, votre sens de l’orientation ne sera peut-être pas le même que celui d’une personne originaire de New York. C’est en tout cas la théorie d’une nouvelle étude mondiale co-dirigée par le CNRS.
Pour aboutir à de telles conclusions, les chercheurs ont comparé les performances de près de 400.000 personnes originaires de 38 pays différents. L’outil utilisé pour évaluer le sens de l’orientation des participants? Le jeu vidéo «Sea Hero Quest», développé spécifiquement pour diagnostiquer la maladie d’Alzheimer.
Conduite par une équipe de chercheurs de l’Institut national des sciences appliquées de Lyon, en collaboration avec le CNRS et l’University College de Londres, l’étude suggère que le fait de grandir en milieu rural aide davantage à se repérer dans l’espace que si l’on a grandi en zone urbaine.
Des zones plus complexes
«Les zones rurales sont par nature plus complexes que des villes quadrillées: les réseaux de routes sont moins organisés et les distances parcourues sont souvent plus importantes», expliqueAntoine Coutrot, chercheur au CNRS et co-auteur de l’étude. Et ce constat semble traverser les frontières, bien qu’il soit nettement plus marqué au Canada, aux États-Unis, en Argentine ou en Arabie Saoudite que dans d’autres pays.
L’étude dénote également une différence entre les habitants des grandes villes du monde. D’après les résultats, le fait d’avoir grandi dans une ville à la configuration alambiquée comme Paris ou Prague conférerait par exemple un meilleur sens de l’orientation à l’âge adulte.
«Les réseaux de rues à Paris ou Prague sont particulièrement tortueux, au moins autant que ce que l’on peut trouver en dehors des villes. C’est ce qui explique les différences entre les pays. En Europe ou en Asie, les villes sont généralement complexes, les différences de compétences spatiales sont donc plus faibles entre citadins et non citadins. Mais dans d’autres pays, les villes sont souvent plus simples, plus quadrillées, comme c’est le cas en Argentine, au Canada ou aux États-Unis», précise Antoine Coutrot.
En toute logique, les individus présentent également plus de facultés pour se repérer dans l’espace lorsqu’ils se trouvent dans des villes dont l’agencement ressemble à celles qu’ils ont habitées durant l’enfance. Un New-yorkais aura donc peut-être des difficultés à s’orienter à Paris, mais sera sans doute plus à l’aise dans une ville comme Chicago.
«Le sens de l’orientation est comme toutes les capacités cognitives: plus on s’en sert, meilleur il devient! On peut donc en déduire que lorsque l’on grandit dans une ville complexe, nous utilisons davantage notre sens de l’orientation, car nous en avons plus besoin que dans une ville où il est plus simple de se repérer», analyse Antoine Coutrot.
Ces nouvelles données scientifiques permettent de mieux cerner les capacités cognitives de l’adulte et de les intégrer aux méthodes de diagnostic et de prise en charge des pathologies neurodégénératives. «Nous montrons que l’environnement dans lequel on grandit façonne nos compétences cognitives, en particulier celles liées à la navigation spatiale. Cette information est importante lorsqu’il s’agit d’utiliser des tests de navigation spatiale dans un contexte clinique, par exemple pour le dépistage de la maladie d’Alzheimer. Un médecin pourra adapter son interprétation des résultats des tests en fonction de l’environnement d’enfance de ses patients», développe Antoine Coutrot.