Six clichés sur les croisières à la (cha)loupe
Si vous avez vu «Sans filtre» (Triangle of Sadness), vous devez avoir un avis bien tranché sur les vacances en croisière. Les passagers y seraient plutôt du genre âgé et ne penseraient qu’à manger et à boire. Mais les clichés sont faits pour être réfutés, pas vrai? C’est sous cette devise que j’ai posé mon pied marin à bord du Seabourn Encore pour une croisière en Asie du Sud-Est.
1
On s’ennuie en mer
Verdict: faux
Sur les huit jours de croisière, j’en ai passé trois en mer. Ce qui signifie que je ne pouvais pas quitter le bateau et que la seule vue qui s’offrait à moi était une gigantesque étendue d’eau. Un défi pour une personne qui reste difficilement en place, m’étais-je dit. Cependant, la vie de croisiériste ne m’a pas donné l’occasion de m’ennuyer. Via une app, on me proposait chaque jour un programme différent bien étoffé. J’ai barboté dans les deux piscines, je me suis relaxée dans les jacuzzis, j’ai suivi une conférence sur les villes d’Asie du Sud-Est en plein essor, j’ai gagné un quiz (à la grande frustration des habitués de Seabourn), je me suis rendue au fitness dans l’espoir de me débarrasser de mes kilos de croisière, j’y ai renoncé pendant un cours de cuisine, je me suis pomponnée pour le dîner, je me suis goinfrée pendant le repas, je me suis rendue dans la salle de spectacle pour un spectacle de magie ou un concert et j’ai terminé la soirée au club en dansant sur les beats du DJ Otto Stories. Les livres que j’avais emportés ont rarement eu l’opportunité de sortir de ma valise!
2
Les croisières, c’est pour les personnes âgées
Verdict: en partie vrai
Je l’avoue, si vous êtes jeune trentenaire vous ne voyez pas beaucoup de congénères parmi les autres passagers. Mais, comme si souvent dans la vie, l’âge n’est ici qu’un chiffre. Très vite, je me suis liée d’amitié avec Henri et Pierrette, de verts sexagénaires qui profitent de la vie. Ce sont de grands fans de Seabourn. Ils sont très fiers du fait qu’ils ont déjà navigué 200 jours avec cet armateur de croisière. Ce qui mérite bien une réception avec le capitaine! Ce couple de Français est de plus infatigable: ils ont le gosier en pente, se déhanchent à qui mieux mieux sur la piste de danse et font la fermeture du bar aux petites heures. J’ai donc très vite compris que j’avais plus en commun avec ces seniors que ce que je pensais de prime abord.
Comme la croisière est un mode de voyage très confortable, la formule fonctionne aussi pour les familles. Les petits-enfants emmènent dans leur sillage leurs grands-parents qui ne sont plus aussi vaillants. Ils partent à l’aventure en journée, tandis que papi et mamie sont chouchoutés sur le bateau. Voilà qui permet de réunir des générations différentes, sans devoir sacrifier le plaisir des vacances.
Et si vous voulez quand même voir des visages sans rides, il y a bien évidemment le personnel du bateau. Le personnel et les passagers interagissent en toute cordialité. Les barmen m’ont très vite appelée par mon prénom et me proposaient ma boisson préférée avant même que j’ai le temps de la commander. Bien que Seabourn soit une compagnie américaine, les chefs, les DJ et le personnel d’entretien proviennent des quatre coins du monde et ont tous leur propre histoire.
3
Les croisiéristes ne s’intéressent pas à la culture
Verdict: faux
Outre le beau temps, une croisière en Asie du Sud-Est offre aussi de magnifiques destinations. En deux semaines, on visite pas moins de cinq pays: Singapour, la Thaïlande, le Cambodge, le Vietnam et la Malaisie. Vous pouvez explorer ces destinations via une excursion organisée ou par vos propres moyens.
12 heures dans la pétillante Bangkok
Le point culminant de mon voyage est la pétillante Bangkok. La capitale de la Thaïlande est à deux heures de route du port de Laem Chabang, si bien que je dois me lever tôt pour cette excursion d’un jour. Même si une journée ne suffit pas pour découvrir Bangkok, j’ai déjà une bonne idée de ce que cette ville a à offrir.
Je débute la journée par le temple de Wat Pho qui accueille un bouddha couché qui est tellement grand qu’on a dû percer un trou dans le toit pour son bonnet pointu. J’ai ensuite monté les 344 marches de la Montagne Dorée. J’ai lunché au Methawalai Sorndaeng, un restaurant thaï classique qui possède une étoile au Michelin. Et si vous pensez que j’ai dû y vider ma tirelire, vous avez tout faux! Un plat y coûte en moyenne 8 euros.
Dans l’après-midi, j’ai pris place à bord d’un long-tail boat, qui m’a permis de découvrir une autre facette de Bangkok. Sur l’eau, on aperçoit les bidonvilles, qui menacent de s’effondrer en raison de la montée des eaux. Le contraste avec les villas entourées de murs et les gigantesques bouddhas en or est grand. Le bateau me dépose au Temple de l’Aube, le symbole de Bangkok où les touristes vêtus du costume traditionnel prennent joyeusement des photos.
Après l’effort vient le réconfort! Qui dit Thaïlande pense bien entendu massage. Je teste au Mandarin Hotel un massage thaï de 90 minutes qui fait des merveilles pour la circulation sanguine et les muscles douloureux. Même si la masseuse n’y va pas de main morte de ma tête à mes pieds, je me sens toute revigorée après le massage.
Ma journée à Bangkok se termine à Yaowarat, soit la China Town. Dans le trafic chaotique, je me fraie un chemin le long des échoppes de nourriture. J’y goûte un dessert chinois qui ressemble aux churros, de délicieux poissons et crabes et même des insectes. Bangkok, I’ll be back!
Rêve asiatique
Le lendemain, toujours en Thaïlande, je prends la navette de bus pour Pattaya, où le tourisme sexuel n’est pas le seul à être ostensiblement promu, mais où je grimpe aussi dans un songtaew – le taxi collectif local – pour visiter un marché sur l’eau et l’impressionnant Sanctuaire de la Vérité en bois.
Les jours suivants, je débarquerai à Ko Kood, une île thaï paradisiaque, je visiterai le palais royal et une ancienne prison des Khmer rouges au Cambodge et je terminerai par un food tour à Ho Chi Minh au Vietnam. Tu parles d’un cours intensif sur l’Asie!
4
Une croisière, ça pollue
Verdict: en partie vrai
Venons-en à un sujet épineux. En ces temps de marches pour le climat, de réchauffement de la planète et de crise de l’énergie, les organisateurs de croisières sont de plus en plus critiqués pour leur empreinte écologique. Même si un bateau de croisière n’arrivera jamais à la cheville des vacances en train, Seabourn fait les efforts nécessaires. C’est ainsi que les émissions de CO2 des bateaux entre 2005 et 2020 ont baissé de 25% grâce à l’optimisation des moteurs et l’utilisation d’un meilleur carburant. Le plastique à usage unique est restreint, de même que la consommation d’eau par passager. Chaque navire accueille à son bord un Environmental Officer pour veiller au grain. Fait amusant: les restes alimentaires sont littéralement digérés dans une machine ingénieuse par des micro-organismes, après quoi le liquide qui subsiste et qui est totalement sans danger pour la vie dans les océans est rejeté à la mer. Une déclinaison originale de «Too Good to Go»!
5
Vive la décadence sur un bateau de croisière
Verdict: vrai
Si vous voulez perdre du poids, mieux vaut ne pas partir en croisière all-in. Il me faut une semaine pour tester tous les restaurants et les bars. Sur l’Encore il y asept restaurants, dirigés par 68 chefs: de la cuisine classique dans une salle de bal à la Titanic, au décontracté Earth and Ocean sous la voûte céleste, en passant par de délicieux sushis dans un cadre intime. La cerise sur le gâteau, c’est le restaurant du chef étoilé Thomas Keller avec de copieuses grillades. Contrairement à d’autres compagnies de croisière, Seabourn fonctionne avec une formule all-in complète. Vous pouvez donc réserver chaque soir dans un restaurant différent, sans devoir sortir votre portefeuille. Dans les bars aussi, les cosmopolitans et les piña coladas coulent à flots. Faites toutefois attention avec l’alcool à volonté. La gueule de bois sur un bateau n’est pas à conseiller, et dans ce cas les pilules contre le mal de mer sont des perles pour les cochons.
Pizza caviar
En parlant de perles. La signature de Seabourn, c’est le champagne et le caviar. À n’importe quel moment de la journée et de la nuit vous pouvez commander une coupe et des œufs d’esturgeon. Et certains passagers font preuve d’une très grande créativité à ce propos. Mes amis français par exemple mangent du caviar avec pratiquement tout. Ils aiment se vanter de leur énorme consommation de petites perles noires. Il y a à bord de l’Encore pour 48.000 dollars de caviar d’Uruguay dont, selon Henri, il en avaleun kilo chaque jour. Il est aussi le fier inventeur de la «pizza caviar», une pizza Margherita au… caviar. Il m’a forcée à goûter sa création particulièrement tacky. Même si je ne crois pas dans le bon goût de Henri, je dois admettre que pizza et caviar forment un match made in heaven. La vie de croisière aurait-elle changé mes papilles gustatives?
6
En croisière on n’est jamais seul(e)
Verdict: vrai
Avec 600 passagers et environ autant de membres du personnel, le Seabourn Encore est un petit village. Et comme c’est le cas dans un village, je rencontre toujours les mêmes personnes, avec lesquelles je n’ai jamais établi aussi vite des contacts sociaux en voyage que sur ce navire. Avec toutes ces nationalités et sensibilités politiques différentes à bord je ne vais pas demander si quelqu’un vote pour Trump ou Biden ou comment la personne peut se permettre un séjour de plusieurs mois sur le luxueux Encore. Et cela n’a pas forcément d’importance. On se fiche de la vie que vous meniez avant ces vacances et d’où vous allez ensuite. Ce qui importe, c’est ici et maintenant, le voyage que nous faisons ensemble. Nous venons tous en short au buffet du petit-déjeuner et le soir nous enfilons tous nos plus beaux atours brillants dans l’espoir que le capitaine, autorité suprême et symbole de statut ultime, viendra bavarder avec nous.
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