SNCB : Faut-il régionaliser le rail en Belgique? «C’est une ineptie»
Comme à chaque nouvelle élection, la régionalisation du rail revient sur la table. De nombreux pays l’ont adoptée avec succès. Mais est-elle vraiment envisageable en Belgique? Metro vous dit tout.
Fin juillet, la N-VA a déposé à la Chambre une proposition de loi spéciale visant à régionaliser le rail en Belgique. L’idée n’est pas nouvelle. À l’approche des élections, elle revient sur la table. En janvier 2016, déjà, le président de la N-VA Bart De Wever militait pour une régionalisation de la SNCB. À l’époque, il suggérait notamment une scission de la ligne Anvers-Charleroi pour que les navetteurs flamands ne soient pas impactés en cas de grève des Wallons.
Pourquoi la N-VA veut régionaliser le rail?
Revenons à cet été 2023. Cette fois, c’est le député de la N-VA Tomas Roggeman qui a défendu le projet dans un texte cosigné par une petite dizaine d’autres députés dont Theo Francken. «Si on veut une politique de mobilité durable et solide, prête à affronter l’avenir, il faut que nos autorités régionales aient en main les dernières clés pour lui conférer une dimension intégrée», estime-t-il. Il souligne notamment le fait que les gares soient davantage fréquentées au nord du pays. «En Wallonie, de nombreuses gares et points d’arrêt comptabilisent peu de voyageurs, parfois moins de 20 embarquements par jour», lance Roggeman qui trouve que la répartition actuelle des moyens financiers (60% pour la Flandre et 40% pour la Wallonie) ne reflète pas le nombre de clients. Il conspue la manière dont l’argent est «gaspillé» en Wallonie pour les gares de Liège ou de Mons «sans aucun bénéfice pour le voyageur». Enfin, il estime que les Wallons sont plus nombreux à faire grève: «Les grévistes wallons représentent systématiquement plus de la moitié du nombre total de grévistes, contre un quart pour les Flamands.». Selon le député N-VA, il n’y a donc qu’une seule solution. Ce n’est pas la manifestation mais bien la régionalisation du transport ferroviaire en Belgique. Dans son argumentaire, Tomas Roggeman n’aborde cependant jamais la situation de Bruxelles. Le député ne mentionne pas non plus le coût de certaines gares en Flandre (près de 750 millions € pour la nouvelle Gare d’Anvers, 530 millions pour celle de Gand et 348 pour celle de Malines). Mais ça, c’est une autre histoire.
«La régionalisation du rail est une ineptie»
Le député N-VA met en avant que le rail est régionalisé en Suisse et aux Pays-Bas et que c’est un succès. C’est aussi le cas en Suède, en Allemagne et au Danemark. Mais alors, pourquoi ça coincerait en Belgique? «C’est la dernière chose à faire», estime le ministre fédéral de la mobilité Georges Gilkinet (Ecolo). «Avec un réseau qui traverse les trois régions, il faudrait payer trois tickets et arrêter les trains à la frontière linguistique?», s’interroge-t-il. «On est un petit pays et pour le port d’Anvers, par exemple, les lignes wallonnes sont essentielles, notamment pour transporter des matériaux vers la France ou l’Italie. Quand on investit pour rénover des ponts entre Dinant et Athus, on le fait à la fois pour les voyageurs locaux et pour les marchandises qui transitent par Anvers et qui renforcent notre économie», détaille Georges Gilkinet à Metro. «La régionalisation du rail est donc une ineptie, à la fois en termes de collaboration communautaire mais aussi en termes d’affectation des moyens publics. Nous avons la chance d’avoir un réseau très dense, bien électrifié, et nous devons le conserver», conclut le ministre.
Même son de cloche pour Pierre Lejeune, président de la CGSP Cheminots. «La Flandre a tout intérêt d’avoir un réseau en Wallonie bien entretenu et développé. Quand un train de marchandises part du port d’Anvers vers l’Italie ou le sud de la France, c’est dans l’intérêt de la Flandre que le réseau wallon soit en bon état. Quand un train de passagers fait par exemple Ostende-Eupen en passant par la Wallonie aussi», a-t-il déclaré à nos confrères de L’Echo.
Techniquement impossible?
Mais au-delà de ces considérations, une régionalisation de la SNCB serait-elle réalisable? Si, sur le papier, le projet semble en emballer certains, dans la pratique, ce serait nettement plus compliqué. En effet, le réseau ferroviaire belge a été conçu à l’origine en étoile, avec Bruxelles comme noyau central. En Belgique, un train sur trois passe donc par la fameuse jonction qui relie Bruxelles-Nord à Bruxelles-Midi en passant par Bruxelles-Central. En cas de régionalisation, de nombreux trains devraient avoir leur terminus à Bruxelles et devraient pouvoir faire demi-tour dans la capitale. La régionalisation «impliquerait que des liaisons qui viennent de Flandre ou des liaisons qui viennent de Wallonie trouvent leur destination dans cette jonction Nord-Midi. Ça doublerait donc le nombre de trains qui auraient leur terminus dans une des gares de Bruxelles, ce qui, actuellement, n’est pas possible pour des raisons de capacité», indiquait en 2016 à la RTBF Henry-Jean Gathon, professeur d’économie des transports à l’ULg.
Même si des politiciens flamands la remettent sur la table depuis de nombreuses années, techniquement, la régionalisation serait difficilement réalisable, sans parler du coût colossal qu’elle représenterait.
Des trains plus confortables au nord?
De nombreux citoyens s’interrogent sur la répartition du matériel roulant sur le réseau ferroviaire. Et visiblement, il y a autant de mécontents au nord qu’au sud du pays. «En tant que ministre, je reçois beaucoup de courriers et à la limite, je reçois plus de courriers de citoyens flamands qui se plaignent qu’ils doivent subir du vieux matériel que de Wallons. Tout le monde a en fait l’impression qu’il est désavantagé avec du vieux matériel», nous indique le ministre fédéral de la mobilité. «Le matériel est réparti de façon équitable. Mais nous veillons à ce que la répartition soit équitable sur tout le territoire. C’est la responsabilité opérationnelle de la SNCB et il n’est pas question de mettre tout le vieux matériel dans une partie du pays et le nouveau matériel dans l’autre», assure Georges Gilkinet.
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