Tim Burton se confie à l’occasion de l’inauguration de son expo à Bruxelles: «J’ai l’impression d’avoir 13 ans»

C’est aujourd’hui qu’a lieu l’ouverture à Tour & Taxis de la très attendue exposition «Tim Burton’s Labyrinth». Un parcours immersif à travers les décors macabres mais réjouissants du créateur de films cultes comme «Beetlejuice», «Charlie et la chocolaterie» ou encore «Edouard aux mains d’argent». Le génie aux cheveux ébouriffés s’est confié à Metro sur cette visite ludique dans son esprit si créatif, et plus que jamais célébré pour sa marginalité.

par
Stanislas Ide
Temps de lecture 5 min.

L’exposition nous plonge dans les décors de vos films mais regorge aussi de dessins que vous avez créés. Pourquoi leur avoir donné cette place dans la scénographie?

Tim Burton : «Le dessin a toujours beaucoup compté pour moi car il me permet d’exprimer mes idées et de communiquer. Parfois c’est un simple dessin, parfois j’essaie de l’animer, mais ça peut aussi déboucher sur un film. Ou rien du tout! Le concept de l’exposition selon lequel on se perd dans un mélange de créations différentes me parlait beaucoup. On y trouve donc des dessins de mes débuts comme des décors de mes films les plus connus. Comme si on regroupait les graines et les plantes de mon esprit dans une vision gigantesque. On va d’une idée à la suivante, parfois en couleurs, puis en noir et blanc. Ça m’a vraiment rappelé l’état dans lequel je suis avec un crayon et une feuille de papier.»

Le tournage de la suite de «Beetlejuice» est presque terminé et vous n’avez utilisé que des effets spéciaux à l’ancienne. Ça y est, vous avez fait le tour des effets numériques?

«J’ai tout testé à travers les années. Mais le retour aux bases a quelque chose de grisant. Comme avec le stop-motion pour les films d’animation. C’est comme ça que j’ai appris à faire des films et ça me plait. Sur ‘Beetlejuice 2’, j’ai aussi aimé la rapidité de la production. Avec Winona Ryder, Michael Keaton et les autres, on a décidé de foncer sans vraiment savoir ce que nous étions en train de faire. On inventait tout à mesure que le tournage avançait. Je ne sais pas si c’est la meilleure façon de faire un film mais c’était très agréable. Ça a ravivé mon esprit dans la fabrication de films.»

Beaucoup de vos films sont portés par des personnages de jeunes filles malines et un peu blasées. Wednesday, Lydia dans «Beetlejuice, Kim dans «Edouard aux mains d’argent» et même Taffy, jouée par Natalie Portman dans «Mars Attacks!». Voyez-vous un lien entre elles?

«Tout à fait, même si je ne pense pas que ça ait quelque chose à voir avec le fait que ce sont des jeunes femmes. Et je ne les décrirais pas forcément comme blasées mais plutôt très conscientes du monde qui les entoure. Je n’ai jamais été une fille de 16 ans mais je m’identifie fortement à Wednesday par exemple. Je me sens lié à ses sentiments et, ado, je partageais sa vision du monde et de l’école. Ça remonte peut-être à l’enfance. Pour moi ce sont des personnages jeunes mais qui ont une vieille âme et se sentent très âgés. Je me sentais très vieux quand j’étais gamin. Et maintenant je sens l’inverse, j’ai l’impression d’avoir 13 ans.»

Certaines de vos apparitions publiques rassemblent des foules de fans en délire. Que vous évoque cet emballement ou le fait qu’on vous nomme le «Saint patron des marginaux»?

«C’est terrifiant, émouvant, beau et surprenant à la fois. Je suis plutôt timide et je ne sors pas beaucoup, c’est donc vraiment surréaliste pour moi. En général, je n’arrive pas à y croire, mais ce que j’ai remarqué, c’est que ces effets d’emballement peuvent entraîner les gens à aller voir d’autres expositions dans des musées, ou des films dans des festivals auxquels ils ne se rendraient pas habituellement. Ça brise une sorte de quatrième mur et ça inspire même des enfants à se mettre au dessin. J’ai grandi en aimant dessiner mais avec le sentiment que je n’étais pas si doué que ça. On me l’a dit d’ailleurs (rires). Mais je savais que ça me plaisait malgré tout. D’une drôle de manière, l’attention reçue lors d’événements mettant mon travail à l’honneur semble faire déborder cet enthousiasme vers de jeunes personnes. Et je trouve ça beau.»

C’est vrai que vos films sont célébrés par plusieurs générations. Êtes-vous surpris par les retours des plus jeunes?

«Ce qui me surprend, c’est que ces films résonnent encore avec le jeune public. En général, la technologie évolue et les nouveaux publics deviennent imperméables aux anciennes créations. La société change et les gens aussi mais mes films arrivent encore parfois à toucher de nouveaux publics de façon primaire. Je ne l’explique pas vraiment. J’ai récemment montré à mes enfants des films de Ray Harryhausen (concepteur d’effets spéciaux et de créatures monstrueuses sur de nombreux films devenus cultes, ndlr). Ces films sont très bruts, assez simplistes, et ils appartiennent à leur époque. Mais mes enfants voyaient la beauté dans la fabrication artistique déployée, même s’ils sont habitués à de meilleurs effets. Enfin, meilleurs, ça reste relatif. C’est ce qui compte au bout du compte. On espère que les gens continuent à voir les racines de la création, même quand la technologie et la vie en général ont évolué.»

L’exposition immersive «Tim Burton’s Labyrinth» ouvre ses portes aujourd’hui à Bruxelles sur le site de Tour & Taxis.

Retrouvez toute l’actu sur Metrotime.be