Pourquoi les mouflons et les chevreuils se livrent-ils une guerre sans merci dans cette région de la planète?
La crise climatique a parfois des conséquences inattendues, notamment sur la biodiversité. La preuve dans le parc national de Glacier, dans l’État américain du Montana. Là-bas, des chèvres des montagnes et des mouflons canadiens se livrent à une guerre sans merci pour des carrés de sel.
Joel Berger et Forest P. Hayes, deux chercheurs de l’université d’État du Colorado, ont été témoins de cette étrange lutte animale en 2019, lors d’un voyage dans le parc national de Glacier. Ils y ont vu des chèvres et des mouflons s’affronter pendant plusieurs heures pour une petite parcelle de sel fraîchement fondue.
Ces réserves de sel sont convoitées par ces deux espèces en raison du sodium et des autres nutriments essentiels à leur survie qu’elles contiennent. Elles ont longtemps été inaccessibles pour ces animaux, comme l’expliquent les scientifiques dans une étude récemment parue dans Frontiers in Ecology and Evolution. La crise climatique et la hausse des températures qui en résulte ont changé la donne, en accélérant la fonte des glaciers du parc national américain.
Un grand affrontement
Résultat: les chèvres et les mouflons s’affrontent pour prendre le contrôle de ces parcelles de sel. Les chercheurs s’attendaient à ce que ces combats en haute altitude soient remportés, à tour de rôle, par chacune des deux espèces, étant donné qu’elles ont des caractéristiques physiques similaires. Mais, après des mois d’observation, ils ont constaté que les chèvres des montagnes prenaient toujours l’ascendant sur leurs adversaires. «Nous avons été surpris que les chèvres de montagne gagnent systématiquement», a déclaré Joel Berger au Washington Post.
Si ces caprins sont naturellement plus belliqueux que les mouflons, ils n’ont pas besoin d’user de violence pour que leurs rivaux tournent les talons. «Les chèvres étaient à l’origine de toutes les confrontations, et la plupart d’entre elles consistaient en des approches passives au cours desquelles les moutons dominés s’éloignaient en marchant ou en sautillant», peut-on lire dans l’étude.
Un bouleversement de la biodiversité
Bien que ces conflits inter-espèces peuvent sembler anodins, les chercheurs affirment qu’ils témoignent d’un bouleversement profond dans la biodiversité. Ils ont même vocation à se multiplier, conséquence des dérèglements climatiques et de la destruction des habitats naturels de nombreuses espèces animales. «Comme nous observons des changements potentiels dans la disponibilité des ressources et une augmentation de leur rareté, il est de plus en plus probable que cela se produise plus souvent», a souligné Forest P. Hayes au Post. «Il est donc vraiment important de comprendre ces conflits et leurs ramifications pour les espèces impliquées».