Affaire Sanda Dia: entre 18 et 60 mois déjà requis à l’encontre des 18 prévenus

Le ministère public a requis lundi de 18 à 60 mois de prison ferme devant le tribunal correctionnel de Hasselt à l’encontre des responsables de l’activité de baptême qui a causé la mort de Sanda Dia en décembre 2018. Le procès dans lequel comparaissent 18 membres du cercle étudiant Reuzegom est maintenant interrompu jusqu’à lundi prochain, en raison d’une demande de requalification des faits émise par la présidente du tribunal vendredi soir.

par
Belga
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Le 5 décembre 2018, le cercle Reuzegom avait organisé une épreuve de baptême à laquelle ont pris part Sanda Dia, un étudiant de la KULeuven âgé de 20 ans, et deux autres bleus. L’activité avait débuté à Louvain et s’était poursuivie dans un chalet à Vorselaar où la victime avait dû rester plusieurs heures dans un puits glacé. L’état de santé du jeune homme s’était nettement dégradé après avoir ingurgité de l’alcool et de l’huile de poisson. La victime, originaire d’Edegem (province d’Anvers), était décédée deux jours plus tard à l’hôpital.

Le procureur général a souhaité lundi, dans son réquisitoire, que les dix-huit prévenus dans l’affaire Sanda Dia soient condamnés pour avoir administré des substances nocives ayant entraîné la mort. Il a déclaré qu’il y avait eu un comportement «brutal, horrible et dégradant» pendant le baptême des étudiants qui a conduit à la mort de l’étudiant.

Des peines plus sévères que d’autres requises

C’est A.G. qui devrait recevoir la peine la plus sévère, à savoir 60 mois de prison, selon le parquet général. L’homme, baptisé «Janker», ne montre aucun sentiment de culpabilité, selon le procureur. Il a également été l’un des premiers à vouloir effacer les traces après les faits.

Pour J.J., alias «Zaadje», le ministère public a requis 50 mois de prison, une amende de 8.000 euros et une déchéance de ses droits pendant cinq ans. Pour les autres prévenus, des peines de 18, 24 ou 30 mois ont été requises. Toutes les peines requises lundi sont assorties d’une amende et d’une déchéance de droits.

Vendredi soir, la présidente du tribunal avait pourtant proposé la requalification des faits, qui y voit davantage des coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Cela a provoqué une agitation parmi les avocats, qui ont demandé du temps pour se prononcer sur cette proposition.

Après avoir convenu d’un délai accordé aux avocats à propos de la requalification des faits, l’audition des prévenus s’est poursuivie. Bon nombre d’entre eux ont commencé par adresser leurs excuses à la famille et aux amis de la victime.

Des versions divergentes

L’une des épreuves sous la loupe dans ce procès consiste à contraindre un bleu à avaler un petit poisson et à le régurgiter ensuite à l’aide d’huile de poisson. Cette pratique devait constituer l’un des points d’orgue du parcours baptismal des bleus, mais aucun des prévenus ne semble avoir suivi la scène de près, selon leurs déclarations faites lundi.

La version de certains diverge concernant l’état de forme de Sanda Dia avant cette épreuve finale. Tous semblent reconnaître que le jeune homme n’était pas au mieux, par rapport à ses deux compagnons de galère qui apparaissaient plus fringants malgré une grosse biture la veille des faits. Pas de quoi arrêter l’activité cependant. Un prévenu, S. J., affirme toutefois que Sanda Dia n’était pas en état de creuser le puits dans lequel les trois bleus devaient être laissés ensuite, alors que G. H. prétend le contraire et que la victime a bien pris part aux travaux d’excavation.

Le soir des faits, tous les prévenus ne semblaient en outre pas d’accord sur le degré d’urgence que requérait l’état de santé de la victime. Certains plaidaient pour un transport immédiat vers l’hôpital alors que d’autres estimaient qu’il fallait d’abord le réchauffer avec les moyens à disposition sur place (vêtements chauds, chauffage de la voiture…).

L’ensemble des prévenus ont rejeté toute mauvaise intention dans cette affaire. «Je ne peux accepter l’idée que certains pensent que tout cela se soit produit pour faire du mal», a commenté K. V.

L’huile de poisson, dont la quantité excessive consommée par la victime serait à l’origine de sa mort, n’était considérée jusque-là par les comitards que comme un ingrédient de bleusaille comme un autre. «Il y avait un faux sentiment de sécurité. Chacun de nous avait subi un traitement similaire à l’époque de son baptême. Mais nous ne savions pas quelles conséquences il pouvait y avoir en cas de surdose d’huile de poisson», selon S. J.

«Son honnêteté a entraîné sa mort»

Après les prévenus, les deux anciens bleus qui avaient pris part à l’épreuve avec Sanda Dia, ont décrit dans l’après-midi les conditions difficiles dans lesquelles s’était déroulée cette activité de bleusaille. Pour l’un d’eux, V. D., le froid était tellement insupportable qu’il a accepté de se faire uriner dessus par les comitards. Il a précisé que Sanda Dia ne s’était pas senti trop mal après la fameuse épreuve des petits poissons, mais que deux minutes environ après être revenu dans le puits, son état s’était considérablement dégradé. «Il était tout à fait clair que Sanda n’en pouvait plus», a ajouté V. D.

Le troisième bleu, C. M., a tenu une version similaire. Il a précisé que les bleus avaient reçu de nombreux seaux d’eau sur eux. «Une quinzaine, je pense», a-t-il dit. Il a toutefois déclaré qu’il n’était pas question de mauvaises intentions de la part des comitards. «Je n’ai jamais ressenti qu’ils voulaient nous faire du mal», a-t-il dit. Tout s’est passé de manière volontaire, a-t-il confirmé.

À la fin de l’interrogatoire, le père de Sanda Dia s’est soudainement levé. C.M. avait déclaré que, selon lui, il avait été traité le plus sévèrement des trois. «Alors pourquoi mon fils est-il mort?», a voulu savoir Ousmane Dia. «Je suis plus grand et plus armé que lui. Et j’ai triché beaucoup plus. Je pense que l’honnêteté de Sanda a entraîné sa mort», a répondu le témoin.