L’Otan entame son exercice de dissuasion nucléaire juste au-dessus de la Belgique
Le club des aviateurs de l’Otan chargés d’une mission nucléaire entame lundi, au départ de la base aérienne de Kleine-Brogel (Limbourg), un exercice «de dissuasion» de routine impliquant une soixantaine d’avions de divers types – dont des bombardiers stratégiques B-52 Stratofortress américains – mais qui intervient dans un contexte de tensions avec la Russie en raison de l’invasion de l’Ukraine.
Dans un souci inédit de transparence, l’Otan a confirmé vendredi, dans un communiqué, la tenue de cet exercice baptisé «Steadfast Noon». Elle avait déjà été évoquée par son secrétaire général, le Norvégien Jens Stoltenberg, et par la ministre de la Défense du pays hôte, la Belge Ludivine Dedonder.
Selon l’Alliance atlantique, les forces aériennes de l’Otan entraîneront leurs capacités de dissuasion nucléaire, avec la participation de dizaines d’avions au-dessus de l’Europe du nord-ouest entre le 17 et le 30 octobre. L’exercice est présenté par l’Otan comme une «activité d’entraînement de routine et récurrente» et n’est lié «à aucun événement mondial actuel».
«Steadfast Noon» implique 14 pays et jusqu’à 60 avions de différents types, dont des avions de combat de quatrième et cinquième génération, ainsi que des avions de surveillance et des ravitailleurs en vol.
«Comme les années précédentes, des bombardiers américains à long rayon d’action B-52 seront de la partie. Cette année, ils partiront de la base aérienne de Minot dans l’État de Dakota du Nord (nord des États-Unis). Des vols d’entraînement auront lieu au-dessus de la Belgique, qui accueille l’exercice, ainsi qu’au-dessus de la mer du Nord et du Royaume-Uni. Aucune arme réelle ne sera utilisée», a ajouté l’Otan.
Et aucun appareil ne s’approchera à moins de 1.000 km du territoire russe.
Plusieurs sources ont confirmé que la base de Kleine-Brogel serait le point focal de l’exercice.
Un exercice «de routine»
«Steadfast Noon» est organisé chaque année par un allié différent de l’Otan, parmi ceux qui ont accepté une tâche nucléaire au sein de l’Otan (l’Allemagne, la Belgique, Il’talie et les Pays-Bas, ainsi que dans une moindre mesure la Turquie) en vertu d’un «partage du fardeau».
La participation des aviations alliées est toutefois plus large, car de précédentes éditions de «Steadtast Noon» ont vu l’engagement d’avions de combat F-16 polonais et Saab JAS-39 Gripen tchèques dans des missions d’escorte, sous l’appellation de SNOWCAT («Support of Nuclear Operations With Conventional Air Tactics»).
En Belgique la base de Kleine-Brogel a déjà accueilli dans le passé plusieurs éditions de Steadfast Noon, notamment en 2012 et 2017. Elle est équipée de chasseurs bombardiers F-16 regroupés au sein des 31e et 349e escadrilles et disposant d’une «double capacité» (conventionnelle et nucléaire).
Elle est présumée abriter entre une dizaine et une vingtaine de bombes américaines à gravité B61-3/4 pouvant être mises en œuvre par les F-16 du 10e wing tactique et un détachement américain, le 701st Munitions Support Squadron (701 MUNSS), selon un expert de la Fédération des scientifiques américains (FAS) spécialisé dans l’armement nucléaire, Hans Kristensen.
Ces bombes «tactiques» devraient être remplacées dans les prochaines années par une nouvelle version de cet engin, la B61-12 à l’issue d’un programme de développement qui aura coûté une dizaine de milliards de dollars.
«Cet exercice contribue à garantir que la dissuasion nucléaire de l’Alliance reste sûre, sécurisée et efficace», a déclaré la porte-parole de l’Otan, Oana Lungescu, citée dans un communiqué.
L’Otan rappelle que son nouveau concept stratégique, adopté par les chefs d’État et de gouvernement des trente pays alliés lors du sommet de Madrid en juin, indique clairement que «l’objectif fondamental de la capacité nucléaire de l’Otan est de préserver la paix, d’empêcher la coercition et de dissuader l’agression». Il souligne que «tant qu’il y aura des armes nucléaires, l’Otan restera une alliance nucléaire».
La tenue de l’exercice avait été annoncée mardi par M. Stoltenberg, avant une réunion des ministres de la Défense alliés, notamment au sein du Groupe des Plans nucléaires (GPN). «Il s’agit d’un entraînement de routine, qui a lieu chaque année et l’annuler serait un mauvais signal» adressé à la Russie, avait-il dit devant la presse, laissant entendre que la Russie avait été prévenue.
À Moscou, un vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Ryabkov, a affirmé vendredi que la Russie surveillait de près tous les exercices militaires réguliers de l’Otan près de ses frontières, selon l’agence étatique Tass.