Maisons de repos: le scandale Orpea s’étend à la Belgique

Les maisons de repos du groupe privé français Orpea sont au cœur d’un scandale, à la suite des révélations du livre-enquête «Les fossoyeurs» du journaliste Victor Casta, qui a dénoncé des maltraitances dans les établissements de ce groupe en France. Qu’en est-il des 80 maisons de repos Orpea en Belgique? Alors que les langues se délient, les premières conclusions des enquêtes viennent d’être dévoilées.

par
Rédaction en ligne
Temps de lecture 5 min.

«Ce qui est révélé dans le bouquin contient des similitudes avec la situation en Belgique», assure Fabien Boucqueau, représentant syndical à la CNE, dans les colonnes de la Dernière Heure ce mardi. Et selon lui, la situation était déjà problématique avant la pandémie.

Les témoignages recueillis par la DH font état de situations extrêmement interpellantes: «dans certaines maisons de repos d’Orpea, quand les protections incontinence ne sont pas pleines, on ne les remplace pas», confie une déléguée syndicale. Un autre renchérit, en donnant l’exemple d’aides-soignants contraints d’utiliser des chaussettes par manque de gants de toilette.

S’il n’y a «pas de consigne ou d’ordre» formels rationnant le matériel, «le système mis en place fait que les travailleurs n’ont pas accès au matériel en suffisance», explique Fabien Boucqueau. Le représentant syndical dénonce en outre des conditions de travail pénibles ainsi qu’un manque de personnel; ce qui se répercute sur le quotidien des résidents et peut entraîner une forme de «maltraitance involontaire».

«Ma maman est morte du Covid, je ne savais même pas qu’elle l’avait»

Du côté des résidents et famille, on évoque également des situations de maltraitance. C’est le cas d’Eric, qui s’en est ouvert auprès de nos confrères de la DH. «Je m’en veux terriblement de l’avoir placée là et je ne l’aurais pas fait si j’avais su dans quelles conditions elle allait être», confie-t-il. Des conditions de vie que se sont empirées avec l’arrivée du Covid. «À plusieurs reprises, elle a attendu plus de 45 minutes pour pouvoir aller à la toilette… On lui amenait un thermos de café sans tasse, on lui plaçait son plateau-repas hors de portée, etc», détaille Eric. Sans compter la qualité des soins qui n’était pas au rendez-vous.

Malgré les plaintes, la situation de la maman d’Eric ne s’est jamais améliorée, déplore-t-il. «Un dimanche à 5 h du matin, on m’a appelé pour me dire que maman était décédée du Covid et pour me demander quelles pompes funèbres je choisissais. Pas de condoléances, rien. Mais le pire c’est que je ne savais même pas qu’elle avait le Covid», s’indigne-t-il. «Le mal est fait pour ma maman, et je ne passe pas une seconde sans y penser. Je m’en veux réellement.»

Des inspections menées en Wallonie

La semaine dernière, des inspections inopinées ont été menées par l’Avicq dans les 18 maisons de repos gérées par la société en Wallonie. Ces inspections peuvent dans les pires des cas déboucher sur des démarches en justice voire la fermeture de l’établissement.

À ce jour, 12 maisons de repos ont été inspectées. Sur ce nombre, l’Aviq a remis un avis positif pour 8 institutions, un avis plus mitigé pour 2 et un avis très préoccupant pour un établissement.

«Ces informations sont celles dont je dispose à ce stade. Les investigations se poursuivent», a souligné la ministre régionale de la Santé, Christie Morreale, selon qui «tous les faits qui sont et seront portés à notre connaissance feront l’objet d’un suivi par les services d’inspection de l’Aviq».

Des mesures déjà envisagées

«Sans attendre et complémentairement aux nombreuses mesures déjà prises, j’ai également demandé que l’on tire des premiers enseignements pour aboutir à des mesures plus structurelles», a poursuivi Christie Morreale, mardi, en commission du parlement wallon.

Ainsi, la Commission de convention accueil et hébergement de l’Aviq, regroupant les fédérations des maisons de repos et les organismes assureurs wallons, se réunira dès la semaine prochaine pour proposer rapidement des modifications législatives «afin de conditionner le financement public à des indicateurs qualité concernant notamment l’hygiène et l’alimentation dans les maisons de repos».

La gradation des sanctions pour les établissements défaillants sera également revue. «Actuellement, les sanctions sont la suspension ou le retrait de l’agrément. Il faut pouvoir sanctionner plus vite financièrement lorsque des faits sont avérés, sans attendre la suspension ou le retrait d’agrément qui prennent souvent plusieurs mois», a précisé la ministre.

L’Aviq accentuera enfin ses missions de contrôle grâce entre autres au renforcement de son équipe qui est passée de 53 agents en 2019 à 74 en 2021.

Orpea déjà dans le viseur

Quatre maisons de repos gérées par Orpea faisaient déjà l’objet d’un suivi particulier à la suite des inspections de l’Aviq menées depuis 2018 dans les 18 établissements du groupe, a encore indiqué Christie Morreale. Depuis cette date, 13 plaintes concernant 10 établissements ont été reçues. Trois plaintes, réceptionnées les 21, 24 et 26 janvier, sont encore en cours de traitement.

Sur les 10 plaintes qui ont été analysées, une a été déclarée non fondée; 7 partiellement fondées et deux plaintes fondées. Les griefs portaient notamment sur l’encadrement et les compétences du personnel, la gouvernance et le management, la négligence, le suivi paramédical, les droits du patient, l’alimentation ou encore le non-respect de la convention d’hébergement.