«À Molenbeek, je ne me sens pas en Belgique»: les propos de Conner Rousseau font polémique

Le président de Vooruit (socialistes flamands) Conner Rousseau était mardi sous le feu de vives critiques, jusque dans son propre camp, pour des propos jugés méprisants et xénophobes sur la diversité à Bruxelles, et particulièrement à Molenbeek.

par
Belga
Temps de lecture 4 min.

«Quand je roule dans Molenbeek, moi non plus je ne me sens pas en Belgique», affirme Conner Rousseau dans une interview à l’hebdomadaire flamand Humo. «Mais la plupart de ces personnes sont nées ici. Le plus important est qu’elles parlent notre langue et qu’elles travaillent. À Bruxelles, à cause de la pénurie d’enseignants, des gens donnent cours en arabe en classe, parce qu’ils ne parlent pas français. Inacceptable. Et que fait le gouvernement flamand? Il augmente le coût des cours de langue pour réduire les listes d’attente», à l’en croire.

Interrogé mardi matin (De Ochtend, Radio 1), l’intéressé a affirmé qu’il plaidait en réalité pour une bonne mixité sociale. Il considère que dans certaines régions, on ne parle quasiment qu’arabe et que les enfants ne sont donc pas encouragés à apprendre le néerlandais ou le français, ce qui hypothèque leurs chances à l’école et sur le marché de l’emploi.

Les réactions fusent

Le ministre flamand en charge de Bruxelles, Benjamin Dalle (CD&V), a réagi avec virulence. «Ce que Conner Rousseau déclare aujourd’hui dans Humo n’est pas seulement indigne, c’est aussi totalement faux. Les cours de langue et le parcours de citoyenneté sont gratuits à Bruxelles», a-t-il répondu sur Twitter. «Quant à prétendre que des cours seraient donnés en arabe? Qu’il me montre seulement une telle école de la Communauté flamande!»

Jef Van Damme, échevin Vooruit à Molenbeek, a lui aussi dénoncé les propos de son président de parti. «Remarque très déplacée de Conner Rousseau. Molenbeek, c’est tout autant la Belgique que Saint-Nicolas», la ville natale de M. Rousseau en Flandre-Orientale, a-t-il lancé. «Qu’il s’arrête (à Molenbeek) la prochaine fois qu’il y passe, je serais heureux de lui faire visiter les lieux en 2022».

Chez les socialistes francophones aussi, l’indignation était vive. «Ces propos sont intolérables, stigmatisants et xénophobes. Bruxelles est une région cosmopolite avec des quartiers connaissant une grande diversité de population. Ils méritent mieux qu’un mépris digne d’une discussion de bistrot. Lamentable et insupportable», a réagi le président du PS bruxellois, Ahmed Laaouej.

Le député N-VA Theo Francken, quant à lui, buvait du petit-lait. «Les socialistes votent depuis des années contre un durcissement de la politique migratoire. Ils n’ont conquis la Bruxelles libérale que grâce à l’immigration de masse qu’ils ont tant défendue et défendent encore. La famille PS Moureaux dirige Molenbeek depuis des décennies, laissez-moi rire», a-t-il tweeté.

Mais pour la co-présidente d’Ecolo Rajae Maouane, les propos de Conner Rousseau sont «intolérables». «Ils traduisent une grande méconnaissance de Bruxelles. Les Bruxellois.es méritent le respect.»

La bourgmestre de Molenbeek, Catherine Moureaux (PS), n’a pas manqué de réagir avec «dégoût et colère». «Jamais venu à Molenbeek, (Conner Rousseau) se met de manière caricaturale dans la roue de la droite extrême, méprisant par là 100.000 Molenbeekois», a-t-elle tweeté, en dénonçant du «bashing». Elle a annoncé envoyer derechef une invitation à l’intéressé pour «venir à la rencontre de la réalité dès la semaine prochaine».

L’extrême droite surfe sur la vague

L’extrême droite a également sauté sur l’occasion. Le député flamand Filip Dewinter (Vlaams Belang) et le dirigeant du parti néerlandais PVV (Partij voor de Vrijheid), Geert Wilders, ont introduit une nouvelle demande d’organiser une visite de Molenbeek le 13 mai prochain, et disent inviter Conner Rousseau à les accompagner.

Une précédente tentative de leur part, en 2017, qu’ils avaient qualifiée de «safari de l’islam» et qui devait être contestée par une contre-manifestation, avait été interdite par ordonnance de police, sous le mayorat de Françoise Schepmans (MR), pour menace à l’ordre public. Le Conseil d’État avait annulé cette ordonnance en 2021 parce que la bourgmestre ne s’était pas adressée au conseil communal pour adopter l’ordonnance.