Une Marche mondiale des femmes pour exiger des plans de relance féministes, le Collecti.e.f 8 maars appelle à la grève

Après la crise sanitaire, vient le temps de la relance. Alors que les femmes ont été en première ligne de la gestion quotidienne de la pandémie de Covid-19, que ce soit dans les soins de santé ou en prenant en charge la garde d’enfants, la confection de masques, etc., l’organisation Marche mondiale des femmes demande que les plans de relance comprennent une approche genrée. Pour faire entendre cette revendication, une manifestation s’élancera ce mardi à 17h30, depuis la gare de Bruxelles-Central.

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La politique de relance post-Covid doit être féministe et améliorer «les conditions de travail des femmes et leur accès aux services de soins de santé», en les adaptant pour les femmes et les personnes LGBTQIA+, plaide Marcela de la Peña, coordinatrice de la Marche mondiale des femmes Belgique. L’organisation exige «un vrai renforcement du système de protection sociale et une lutte contre l’appauvrissement des femmes», déplorant un manque de financement structurel des soins de santé. «On a beaucoup parlé pendant la pandémie des métiers du care (du soin, NDLR), assumés majoritairement par des femmes, mais on ne les voit pas dans les plans de relance», dénonce la coordinatrice.

«On sort d’une crise sanitaire, il y a la guerre en Ukraine… Or, ce sont toujours lors de périodes de crise que les femmes perdent des droits», avance Marcela de la Peña. D’où l’importance d’un investissement structurel dans la protection sociale alors que la précarité touche plus fortement les femmes, qui travaillent davantage à temps partiel, touchent des pensions plus faibles et assument encore la majorité de la charge de l’éducation des enfants et des soins des malades.

Dénoncer les violences sexuelles

La Marche mondiale des femmes sera aussi l’occasion de dénoncer les violences sexuelles et sexistes faites aux femmes, de «condamner la culture du viol et du harcèlement». La secrétaire d’État Sarah Schlitz «fait bouger les choses au niveau des propositions mais nous voulons nous assurer que celles-ci seront mises en place, de manière structurelle», explique Marcela de la Peña. Elle pointe également la situation particulièrement difficile des femmes sans papiers, victimes de «violences sexistes, institutionnelles et administratives». Des violences qu’elles ne peuvent dénoncer à la police au risque d’être expulsées. Ce qui est contraire à la Convention d’Istanbul sur les violences faites aux femmes, ratifiée par la Belgique depuis 2016, rappelle la coordinatrice.

La Marche étant un mouvement mondial, elle montrera sa solidarité avec les femmes afghanes, particulièrement réprimées depuis le retour des talibans au pouvoir, ainsi qu’avec les femmes vivant dans un pays en guerre. Un village féministe s’installera dès 16h00 à Bruxelles-Central avant le départ de la Marche à 17h30. La manifestation reviendra au carrefour de l’Europe à 18h30 pour écouter plusieurs interventions.

Des actions sont également prévues de manière décentralisée, à Gand, Namur, Liège, Anvers… La manifestation est organisée de manière mixte, afin de «sensibiliser toute la population et de rassembler des alliés», explique Mme de la Peña. «Tant que toutes les femmes ne seront pas libres, nous serons en marche!», conclut la plateforme, qui réunit une cinquantaine d’organisations. La Marche mondiale des femmes avait rassemblé jusqu’à 15.000 personnes lors des éditions organisées avant la crise sanitaire.

Grève féministe

«Quand les femmes s’arrêtent, le monde s’arrête.» C’est sous ce slogan que le Collecti.e.f 8 maars demande aux femmes et minorités de genre de respecter mardi une grève nationale féministe à l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes le 8 mars.

Pour la quatrième année consécutive, les femmes et minorités de genre sont appelées à se croiser les bras afin d’attirer l’attention sur la place qu’elles occupent, leur importance pour faire fonctionner la société et dénoncer les inégalités, discriminations et violences qu’elles subissent. Arrêt de travail partiel ou total, grève du travail domestique, grève de la consommation, grève du soin aux autres, grève étudiante… Tous les moyens sont bons pour mettre en lumière le rôle crucial des femmes dans la société.

«Le message, c’est: arrête-toi avec nous de faire ce que tu fais d’habitude gratuitement ou de manière peu rémunérée», explique Aurore Kesch, présidente de Vie féminine. «On veut montrer, en s’arrêtant, tout ce que les femmes pallient, font à la place de l’État» de manière invisible. Les revendications «balaient tous les domaines où les droits des femmes sont bafoués. Ce qui ne veut pas forcément dire que ces droits n’existent pas, mais qu’ils ne correspondent pas toujours à la réalité des femmes ou que des angles morts subsistent».

«Inégalité stucturelle»

«Une inégalité structurelle est ancrée dans notre société», enchérit le Collecti.e.f 8 maars. «Les femmes (et toute personne qui se reconnaît dans cette appellation) gagnent moins de revenus, prennent en main davantage de tâches de soins, ont des pensions plus faibles, sont plus souvent confrontées à la violence», dénonce le collectif dans son manifeste. Violences sexuelles, psychologiques, physiques, économiques, juridiques constituent le quotidien des femmes et «les politiques néolibérales, sécuritaires, racistes ne font qu’accroître les inégalités», poursuit-il.

«En 2022, on constate tous les jours sur le terrain le poids des assignations et tout ce qui est entrepris pour faire rentrer dans le rang» une femme qui ne correspond pas à la norme, ajoute la présidente de Vie féminine. Par exemple, «une femme qui décide de ne pas avoir d’enfants» devra faire face à des préjugés, des pressions de son entourage, des interrogations quant à son choix «car elle ne répond pas à ce qu’avait prévu pour elle le patriarcat, c’est-à-dire, de manière caricaturale, à fonder une famille et s’en occuper», illustre Mme Kesch.

«Partout dans le monde, les droits des femmes et minorités de genre sont en péril et en train de reculer», avertit le collectif. Mais la lutte s’organise. «Les femmes ne se laissent pas faire et s’insurgent. (…) Toutes les féministes, nous devons nous unir contre toutes les formes de discrimination envers les femmes et minorités de genre: qu’elles concernent notre couleur de peau, nos origines, nos revenus, notre genre, notre orientation sexuelle ou nos croyances? C’est en luttant toutes ensemble que nous arracherons des victoires.»

La grève est dite féministe, ce qui renvoie à «un mouvement révolutionnaire. On veut autre chose: sortir des rapports de domination qui font en sorte que la référence soit encore souvent l’homme riche, blanc, valide, hétérosexuel, cisgenre», explique Aurore Kesch. Être féministe signifie, pour la présidente de Vie féminine, réclamer le droit, en tant que femme, de «pouvoir poser des choix dans toutes les dimensions de sa vie sans contrainte, de se sentir à notre place et en sécurité partout, d’être autonome (même en vivant avec quelqu’un) et de réclamer que toutes les femmes partout aient ces trois types de droits».

Pour Aurore Kesch, «il faut permettre aux femmes d’avoir une autre grille de lecture» car elles sont socialisées avec une vision patriarcale. «Les femmes doivent pouvoir choisir la vie qu’elles souhaitent mener et pour pouvoir faire un vrai choix, il faut disposer d’un panel. Or, il est souvent rétréci pour les femmes. Tout un arsenal est là pour couper les ailes» des femmes tout au long de leur vie.

Les syndicats CSC et FGTB ont déposé un préavis de grève, en soutien de l’action. Une Marche mondiale des femmes s’élancera également mardi à 17h30 depuis la gare de Bruxelles-Central.