Vaccination des ados: un enjeu plus collectif qu'individuel
Vacciner les adolescents contre la Covid-19 permettrait d'immuniser une plus grande proportion de la population et ainsi de mieux lutter contre la circulation du virus, soulignent les spécialistes, même si à titre individuel, le risque est faible dans cette tranche d'âge.
On dispose désormais de données rassurantes concernant l'efficacité et les risques des vaccins Pfizer/BioNTech et Moderna chez les adolescents. Le vaccin Pfizer/BioNtech a été autorisé dès 12 ans au Canada, aux Etats-Unis et désormais dans l'Union européenne, avec le feu vert vendredi de l'Agence européenne des médicaments (EMA), au vu des résultats de l'essai sur 2.200 adolescents de 12 à 15 ans.
Cette étude a mis en évidence "une efficacité de 100%" contre les formes symptomatiques de la maladie et des effets secondaires "similaires" à ceux observés chez les personnes plus âgées. L'EMA souligne toutefois que la taille "limitée" de l'essai pourrait avoir laissé échapper des effets indésirables «rares».
Quant à Moderna, qui compte déposer "début juin" des demandes d'autorisation chez les 12-17 ans, son essai sur 3.700 adolescents de cette tranche d'âge a aussi conclu à «une efficacité du vaccin de 100%», sans «inquiétude concernant sa sécurité». Les autorités sanitaires américaines et européennes analysent par ailleurs de rares cas d'inflammations cardiaques survenues chez des adolescents et de jeunes adultes après la vaccination, sans qu'un lien ne soit prouvé à ce stade.
Les décès Covid-19 sont exceptionnels chez les adolescents (le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, ECDC, a comptabilisé 98 décès sur 1,1 million de cas chez les 10-19 ans). Le risque de forme grave nécessitant une hospitalisation est lui aussi très faible (0,9% selon l'ECDC). Une vérité à nuancer, pour l'infectiologue Odile Launay, membre du comité sur les vaccins Covid en France, interrogée par l'AFP: «certains enfants peuvent faire des formes graves», comme ceux atteints de leucémie ou qui ont des déficits immunitaires. Par ailleurs, «on ne connaît pas bien» les syndromes persistants du Covid («Covid long») et le risque qu'ils touchent les plus jeunes, ajoute-t-elle.
Des complications rares mais graves de l'infection ont également été observées: le syndrome inflammatoire multisystémique pédiatrique (PIMS ou MIS-C), qui a touché plusieurs milliers d'enfants et d'adolescents. Le risque est là encore extrêmement faible, estimé vendredi par l'agence sanitaire française Santé publique France à 33,8 cas par million d'habitants chez les moins de 18 ans. Au total, le rapport bénéfice/risque à se faire vacciner reste moins évident que pour le reste de la population.
C'est ce qui a motivé la commission vaccinale allemande (STIKO) à exprimer des réserves ces derniers jours, évoquant la moindre gravité du Covid chez les plus jeunes et un manque de données sur les effets secondaires des vaccins, qui ne sont «pas des bonbons».
La Pr Launay invite aussi à mettre dans la balance les «bénéfices indirects», puisque vacciner "permettra peut-être plus rapidement (...) de reprendre une vie plus normale" pour une tranche d'âge durement affectée par les restrictions successives (confinements, réduction des interactions sociales, fermeture des établissements scolaires ou enseignement à distance...).
Si leur santé est peu à risque, les adolescents ne sont pas à l'abri d'une infection et peuvent alors participer à la transmission du virus. Leur immunisation contribue donc à freiner l'épidémie. Phénomène bien connu dans les maladies infectieuses, l'immunité collective signifie qu'au-dessus d'un certain seuil de personnes vaccinées, les virus ne rencontrent plus suffisamment de personnes à infecter, ce qui les empêche de se répliquer et de continuer à circuler. On ignore à quel niveau exact elle se situera pour le Sars-CoV-2, mais plusieurs estimations la jugent assez élevée, entre 70% et 80% de l'ensemble de la population.
Si on ne vaccine pas les mineurs, il faudrait vacciner plus de 90% des adultes pour parvenir à une telle couverture, un chiffre ambitieux au vu des réticences d'une partie de la population face au vaccin. D'où la crainte qu'après des débuts où le nombre de personnes désirant se faire vacciner excédait l'offre de doses disponibles, la campagne bascule dans une phase inverse et qu'on plafonne à un niveau insuffisant.