Zelensky s’exprime devant la Chambre: «La paix a plus de valeur que les diamants, le gaz et le pétrole russes»
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a appelé la Belgique jeudi, lors d’une intervention par visioconférence à la Chambre, à soutenir ses demandes d’instaurer une zone d’exclusion aérienne, à accélérer l’adhésion de l’Ukraine à l’UE et à accepter de frapper plus durement l’économie russe, tout en remerciant la Belgique pour les armes et l’aide fournies, ainsi que l’accueil des dizaines de milliers de réfugiés de guerre.
«La paix a beaucoup plus de valeur que les diamants, les accords (économiques) avec la Russie, les bateaux russes dans les ports, le pétrole et le gaz russes», a lancé M. Zelensky, au terme d’une allocution prononcée devant les représentants des parlements et des gouvernements du pays.
Invité par le Parlement belge comme il l’a déjà été par d’autres assemblées dans le monde, M. Zelensky a appelé les Européens à faire preuve du même courage que les défenseurs de Marioupol et d’autres villes d’Ukraine assiégées par les Russes. Usant de références à l’histoire du pays hôte, il a indiqué que la bataille de Marioupol était «peut-être pire» que celle d’Ypres, pendant la Première guerre mondiale. Une allusion à la menace du recours par la Russie à des armes chimiques, Ypres ayant été la première bataille où ce type d’armes a été utilisé (gaz chlorique).
«Marioupol avait les perspectives économiques parmi les plus importantes du pays, aujourd’hui elle est ruinée à 90%, des milliers d’habitants sont morts. Pas d’eau, pas de nourriture, pas de médicaments, rien de ce qui est essentiel à la survie, et malgré cela, Marioupol ne tombe pas, ses défenseurs pouvaient laisser la ville à l’envahisseur, mais ne l’ont pas fait», a fait valoir le président-chef de guerre.
Alexander De Croo répond à son discours
Face à cet exemple, il a questionné le courage de l’Occident qui refuse d’instaurer une zone d’exclusion aérienne au-dessus de son pays. Intervenant quelques minutes plus tard, le Premier ministre Alexander De Croo a dit comprendre cette frustration. «Mais disons-le sans détour: cela signifierait abattre des avions russes et enclencher ainsi une escalade qui pourrait faire basculer toute l’Europe», a-t-il répondu, rappelant que l’OTAN «ne doit pas devenir partie prenante à ce conflit».
Volodymyr Zelensky a aussi répété sa demande de faire rentrer l’Ukraine dans l’Union européenne, un processus dont la Belgique et d’autres États membres de l’UE ne veulent pas brader les exigences. Toutefois, «l’Europe commettrait une terrible erreur si elle faisait attendre l’Ukraine jusqu’au processus formel d’adhésion à l’UE», a jugé M. De Croo. Il a répété ses faveurs pour une solution «plus rapide et plus directe», en citant l’opportunité d’une intégration économique accélérée de l’Ukraine et de l’Europe, ainsi que le programme Erasmus.
Ces réponses ont-elles laissé le président Zelensky sur sa faim ? Le format ne prévoyait pas de réponse. Mais un nouveau durcissement des sanctions et la demande de frapper le secteur énergétique russe étaient bien présents dans l’allocution de M. Zelensky.
Lutter contre la tyrannie
«Les défenseurs de Marioupol combattent pour la sécurité de toutes les villes d’Europe. Ici, on lutte contre la tyrannie qui veut diviser l’Europe et tout ce qui nous unit. Mais il y a ceux pour qui les diamants russes, parfois vendus à Anvers, sont plus importants, pour qui accepter les revenus des bateaux russes dans les ports est plus important que notre lutte», a-t-il critiqué.
Dans la foulée de l’allocution présidentielle, le Premier ministre a une nouvelle fois été interrogé par les députés sur ces points. Il avait déjà affirmé que la Belgique n’avait jamais bloqué d’éventuelles mesures contre la Russie en lien avec le secteur diamantaire, et se réfère au raisonnement de la Commission européenne, selon lequel les mesures doivent frapper l’adversaire plus durement que nous-mêmes. «Si on le fait, le commerce (de diamants) se déplacera en un jour d’Anvers à Dubaï», a-t-il observé, estimant que cette mesure aurait un «impact zéro» sur l’économie russe. «Si on ne préserve pas notre économie, ce serait encore pire pour les amis Ukrainiens que l’on veut aider.» Au sein de la majorité, Ecolo-Groen a immédiatement demandé, par voie de communiqué, «l’arrêt de l’importation de diamants liés au régime russe».
Des remerciements
Apparaissant dans la chemise kaki qu’il arbore depuis l’assaut russe du 24 février dernier, M. Zelensky a remercié la Belgique pour les armes fournies et l’accueil des réfugiés d’Ukraine. «Ce sont des remerciements historiques», a-t-il insisté.
«Nous maintiendrons notre soutien à l’Ukraine», a assuré M. De Croo. «Un soutien politique, en infligeant des coûts économiques élevés à la Russie. Un soutien diplomatique, en isolant ce pays. Un soutien militaire et humanitaire, en accueillant les personnes qui fuient les missiles et les bombes russes.»