Le tutoiement dans les offres d’emploi, la nouvelle stratégie des recruteurs
Les entreprises continuent à embaucher de manière intensive, alors que le taux de chômage s’établit à 7,2% de la population active en France. Mais elles se heurtent à des difficultés pour recruter sur un marché du travail tendu. De quoi pousser les recruteurs à jouer la carte de la proximité pour attirer les candidats à l’emploi.
Ils sont nombreux à se servir du tutoiement dans les annonces qu’ils publient en ligne, comme le révèle une nouvelle enquête du site de recherche d’emploi Indeed. Le recours au tutoiement a augmenté de 91% depuis le 1er janvier 2020. Il est particulièrement marqué dans les offres d’emploi pour les métiers du marketing ainsi que des médias et de la communication. Il est aussi plébiscité pour pourvoir des postes dans les secteurs du développement informatique, du commerce de détail ou encore des activités sportives.
L’utilisation du pronom «tu» dans les annonces de recrutement reste toutefois un phénomène minoritaire: le «tu» ne représente que 3,2% de l’ensemble des offres postées sur la plateforme française d’Indeed. Mais il témoigne d’une évolution dans les pratiques d’embauche pour séduire des salariés en quête de bonheur et de convivialité.
Recréer du lien
En effet, la généralisation du télétravail et l’essor des organisations de travail hybrides ont contribué à l’individualisation des tâches. Ce phénomène présente d’évidents avantages pour les salariés, notamment en matière d’équilibre entre les vies personnelle et professionnelle, mais il peut aussi susciter chez eux un sentiment d’isolement. Résultat: ils sont nombreux à vouloir recréer du lien au bureau. Ainsi, 49% des moins de 35 ans se rendent, avant tout, sur leur lieu de travail pour voir leurs collègues, selon le baromètre 2021 de Paris Workplace.
Le recours au tutoiement dans les offres d’emploi permet aux recruteurs de donner une image chaleureuse de l’entreprise, et donc de renforcer son attractivité auprès de candidats à l’emploi exigeants et imprévisibles. Mais ces derniers ne sont pas tous sensibles à ce choix grammatical. Les profils senior peuvent se sentir mal à l’aise avec l’usage du tutoiement, qu’ils interprètent comme une forme de jeunisme. En effet, ces salariés plus âgés ont des attentes différentes de leurs cadets vis-à-vis de la vie de bureau. Ils semblent moins sensibles à la dimension humaine et conviviale de leur lieu de travail: seuls 38% des plus de 50 ans aiment y passer du temps, d’après le baromètre 2021 de Paris Workplace. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’ils sont moins disponibles et dévoués à leur métier que les vingtenaires ou les trentenaires.
Pour Alexandre Judes, économiste au sein du Hiring Lab d’Indeed, il est important que les recruteurs aient conscience de ces différences générationnelles lorsqu’ils rédigent des offres d’emploi. «À l’heure où le gouvernement souhaite repousser l’âge légal de départ à la retraite, les entreprises doivent se préparer à mieux intégrer les seniors. Les offres d’emploi utilisant le tutoiement ont tendance à décourager -volontairement ou non- les candidatures de profils seniors, donc n’envoient pas vraiment le bon signal», a-t-il déclaré.