Don de sperme: faut-il en finir avec l’anonymat?
Le don de sperme fait toujours l’objet de nombreux débats en Belgique. Pour l’instant, il est anonyme mais cela pourrait changer.
Le don de sperme fait régulièrement l’actualité avec des histoires rocambolesques. En avril dernier, aux Pays-Bas, un homme a été interdit de donner son sperme après avoir engendré plus de 500 enfants. Pour cela, l’accusé aurait donné son sperme dans plus de dix cliniques, aux Pays-Bas ainsi qu’à l’étranger. La fondation néerlandaise des enfants nés de donneurs avait porté l’affaire devant les tribunaux, affirmant que le don de masse pouvait être dangereux pour la santé des enfants et plus tard, peut-être même de leurs propres enfants. Ils pourraient, en effet, sans le savoir, avoir un enfant avec un demi-frère ou une demi-sœur.
Bientôt un registre des donneurs de sperme?
En Belgique, ces derniers mois, le don de sperme fait l’objet de nombreuses discussions au sommet de l’État. En effet, le Néerlandais ayant engendré plus de 500 enfants a également été actif en Belgique. Suite à cela, le ministre de la Santé publique, Frank Vandenbroucke, s’est engagé à mettre sur pied d’ici la fin de l’année un registre des donneurs de sperme.
La «règle des six femmes»
Chez nous, on parle depuis des années d’une base de données des donneurs de sperme, qui devrait garantir qu’un donneur n’engendre pas trop d’enfants. «Il est inacceptable que ce registre n’existe pas encore, mais mon projet de loi à ce sujet sera bientôt discuté au parlement», avait assuré M. Vandenbroucke. Selon le ministre, un tel registre permettra aux centres de vérifier à l’avance si un donneur a des enfants avec plus de six femmes différentes. Il veut également une «garantie étanche» de Cryos et d’autres banques du sperme privées qu’elles adhèrent à la «règle des six femmes» que fixera la Belgique.
Vers la fin de l’anonymat?
En mai dernier, la députée N-VA Valerie Van Peel estimait devant la Chambre que la notion d’anonymat du don était dépassée. «En garantissant l’anonymat du donneur, on pensait réduire les éventuelles conséquences négatives – juridiques, sociales, psychologiques – pour les intéressés. Mais il ressort clairement des témoignages des enfants issus d’un don qu’ils en subissent des désagréments.», indiquait-elle. Dans un avis rendu le mois dernier, le Comité consultatif de bioéthique estimait que la future base de données centralisée relative aux dons de sperme ne devrait fournir que des informations ne permettant pas d’identifier les donneurs. Dans un premier avis relatif à l’anonymat des donneurs de sperme, rendu le 5 décembre dernier, le Comité suggérait de laisser le choix aux donneurs d’être identifiés.
Les enfants nés d’un don devraient alors pouvoir, dès l’âge de 12 ans, se tourner vers cette banque centrale pour obtenir les informations non identifiantes du donneur, telles que ses antécédents médicaux, sa profession, ou encore ses caractéristiques physiques, mises à disposition dans tous les cas. Dès 16 ans, il devrait ensuite être possible pour ces enfants de demander l’identité de leur donneur. Dans ce cas, ce sont les centres de fertilité qui les contacteront. Même si le donneur a choisi de ne pas divulguer son identité, on lui demandera s’il est disposé à fournir plus de données que ses caractéristiques non identifiantes et s’il est disposé à s’engager dans une certaine forme de contact personnel avec l’enfant, par exemple de façon anonyme par le biais du centre, ou via un courrier ou un appel téléphonique. Pour l’instant, rien n’a encore été décidé.
Le risque d’avoir moins de donneurs?
Le fait que le don de sperme devienne de moins en moins anonyme permettrait d’éviter que des hommes engendrent des centaines d’enfants comme cela a été le cas aux Pays-Bas. Mais il y a aussi le risque que cela rebute les donneurs de sperme. Or, les centres belges sont déjà touchés par une pénurie. La demande est de plus en plus forte mais les candidats sont peu nombreux. De plus, actuellement, la législation est stricte et les hôpitaux ne peuvent pas faire la «publicité» du don de sperme. Il est donc difficile de «recruter» des nouveaux donneurs. Pourtant, bien qu’il s’agisse d’un don, un donneur est payé entre 50 et 100 € en fonction des hôpitaux.
L’anonymat de toute façon voué à disparaître
Enfin, un dernier élément vient mettre en péril l’anonymat du don de sperme: les avancées en matière de génétique et la possibilité de payer pour avoir accès à tout son arbre généalogique. Depuis, certains hommes qui voulaient rester anonymes ont arrêté de donner leur sperme. «Je trouve ça bizarre de mélanger le concret, avoir un enfant et le rencontrer physiquement, et l’abstrait du don, dont tu ne sais pas ce qu’il va devenir. Je préfère ne pas savoir ce qui en a résulté. Je ne considère pas que j’ai des enfants à droite et à gauche. Après, si quelqu’un me retrouve, je serai curieux de le rencontrer, mais il n’est pas question de prendre une place dans sa vie», témoigne dans Moustique un ancien donneur de sperme qui admet qu’il n’aurait pas fait la démarche si le don n’était pas anonyme.
Une chose est sûre, anonyme ou pas, le don de sperme continuera de faire parler de lui dans les prochains.
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