Faut-il en finir avec la galanterie?

Vieille habitude pour certains, forme de «sexisme bienveillant» ou de «coquille vide» pour d’autres, la galanterie est-elle complètement dépassée en 2023? Le débat fait rage!

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Scène de la vie courante. En cette rentrée, un groupe de jeunes ayant entre 25 et 35 ans est dans un restaurant bruxellois. Une jeune femme, appelons la Mathilde, tente de capter le regard du serveur pour commander à boire. Voyant qu’elle n’y arrive pas, un jeune homme du groupe l’appelle et lui demande s’il peut s’occuper de la demoiselle. Une fille du groupe ayant assisté à la scène intervient alors en lui reprochant d’avoir fait preuve de sexisme et que Mathilde était assez grande pour commander à boire toute seule. S’en suit alors un débat animé pour savoir si le comportement du jeune homme était acceptable ou non en 2023.

Un débat sans fin?

À vrai dire, le débat n’est pas nouveau. Cela fait plus de 30 ans qu’il revient de manière récurrente sur le devant de la scène. En 1996 déjà, dans l’émission «Lieux de mémoire», l’historienne française Michelle Perrot lançait: «La galanterie n’est plus véritablement un rapport entre les hommes et les femmes. La galanterie va devenir une coquille vide. (…) des mots, des gestes de plus en plus superficiels: ouvrir une porte, faire asseoir une dame, lui dire des compliments.».

Six ans après le début du mouvement #MeToo, cet été 2023, c’est le film «Barbie» qui semble avoir éveillé un peu plus certains esprits. Les hommes peuvent-ils encore être galants? Est-il aujourd’hui déplacé qu’un homme tienne la porte à une femme ou propose de payer l’addition lors d’un resto? On va le voir, ce n’est pas si simple.

D’un côté, il y a toutes celles et ceux qui voient les choses soit en noir, soit en blanc. «Penser que l’homme doit régler la note systématiquement, c’est nous renvoyer à l’époque pas si lointaine où nous n’avions pas le droit de disposer de nos propres comptes bancaires et pas même le droit de travailler sans autorisation d’un père ou d’un époux», écrivait ainsi en 2016 l’ex-ministre française Marlène Schiappa dans son «Manifeste pour que les femmes payent (aussi) l’addition au restaurant – et ailleurs». À l’inverse, d’autres (des hommes mais pas seulement) n’y vont pas par quatre chemins et considèrent la galanterie comme une sorte de « sexisme bienveillant ».

Être universellement bienveillants

En effet, en2019, le magazine masculin GQ se demandait si la galanterie était vraiment finie. Dans le contexte du mouvement MeToo, le journaliste écrivait que «le consensus veut désormais que la galanterie soit, au mieux, l’expression d’un sexisme bienveillant, au pire, un avatar soft mais pernicieux de la ‘culture du viol’ ». Finalement, il arrivait à la conclusion que «pour avancer collectivement vers l’harmonie et l’égalité, il s’agirait donc maintenant de ne plus être spécifiquement galants mais universellement bienveillants. Une perspective humaniste, volontairement désexualisée, mais qui semble néanmoins se heurter à quelques archaïsmes comportementaux». Le mensuel citait une enquête Ifop de 2018 qui indiquait que deux Françaises sur trois préféraient que ce soit l’homme qui règle l’addition lors du premier rendez-vous et que 45% des femmes de moins de 35 ans estimaient que c’était à l’homme de faire le premier pas. Enfin, elles étaient 63% à trouver que la galanterie faisait partie du processus de séduction.

Et si on faisait preuve de philosophie?

Dans une tribune publiée en 2022 sur le site The Conversation, Sandrine Aragon, chercheuse en littérature française, insistait sur l’importance de l’éducation afin de bien faire la différence entre jeux de séduction et harcèlement, mais aussi sur l’importance dans notre société moderne d’être égalitaire. Ainsi, si quelqu’un tient à tenir la porte en sortant du métro, il doit le faire pour toutes et tous sans distinction. Et si cela ne plaît pas à quelqu’un, il doit pouvoir le dire, simplement et sans agressivité, et il faut respecter son choix.

Enfin, il y a les autres, ceux qui préfèrent ne pas émettre de jugement. C’est le cas de Laurent De Sutter, philosophe belge et professeur à la VUB. «On fait ce qu’on veut. Si on veut payer, on paie; si on veut partager, on partage; si on veut se faire inviter, on se fait inviter. Après, si l’autre, en face, n’est pas d’accord, on en cause. Aucune règle, aucun protocole. Aucun système ne remplacera jamais le fait de causer », a-t-il déclaré cet été dans Le Vif/L’Express. Avec ces mots, le philosophe belge n’aurait-il pas trouvé la manière parfaite de clore ce débat? Du moins temporairement…

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