Grève nationale: pourquoi la Belgique est-elle à l’arrêt?
La Belgique fonctionnera au ralenti aujourd’hui en raison d’une grève générale. Mais quelles sont les principales raisons de cet appel à la mobilisation des syndicats?
Par cet appel à la mobilisation, les syndicats socialiste et chrétien entendent relayer les inquiétudes des travailleurs face à l’inflation galopante et la flambée des prix de l’énergie mais aussi face aux salaires qui restent bloqués au-delà de la simple indexation. La CGSLB n’appelle pas ses militants à la grève, mais participera aux actions menées dans les entreprises.
Selon des chiffres de la FGTB, en un an, le prix du gaz a augmenté de 130% (comparaison d’octobre 2021 à octobre 2022), et celui de l’électricité, de 85%. Les syndicats s’inquiètent que de nombreux travailleurs sombrent dans la pauvreté. Ce qu’ils réclament, ce sont donc un blocage des prix de l’énergie et une augmentation des salaires.
Modifier la norme salariale
Depuis ces dernières années, les syndicats se battent pour que la loi de 1996 sur la norme salariale soit modifiée. La norme salariale est la progression maximale que pourront afficher les salaires dans le secteur privé pour les deux années à venir. Elle est négociée entre les partenaires sociaux (patrons et syndicats) au sein de l’Accord Interprofessionnels (AIP).
La loi de 1996 définit l’évolution des coûts salariaux en fonction des évolutions précédentes en Belgique et de l’évolution future des salaires de nos trois pays voisins: la France, l’Allemagne et les Pays-Bas. La Belgique étant un petit pays, elle dépend beaucoup économiquement (surtout ses exportations) de ses voisins. En 2017, le gouvernement Michel a modifié cette loi de ’96 pour l’adapter encore plus précisément aux salaires de ces trois pays frontaliers.
En 2017 et 2018, la norme salariale s’élevait à 1,1%, soit 0,55% par an. Les syndicats appellent désormais cette loi, la «‘loi 0%’, puisque le calcul de la ‘marge’ n’en dégage… aucune pour les deux années à venir», estiment-ils. Selon eux, la comparaison avec les autres pays est bancale car elle ne tient pas compte du «tax shift», qui a réduit les coûts salariaux pour les entreprises belges. Le syndicat indique en outre que la norme salariale ne tient pas non plus compte des subventions salariales aux entreprises, «qui se sont élevées à plus de 8,2 milliards € en 2020».
La FGTB rappelle par ailleurs que l’indexation des salaires n’est pas une «augmentation» et rappelle que «quelque 850.000 travailleurs et travailleuses n’ont pas encore reçu d’indexation cette année.»
À cette bataille autour de la loi sur la norme salariale, vient s’ajouter désormais l’urgence d’agir face aux prix de l’énergie qui flambent. Les syndicats appellent le gouvernement à ne pas se reposer entièrement sur l’Union européenne, mais à prendre des mesures nationales pour plafonner les prix.
Parmi les autres thèmes que les syndicats veulent également rappeler au bon souvenir du gouvernement, on trouve aussi l’augmentation des allocations sociales, la taxation de tous les surprofits (et non seulement ceux des entreprises du secteur de l’énergie), une meilleure indemnisation des trajets domicile-travail… «On ne parle plus ici seulement de pouvoir d’‘achat’, mais bien de celui de vivre dignement», résume la FGTB.
LES SECTEURS IMPACTÉS
Les transports
Les perturbations seront nombreuses dans les transports publics et ont déjà commencé hier soir du côté du rail. Aucun train ne circulera en provinces de Luxembourg et de Namur, et dans une partie du Brabant wallon. Sur le reste du réseau, environ un quart des trains circuleront (un IC sur 3, mais pratiquement aucun train P).
Le Tec et De Lijn annoncent également des perturbations. Les sociétés de transport invitent les passagers à se rendre sur leur site internet où les lignes concernées seront précisées en temps voulu. Du côté de De Lijn, on estime qu’environ 55% des trams et bus circuleront, la province d’Anvers sera la plus touchée.
À Bruxelles, la Stib prévoit aussi d’importantes perturbations. Comme lors d’autres actions, elle informera les voyageurs en temps réel via son site internet, son application mobile, ses réseaux sociaux ainsi que via les écrans aux arrêts et en station dès 6h.
Les aéroports
Brussels Airport a préventivement annulé 55% de ses vols, soit plus de 200. Il conseille également aux passagers dont le vol n’est pas concerné de venir plus tôt que d’habitude pour l’enregistrement et de ne pas prendre de bagage en soute.
Il n’y aura aucun vol à l’aéroport de Charleroi ce mercredi, selon La Libre Belgique. «Tous les passagers recevront une information de la part de leurs compagnies aériennes. Il ne sera pas possible d’accéder au terminal.»
La compagnie aérienne TUI fly avait pris les devants en déplaçant l’ensemble de ses vols en Belgique vers Cologne et Maastricht. Elle organise des navettes pour ses voyageurs.
Les hôpitaux
Environ deux tiers des hôpitaux privés en Wallonie et à Bruxelles tourneront au ralenti ce mercredi, selon la CNE. Les urgences et les traitements indispensables seront maintenus, mais de nombreux rendez-vous et opérations non-urgentes seront reportés.
Les entreprises
Les piquets de grève seront nombreux un peu partout dans le pays, principalement dans les zonings industriels et commerciaux. Dans la région de Charleroi, les chantiers de construction seront également mis à l’arrêt, à Verviers des cortèges et une soupe populaire seront organisés. À Liège, un rassemblement est prévu en fin de matinée sous les fenêtres du distributeur Resa en présence de la secrétaire générale de la CSC, Marie-Hélène Ska.
S’agissant d’une grève interprofessionnelle, tous les secteurs peuvent être touchés par des actions plus ponctuelles. Les écoles sont tenues d’organiser l’accueil des élèves.