Insultes, menaces, violence: comment les sportifs sont-ils devenus les cibles des parieurs?
À l’ère des réseaux sociaux et de l’anonymat en ligne, le cyber-harcèlement fait des dégâts sur le web. Personne n’est épargné, pas même les sportifs de haut niveau. En effet, certains parieurs ont parfois du mal à accepter la défaite des sportifs sur lesquels ils ont misé. Entre insultes, menaces, et violences, comment les sportifs sont-ils devenus les cibles des parieurs?
En 2021, l’histoire avait fait grand bruit chez nos voisins français, et nous en avions même beaucoup parlé en Belgique. La joueuse de tennis Alizé Cornet rendait publics certains messages qu’elle recevait de la part de parieurs, et ceux-ci se passent de commentaire. «Grosse p*te, j’espère que tu vas crever. Si tu ne te retires pas du tennis, on va te violer», «Va te faire enc****, tu ridiculises la France depuis des années», «Je te souhaite de voir toute ta famille mourir avant de toi-même devenir handicapée», font partie des horreurs que la Française reçoit. Celle-ci rappelle alors que si la santé mentale des sportifs est mise à rude épreuve et qu’on en parle depuis maintenant quelques années, c’est aussi à cause de ce type de messages qu’ils reçoivent par dizaines.
Les sportifs belges n’échappent pas à ce malheureux phénomène, et Toby Alderweireld avait, lui aussi, partagé des messages de certains parieurs déçus à la suite d’une défaite de Genk face à l’Antwerp. «Il y a des limites à tout. Je peux tolérer pas mal de choses, mais menacer ma famille, c’est vraiment exagéré. Je ne comprends pas pourquoi vous écrivez cela et ce que vous voulez obtenir avec cela», avait alors réagi le robuste Diable rouge.
Peut-on parler de cyber-harcèlement?
Le fait d’être une personnalité publique ne rend pas nos sportifs immunisés au cyber-harcèlement, bien au contraire. Car si l’on se fie à la définition du cyber-harcèlement, on se retrouve en plein dedans: «Le cyber-harcèlement est défini comme un acte agressif, intentionnel perpétré par un individu ou un groupe d’individus au moyen de formes de communication électroniques, de façon répétée à l’encontre d’une victime qui ne peut facilement se défendre seule.»
Malheureusement pour les personnes victimes de ce type de comportements, les haters sont extrêmement difficiles à retrouver, étant donné la facilité avec laquelle on peut être anonyme une fois que l’on est sur les réseaux sociaux. L’année dernière, le Comité français du fair-play avait mené une enquête auprès de 1.850 jeunes sportifs. Parmi eux, 85% disent être familiers aux actes de cyber-violence. Et là où des sportifs confirmés tels qu’Alizé Cornet ou Toby Alderweireld ont le recul nécessaire pour faire la part des choses, c’est sans doute beaucoup moins évident pour ceux qui ne sont qu’aux balbutiements de leur vie adulte.
Qu’est-ce qui explique cette haine?
Selon l’enquête du Comité français du fair-play, 78% des parieurs sondés reconnaissent que s’ils perdent de l’argent, c’est de leur faute. Néanmoins, la moitié des jeunes interrogés estiment que s’ils perdent un pari, c’est à cause des joueurs (24%), des arbitres (13%), des gardiens (8%) ou des entraîneurs (8%).
«Le sport et plus particulièrement le football sont le réceptacle des plaisirs mais aussi des frustrations de beaucoup de gens. Et on se rend compte qu’il y a deux types de supporters, celui qui supporte son équipe, va au stade, suit ses joueurs préférés sur les réseaux sociaux sans animosité. Et à côté, il y a le supporter haineux pour qui le plus important n’est pas de soutenir son équipe mais plutôt de se défouler à la moindre occasion et tous les moyens sont alors bons pour détruire les autres, via notamment les réseaux sociaux», expliquait Thierry Zintz, expert en pratiques sportives au sein de la Faculté des sciences de la motricité (UCLouvain) à nos confrères de la DH. Les parieurs frustrés qui se transforment en cyber-harceleurs entrent, bien entendu, dans la seconde catégorie.
Que faire?
Comme souvent, la réponse dans ces cas-là est l’éducation et la prévention. Mais pour Alizé Cornet, il est aussi possible de changer les choses du côté des sites de paris sportifs: «Je me dis qu’il y aurait des actions à faire de leur côté pour endiguer ce flux de haine (…) Je sais que c’est aussi ça qui crée des revenus dans le sport, donc il faut l’accepter mais il faudrait qu’on fasse équipe tous ensemble pour faire en sorte qu’on le vive mieux.» Un appel qui n’a pas encore été, jusqu’à présent, entendu.
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