La face cachée de la vie de pop star : Stress, solitude et épuisement, les artistes brisent le silence

Si la vie d’artiste peut en faire rêver certains, elle a aussi sa part d’ombre. Entre les tournées à rallonge, la pression, la fatigue et la solitude, elle peut vite devenir un enfer. Mais de plus en plus, de musiciens n’hésitent pas à en parler, le sujet est de moins en moins tabou et le soutien s’organise.

par
Thomas Wallemacq
Temps de lecture 6 min.

Pas facile la vie de pop star! Oubliez les clichés de la vie «sexe, drogue et rock’n’roll» d’il y a quelques décennies. Dans une industrie musicale en perpétuelle évolution dans laquelle les concerts représentent désormais la principale source de revenus, les artistes se doivent d’assurer et d’être toujours au top. Cet été, Angèle est l’une de celle qui se produira le plus dans les festivals. Au total, entre le 23 mai et le 17 septembre, la star belge montera 29 fois sur scène. Aujourd’hui, il faut une hygiène de vie irréprochable et un mental d’acier pour effectuer les méga tournées et enchaîner les shows à un rythme effréné. Mais parfois, cela ne suffit pas.

Une vie trop chargée?

Alors oui, on peut se dire que ça doit être chouette de vivre dans un bus tour, de changer de ville chaque jour ou presque, et de vivre de sa passion en jouant ses tubes chaque soir devant des milliers de personnes. Mais la réalité n’est évidemment pas toute rose. Il y a le stress, la pression, mais aussi la fatigue, la séparation avec la famille et l’isolement. Car même si les artistes peuvent paraître extrêmement entourés, ils peuvent se sentir seuls. Cela vaut aussi pour certains sportifs comme les pilotes de F1 qui se déplacent sans cesse aux quatre coins de la planète. En 2019, le champion du monde Lewis Hamilton évoquait à Metro cette solitude. «Quand vous voyagez autour du monde, vous vous sentez parfois très seul», nous expliquait-il. Dans ce contexte, il est primordial d’être bien entouré. Lewis Hamilton nous racontait qu’il pouvait compter sur la présence et le soutien de sa famille et de ses amis de longue date, avant qu’il soit un champion de F1.

La fin d’un tabou

Aujourd’hui, le sujet n’est plus tabou et de nombreux artistes n’ont plus peur d’évoquer leur santé mentale. En juin 2022, alors qu’il venait de commencer sa tournée mondiale, Shawn Mendes a annoncé la fin de ses concerts en expliquant qu’il avait «atteint un point de rupture» et qu’il était épuisé. «Je suis en tournée depuis que j’ai 15 ans. Ça a toujours été difficile d’être loin de mes amis et de ma famille. Après plusieurs années sans tournée, je pensais que j’étais prêt à y retourner, mais cette décision était prématurée et malheureusement, la pression m’a rattrapé», a-t-il écrit à ses fans.

L’été dernier, c’est Selah Sue qui exprimait son mal-être. «Sur scène, les gens m’applaudissaient et j’avais l’impression… qu’ils me détestaient. J’étais dans un état permanent de négativité. Alors j’ai commencé à prendre des antidépresseurs. (…) Ces derniers mois ont été les plus durs de ma vie. Cet été, j’avais beaucoup de festivals et j’étais profondément déprimée», expliquait la chanteuse belge dans une longue interview accordée au journal Le Monde. Selah Sue a donc fait des choix. «J’avais placé mon niveau d’exigence assez bas, c’est important quand on est dans cet état. Je faisais mes concerts, je m’occupais de mes enfants, et c’est tout. Pas de promo, pas d’écriture, pas de mondanités, ça aurait été trop. Mon manageur m’a donc dit: ‘OK Selah, c’est juste toi, les concerts et c’est tout’», détaillait-elle.

Selah Sue est également revenue sur les difficultés de la vie d’artiste. «Quand vous arrivez à un certain niveau de réussite, tout le monde croit que c’est super, que c’est le bonheur. Sauf que non, parce que vous stressez à l’idée que ça s’arrête. Il y a beaucoup de gens qui vous aiment, mais en même temps, ça peut s’arrêter en quelques jours. C’est très volatil. Vous vous comparez à d’autres artistes en nombre de likes sur les réseaux sociaux. C’est absolument atroce, surtout quand on est sensible, ou enclin à la dépression. La vie d’artiste est aussi une vie assez peu structurée. Soit vous êtes en tournée, toujours occupé, à jouer la nuit; soit vous êtes chez vous et vous devez organiser vos journées. Sauf que pour combattre la dépression, on a besoin de structure, donc c’est aussi une difficulté.»

Stromae comme Jacques Brel

Plus récemment, c’est Stromae qui a fait parler de lui en annulant plus de 40 dates de sa tournée. «Entouré de mes médecins, ma famille, mes amis et mon équipe j’espérais pouvoir me redresser rapidement pour reprendre la route et vous retrouver le plus vite possible. Malheureusement, je dois aujourd’hui accepter que ce temps de repos et de rémission sera plus long que je ne l’imaginais», a-t-il annoncé le 9 mai dernier. Que ce soit dans ses morceaux ou dans les interviews, Stromae n’a jamais éludé sa santé mentale. «Même si on vend du rêve, ça reste un métier et, comme dans n’importe quel métier, quand on travaille de trop, on arrive à un burn-out», déclarait-il dès 2018. Après avoir donné 209 concerts en deux ans dans le cadre de sa tournée «Racine carré», Stromae avait décidé de lever le pied et de prendre soin de sa santé mentale pour son «Multitude Tour» avec «seulement» 91 dates. Cela n’aura malheureusement pas suffi. Stromae n’est malheureusement pas le premier et il ne sera pas le dernier. Épuisé, Jacques Brel avait décidé de faire ses adieux à la scène en 1967, alors qu’il avait seulement 38 ans (l’âge de Stromae aujourd’hui) et qu’il était au sommet de sa gloire.

Enfin, il y a quelques semaines, à l’occasion de la sortie de son nouvel album, Loïc Nottet s’est également confié au sujet du burn-out qu’il a admis avoir «frôlé à deux reprises». «Je me mets tellement de pression que ça me fatigue énormément mentalement», explique Loïc Nottet qui poursuit: «Il m’est même déjà arrivé d’avoir envie de mourir. Les gens n’imaginent pas toujours tout le travail qu’il y a derrière un album et un concert», a confié le chanteur belge de 27 ans à Ciné-Télé-Revue.

Des chiffres inquiétants

Pour éviter le pire et venir en aide aux artistes les initiatives se multiplient. Il faut dire que la situation est grave. En 2019, le collectif français Cura a interrogé 503 artistes et professionnels de l’industrie musicale. Il en ressortait que quatre répondants sur cinq souffraient d’anxiété et/ou éprouver une sensation de déprime. En Suède, une étude menée auprès de 1.500 musiciens indépendants indiquait que 73% d’entre eux affirmaient subir un stress, une anxiété ou une dépression relative à leur situation professionnelle. Un élément de plus, s’il en fallait un, pour affirmer que la santé mentale des artistes doit être plus que jamais un enjeu prioritaire.

Erin Benjamin, de l’Association canadienne de musique sur scène, se veut confiant pour le futur notamment grâce à la libération de la parole des artistes. «Ils parlent plus ouvertement de leurs difficultés et je trouve ça merveilleux. Je pense qu’on est à l’aube d’un grand réveil. Les artistes disent qu’ils ne peuvent plus retourner sur la route pour que tout le monde fasse de l’argent sauf eux. En exposant ces défis, ça peut forcer l’industrie à changer une fois pour toutes», estimait-il en début d’année au média canadien La Presse. Espérons qu’il ait raison!