Les méga concerts vont-ils remplacer les festivals?
Les méga concerts ont le vent en poupe. En 2022, 372.638 visiteurs ont assisté aux sept concerts donnés au stade Roi Baudouin: quatre de Coldplay, deux d’Ed Sheeran et un des Rolling Stones. On pourrait croire que cette année était exceptionnelle, notamment du fait que les groupes ont rattrapé leur retard pris par deux années sans concert à cause de la crise sanitaire. Mais il n’en est rien. En effet, l’année 2023 s’annonce d’ores et déjà aussi remplie avec également sept méga concerts. Après Beyoncé qui a attiré plus de 50.000 fans à Bruxelles, ce sera au tour de The Weeknd et de Mylène Farmer de se produire dans le stade national en juillet. Enfin, du 3 au 5 août, ce sont les Allemands de Rammstein qui mettront le feu au stade.
Les festivals en péril?
Si on ne s’attend pas à voir Mylène Farmer en tête d’affiche d’un festival, Rammstein nous a longtemps habitués à figurer en haut des line-up du Graspop, de Rock Werchter et de Pukkelpop. Y’a-t-il un risque que les méga tournées qui cartonnent actuellement dans les stades du monde entier empiètent sur les festivals et appauvrissent leurs programmations?
Car il n’y a pas que les concerts dans les stades qui attirent les foules. Parallèlement, Harry Styles se produira seul sur la plaine de Werchter le 24 juin prochain, et toutes les places sont parties comme des petits pains. D’autres événements se sont construits sur un seul grand nom et affichent eux aussi complet: c’est le cas de Pink à Werchter Boutique le 17 juin et du Bruce Springsteen le lendemain à Werchter Classic.
Un nouveau business model
C’est en réalité toute l’industrie musicale qui se transforme et qui est bouleversée. «Le public va devoir faire des choix et ceux-ci ne seront pas seulement guidés par des raisons économiques.», indiquait à Moustique l’an dernier Denis Gerardy, directeur du Cirque Royal de Bruxelles et programmateur des Solidarités de Namur. «Il y a une nouvelle génération capable de remplir un stade dans n’importe quel pays: The Weeknd, Billie Eilish, Taylor Swift, Harry Styles ou certains groupes de K-pop… Ces artistes conçoivent des tournées mondiales s’étalant sur deux ans où tout est pensé dans une configuration ‘stade’. La scénographie, le son, la production, la logistique ou les segmentations des prix du ticket en fonction des zones choisies par le spectateur», analyse de son côté dans les colonnes de La Libre Pascal Van De Velde de l’agence de booking belge Greenhouse Talent.
Des avantages pour les artistes et pour les fans
Pour les artistes et leurs tourneurs, les avantages liés au fait de privilégier une méga tournée sont nombreux en termes de revenu, de flexibilité, mais aussi de logistique. Quand Rammstein débarquera à Bruxelles, le groupe sera accompagné d’une cinquantaine de semi-remorques comprenant tout le dispositif à installer au cœur du stade Roi Baudoin. De plus, vu la demande, le groupe a ajouté une deuxième, puis une troisième date bruxelloise. Ce qui aurait été impossible en festival.
Et pour les fans? Certes, assister à un méga show coûte cher (au moins 100 €) mais les tickets pour les festivals sont aussi de plus en plus chers (comptez près de 300 € pour un combi à Werchter cette année). Un méga concert leur permet d’assister à un moment privilégié à un show sur mesure, qui peut durer jusqu’à 3 heures (c’était le cas de Beyoncé à Bruxelles). Mais malgré tout, dans ce contexte de crise économique, les fans de musique doivent faire des choix et ce sont bel et bien les petits festivals qui risquent d’en pâtir. Alors qu’ils se déroulent dans moins de deux mois, à l’heure actuelle, aucune journée n’est sold out au festival de Dour et aux Ardentes. «Ma plus grosse crainte est de voir ce fossé s’agrandir avec d’un côté ces festivals intimistes visant une niche, de l’autre les méga concerts et plus rien au milieu», confie à nos confrères de La Libre Didier Gosset, porte-parole de la Fédération des festivals de musique en Fédération Wallonie-Bruxelles.
Les experts s’accordent pour dire que les gens ont désormais de plus en plus tendance à rechercher et à assister à quelque chose d’unique, de rare et qui en mette plein la vue. Ainsi, il n’y aura pas que des fans de Rammstein cet été pour leurs trois concerts à Bruxelles. Certains y seront uniquement pour le show et pour pouvoir dire «J’y étais».
Des cachets qui font tourner la tête
Enfin, ces dernières années, les cachets demandés par les artistes ont également explosé. Cela devient un véritable casse-tête pour les programmateurs des festivals qui ne peuvent se permettre de dépenser tout leur budget pour faire venir un artiste, mais qui doivent trouver des noms qui attireront les festivaliers. Parlons chiffre justement. Selon les estimations, Billie Eilish devrait toucher au moins 1,5 million € pour se produire au Pukkelpop cet été. La chanteuse américaine de 21 ans fait clairement partie du haut du panier. Bon Jovi et Justin Timberlake demandent 1 million €. Radiohead, Muse ou les Foo Fighters, environ 500.000 €. Les stars belges et françaises restent plus accessibles pour les organisateurs de festivals. Il faudrait ainsi compter environ 150.000 € pour faire venir Orelsan ou Lomepal. Pour attirer Angèle, le montant serait d’environ 250.000 €.
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