L’IA peut-elle remplacer les artistes? Angèle a «peur pour son métier»

L’IA n’en finit plus de faire grincer des dents. Après les profs, les photographes ou encore les scénaristes, c’est au tour des chanteurs et des chanteuses de s’inquiéter des dérives potentielles de la technologie.

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par
Thomas Wallemacq
Temps de lecture 5 min.

«Je ne sais même pas quoi penser de l’intelligence artificielle. Je trouve que c’est une dinguerie, mais en même temps, j’ai peur pour mon métier». Voilà comment Angèle a résumé à sa manière, le 10 août dernier, les dernières avancées en matière d’intelligence artificielle.

Quelques jours plus tôt, un artiste surnommé Lnkhey (voir encadré) avait utilisé une IA pour faire chanter à Angèle le morceau «Saiyan» de Gazo et Heuss L’Enfoiré. Le résultat est à peine croyable. Il donne vraiment l’impression qu’Angèle s’est installée devant son piano pour reprendre ce tube de manière acoustique. Sauf qu’elle ne l’a jamais fait. C’est une intelligence artificielle qui a fait chanter cette chanson à Angèle. Suite à l’apparition de ce morceau sur les réseaux sociaux, dans une vidéo devenue virale sur TikTok et Instagram, Angèle se filme en train de reprendre elle-même «Saivan» au piano et la ressemblance avec la version créée par l’IA est au mieux troublante, au pire terrifiante!

Que dit la loi? Angèle pourrait porter plainte

L’artiste français Lnkhey est à l’origine de la fausse reprise d’Angèle. Pour cela, il a notamment utilisé un logiciel baptisé RVC qui est capable de reproduire n’importe quelle voix. Interrogé par Le Figaro, il est revenu sur la création de ce morceau. «J’ai isolé environ dix minutes de la voix d’Angèle à partir de ses chansons, j’ai ensuite transmis les pistes audio à RVC. Après cela, j’ai modifié un petit peu la mélodie pour qu’elle puisse aller avec la voix de l’artiste. J’ai terminé par m’enregistrer en chantant les paroles et l’IA a fini le boulot en remplaçant ma voix par celle d’Angèle!», a expliqué Lnkhey. Actuellement, la législation en la matière est encore assez floue. Mais selon un avocat spécialisé en droit de la musique, Angèle pourrait porter plainte contre Lnkhey, notamment pour «utilisation des droits de la personnalité». Cela n’a pas été le cas cette fois-ci, mais ce genre de plaintes pourrait se multiplier à l’avenir et le cadre juridique sur l’utilisation des IA devra assurément être adapté et se préciser pour éviter les dérives. En attendant, Lnkhey profite de cette soudaine notoriété pour mettre en avant son travail sur soundcloud.com/lnkhey

L’IA est en train de révolutionner la musique

En mois d’un an, les progrès faits en matière d’intelligence artificielle sont fulgurants. Au début, c’était plutôt anecdotique et marrant. Comme lorsqu’au printemps 2021, un internaute sortait, plus de 25 ans après la mort de Kurt Cobain, un «nouveau» morceau de Nirvana. Baptisé «Drowned in The Sun», les paroles et la musique avaient été écrites par une IA.

Au début de l’année 2023, ça a commencé à devenir le grand n’importe quoi. Forte de progrès immenses, la technologie est également devenue accessible à de plus en plus de personnes. C’est ainsi que sont apparues sur TikTok de nombreuses fausses reprises générées par des IA. Au programme: Ariana Grande qui reprend «Happier than ever» de Billie Eilish, Lady Gaga qui chante «Video Games» de Lana Del Rey, ou encore Adele qui interprète «Back to black» d’Amy Whinehouse. Toutes ces reprises font des millions de vues et d’écoutes.

Certaines stars s’y mettent…

Devant le potentiel de la technologie, certaines stars aussi s’y mettent. Comme en février 2023, lorsqu’en plein concert, David Guetta a dévoilé ce qui semble être un nouveau morceau d’Eminem. Il s’agissait en réalité d’une imitation de la voix du rappeur générée par une IA, «Emin’IA’em» comme l’a baptisé le DJ.

D’ici la fin de l’année, c’est un nouveau morceau officiel des Beatles qui sortira. Pour ce «dernier enregistrement des Beatles», Paul McCartney a expliqué qu’il avait eu recours à une IA pour recréer la voix de John Lennon. Le chanteur en avait profité pour dire qu’il considérait comme «très intéressante» l’arrivée de l’IA dans la musique. «C’est quelque chose que nous sommes tous en train d’appréhender en ce moment, d’essayer de comprendre ce que cela veut dire», a-t-il déclaré. La chanteuse canadienne Grimes y voit aussi un bon filon. Elle donne accès aux enregistrements de sa voix pour permettre de créer des nouveaux morceaux, à condition qu’elle puisse toucher 50% des bénéfices générés. Pourtant, Grimes est consciente des risques qu’elle prend en faisant cela. Elle avait ainsi indiqué qu’elle n’apprécierait pas qu’on la fasse chanter un morceau anti-avortement.

… d’autres s’inquiètent

Certains artistes se montrent plus inquiets. C’est le cas de Sting qui prédit une «bataille» entre les artistes et l’IA. «On ne peut pas laisser les machines prendre le contrôle, il faut être prudents», a-t-il expliqué. La lutte s’organise également du côté des plateformes de streaming et des maisons de disques. Spotify a déjà ainsi supprimé des milliers de morceaux générés par des IA. Daniel Ek, le patron de la plateforme suédoise, avait expliqué il y a quelques mois à ses investisseurs que ces morceaux créaient notamment « des problèmes de droits concernant la législation existante sur le droit d’auteur».

On ne sait pas encore ce que le futur nous réserve, mais une chose est sûre: les artistes, mais aussi les plateformes de streaming et les maisons de disques devront s’adapter à l’IA. Ces faux morceaux méritent aussi d’attirer de Monsieur et Madame Toutlemonde sur les risques et les dérives de la technologie. En effet, les deepfakes audio et video reposent sur le même principe. Des personnes mal intentionnées peuvent ainsi faire dire n’importe quoi à n’importe quelle voix et ainsi créer des arnaques très perfectionnées. La vigilance est donc de mise.

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