Ne pas faire d’enfants va-t-il nous aider à sauver la planète?

Dans un contexte où la planète va mal, certains envisagent de ne pas faire d’enfants pour ne pas contribuer plus la détérioration de notre climat. Mais cette décision forte aide-t-elle réellement à lutter contre le dérèglement climatique? Rien n’est moins sûr…

par
Sébastien Paulus
Temps de lecture 4 min.

Alors que la COP27 se tient depuis dimanche en Égypte, les militants écologistes des quatre coins du monde manifestent leur colère et demandent à nos dirigeants des politiques climatiques plus ambitieuses, au moment où notre planète est au plus mal. Entre catastrophes naturelles en tous genres, augmentation du niveau des mers et records de chaleur à tout-va, la Terre nous fait comprendre que nous avons abusé de ses ressources et que nous sommes en train de tirer sur une corde qui pourrait lâcher à tout moment. Pour ne pas participer à la détérioration de la planète, certains décident ou, tout du moins, envisagent, de ne pas faire d’enfants. Selon une enquête publiée en 2021 par The Lancet, menée auprès de 10.000 personnes dans dix pays de tous les continents, 39% des jeunes de 16 à 25 ans « hésitent à faire des enfants » car ils sont inquiets face au changement climatique.

Les répondants ont cité trois arguments en faveur d’une renonciation au projet parental : préserver « les générations futures » d’un monde aux conditions de vie incertaines, limiter sa propre empreinte sur le climat, et enfin le fait de considérer le désir de fonder une famille comme « égoïste », relevant de la satisfaction d’un besoin personnel. Ces jeunes adultes qui décident de ne pas faire d’enfants en raison de leur conscience écologique sont désignés par l’acronyme anglophone « Ginks » (« Green inclinations, no kids »).

À raison?

Pourquoi cette idée a-t-elle émergé?

D’un côté, certains ont propagé l’idée que le problème écologique vient des pays à forte natalité, principalement en Afrique et en Asie, alors que c’est tout faux. L’auteur du livre «Faut-il arrêter de faire des enfants pour sauver la planète?» Emmanuel Pont explique qu’il est démontré que le poids écologique de l’humanité vient largement des pays riches qui ont une faible natalité. On estime que 10% de la population mondiale est responsable de la moitié des émissions de notre planète. Pour ce qui est des pays où la fécondité est élevée, on estime qu’il s’agit de 3% de l’humanité, alors qu’ils représentent 20% de la population mondiale.

De l’autre côté, on a souvent lu dans les médias qu’avoir un enfant était une mauvaise chose à faire dans la lutte contre le dérèglement climatique. Mais dans les faits, l’expert explique à nos confrères de 20minutes.fr qu’il s’agit souvent d’informations quelque peu fantaisistes. Le calcul de l’empreinte climatique d’un enfant est très hypothétique étant donné que les émissions futures d’un humain sont compliquées à évaluer. Celles-ci dépendront de la manière dont notre progéniture va vivre et s’intégrer à notre monde.

Faut-il arrêter de faire des enfants?

La réponse d’Emmanuel Pont serait plutôt de dire «non». «L’impact de renoncer aux enfants maintenant serait peu significatif. On gagnerait peut-être un peu de temps mais le bénéfice climatique serait faible en comparaison de l’effort demandé. Réduire la population dans 80 ans en contrôlant les naissances n’aurait pas trop d’effet, cela n’enlèverait, au mieux, que 10% du total des émissions cumulées», estime-t-il.

Celui-ci conclut en affirmant qu’il était abject d’imposer un contrôle de la natalité: «Davantage que la natalité, c’est la transformation profonde du mode de vie et du système économique qui est véritablement important pour la planète. C’est là que c’est difficile. On sort des réflexions simplistes où on se dit qu’il suffirait d’être moins pour pouvoir vivre aussi bien qu’avant.» Décider de ne pas faire d’enfants n’est donc pas une idée absurde, mais elle n’est pas spécialement plus pertinente que faire isoler son logement ou limiter ses déplacements en avion. Il s’agit de voir plus large et changer drastiquement son mode de vie.