Peut-on vraiment éviter des black-outs en Belgique?

Le gouvernement a-t-il agi trop tard que pour éviter à la Belgique des délestages d’électricité, malgré la prolongation du nucléaire? Selon des experts, c’est une évidence et ils tirent désormais la sonnette d’alarme, affirmant qu’il est essentiel de passer dans une gestion de risque.

par
Sébastien Paulus
Temps de lecture 4 min.

La Belgique traverse une crise énergétique sans précédent et certains craignent que notre pays puisse être confronté à un black-out au beau milieu de l’hiver. Et si l’on voit un petit peu plus loin que le bout de notre nez, d’autres ont peur de délestages ces prochaines années. Comment définit-on un black-out exactement et a-t-on raison de s’inquiéter d’un éventuel black-out?

Qu’est-ce qu’un black-out?

Lorsqu’on connaît une pénurie d’électricité, il n’y a pas de souci à se faire car on peut toujours compter sur nos pays voisins, qui envoient une partie de leur surproduction. Mais quand un hiver est rude, nos voisins ont besoin de leur réserve et ne peuvent même pas nous venir en aide. Cela crée un déséquilibre car la demande d’électricité dépasse l’offre. S’il grandit, ce déséquilibre peut entraîner un effondrement du réseau d’électricité, et on parle alors d’un black-out.

Un black-out cet hiver?

Il y a quelques semaines, le fournisseur Elia s’était montré rassurant auprès de nos confrères de la DH: «Il n’y a pas de risque zéro. Mais rien n’indique, à ce stade, qu’il y aura un black-out ni même un délestage. Rien ne démontre que des problèmes concernant la sécurité d’approvisionnement puissent apparaître cet hiver.»

Le porte-parole du fournisseur Jean Fassiaux nous explique qu’il n’y a pas de quoi s’alarmer à l’heure actuelle : « S’il commence à faire très froid et/ou si l’on connaît certaines pannes dans le réseau, la Belgique a ce qu’il faut pour faire face. Même si ces facteurs venaient à s’accumuler, on ne devrait pas connaître souci d’approvisionnement. »

Etant donné la situation particulièrement tendue chez nos voisins français, cette option n’est plus à exclure, donc. Et ce n’est pas tant à cause de la crise énergétique ou à cause de la guerre en Ukraine que l’on en arrive là, mais bien en raison de la maintenance de plusieurs réacteurs nucléaires, ainsi qu’à cause de l’hiver rude que nous traversons.

Et la suite?

Malheureusement, l’avenir ne s’annonce guère plus encourageant de ce point de vue-là, comme l’expliquent Charles Cuvelliez, Patrick Claessens et Pierre Henneaux, trois experts en énergie de l’ULB, à nos confrères de Moustique: « Le temps de l’insouciance énergétique est révolu: on est parti pour plus de 20 ans de déficit d’énergie. Les facteurs qui vont présider au déficit chronique sont structurels: il y a 8 milliards d’habitants sur Terre. Les pays émergents sont de plus en plus demandeurs d’énergie. En Occident, nous avons tous développé une addiction à l’énergie et 80% de celle-ci est d’origine fossile. Or le pic de pétrole est arrivé en 2008 et on l’a probablement atteint pour le gaz depuis plusieurs années.»

La rareté de l’électricité va menacer nos entreprises, qui pourraient devoir délocaliser face au prix de l’énergie, avec des conséquences que l’on peut imaginer sur notre industrie. « Nous, Européens, avons fait l’autruche les 20 à 30 dernières années. On aurait pu investir dans l’isolation, l’efficacité énergétique, la diversification énergétique. On ne l’a pas fait quand il y avait de l’argent car l’énergie était trop bon marché. Aux prix actuels de l’énergie, le retour sur investissement hors primes, certificats verts et autres subsides se réduit à moins de 10 ans, c’est formidable mais, avec la crise, il n’y a plus d’argent pour se le payer», déplorent les experts.

Ainsi donc, ils préconisent une gestion du risque de façon rationnelle qui puisse se faire sur le long terme: « Le new «normal», c’est d’oublier le fol espoir d’une société où le risque zéro existe. Accepter, affronter et gérer l’incertitude n’est pas honteux. L’expliquer au citoyen encore moins.»

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