Pourquoi la kétamine est la nouvelle drogue festive
La kétamine est en plein essor. Cette drogue, principalement connue comme anesthésique pour chevaux, circule depuis la crise du coronavirus de plus en plus fréquemment dans les raves, les fêtes privées et les bars. Pourquoi les jeunes ont-ils recours à cette drogue? Et quelle est sa dangerosité?
Ket, kéta, k, Spécial K, vitamine K: la kétamine a de nombreux surnoms, mais encore plus de consommateurs. Depuis 2019 déjà, des spécialistes préviennent que cet anesthésique, utilisé pour les animaux et les hommes, est en plein essor chez les jeunes. La Global Drug Survey, menée en Belgique par HOGent, a révélé que près de 26,7% des Belges ayant répondu à l’enquête prennent de la kétamine, un nombre record ! Même si cette étude comptait trop peu de participants pour être représentative, elle indiquait déjà une tendance qu’il n’est plus possible de nier aujourd’hui. Aux Pays-Bas, les études montrent que le nombre d’utilisateurs a triplé en dix ans. Chez nous, l’ONG namuroise Phénix, qui accueille des jeunes ayant des problèmes de drogue, a récemment tiré la sonnette d’alarme à propos du nombre croissant de dépendances à la kétamine. Les urologues belges aussi reçoivent un nombre préoccupant de patients ayant des problèmes de vessie en raison d’une consommation excessive de kétamine (voir encadré).
Qu’est-ce que la kétamine?
La kétamine est une drogue qui est illégale en dehors du contexte médical. Elle est disponible en poudre, que les fêtards sniffent sur une petite clé, mais parfois aussi en comprimé. Son effet est comparable à l’ivresse que procure l’alcool. La grande différence est qu’une dissociation peut survenir : comme si le corps était déconnecté de l’esprit. Ce qui peut entraver les mouvements. On peut parfois aussi avoir de légères hallucinations. Les autres effets sont des nausées, une accélération du rythme cardiaque, une augmentation de la salivation et une dilatation des voies respiratoires. Une dose de kétamine agit entre 30 et 90 minutes. Si on sniffe beaucoup de kétamine, on peut sombrer dans un k-hole. Ce qui s’apparente à une expérience de mort imminente. On a parfois l’impression d’évoluer dans un tunnel en direction d’une lumière. En état de k-hole, on est incapable de parler et de bouger. Bien que cet effet soit tout simplement effrayant pour de nombreux utilisateurs, certains par contre recherchent volontairement ce k-hole. Ils le considèrent comme une expérience spirituelle.
À quel point la k est-elle dangereuse?
Par définition, les drogues illégales sont dangereuses, même quand on les utilise de façon modérée dans un contexte sécurisé. Dans le cas de la kétamine, il y a également un facteur de risque supplémentaire: notre organisme s’y habitue très vite. «L’effet est fort chez la personne qui en prend la première fois», explique le toxicologue Jan Tytgat (KU Leuven) dans le journal Het Laatste Nieuws. «La fois suivante, il faudra une dose beaucoup plus élevée pour obtenir ce même effet. Il en faut dès lors rapidement toujours plus aux utilisateurs.» Et plus la dose est élevée, plus la kétamine est dangereuse. D’autant plus si elle est utilisée en combinaison avec d’autres drogues ou de l’alcool. «Le risque d’overdose ou même de décès est beaucoup plus élevé qu’avec d’autres drogues festives», conclut Jan Tytgat. Comme la kétamine inhibe la douleur, il y a en outre un risque plus élevé d’accidents. Enfin, les personnes présentant une vulnérabilité psychologique courent un risque plus élevé de «bad trip» ou de «k-hole».
Pourquoi la kétamine est-elle soudainement devenue aussi populaire?
Soyons clairs, la kétamine n’est pas une nouvelle drogue. Elle existe depuis 1962, année de sa conception par Calvin Stevens en tant qu’anesthésique. Elle a été approuvée en 1970. Son utilisation récréative a été évoquée peu de temps après. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, la kétamine est très populaire en tant que drogue depuis 15 ans certainement. Et cette hype envahit maintenant la Belgique et les pays avoisinants. On ne sait pas pourquoi elle connaît soudainement une percée aussi radicale. Une chose est sûre, c’est qu’il est question d’un essor, attesté par la recherche à l’étranger et des signaux dans les soins de santé. Une explication possible est son prix et sa disponibilité : sans devoir trop chercher, vous pouvez avoir 1 gramme de kétamine pour 20 à 30 €. C’est environ la moitié du prix de la cocaïne. De plus, dans certaines parties du monde, la kétamine est utilisée comme médicament antidépresseur, dans ce cas dans un environnement très strict et contrôlé. Il est probable qu’il soit de ce fait aussi question d’automédication chez certains utilisateurs, bien que les experts le déconseillent fortement.
QUELLE EST LA CONSÉQUENCE D’UNE UTILISATION À LONG TERME ?
La consommation à long terme de kétamine peut être très dangereuse. Comme vous en avez toujours davantage besoin pour obtenir la même défonce, le risque de dépendance est considérable. Mais la personne qui n’est pas dépendante, tout en étant un utilisateur régulier, peut encourir de graves conséquences. Les problèmes de mémoire et les troubles psychiques (paranoïa ou psychose) figurent parmi les conséquences possibles. La conséquence la plus connue consiste en problèmes à la vessie, au tractus urinaire et même aux reins. Une enquête menée par le Nederlandse Trimbos Instituut a révélé que pratiquement une personne sur quatre à avoir pris de la kétamine l’année passée a eu ou a des problèmes de vessie. L’urologue Gunter De Win (UZ Antwerpen) a aussi mentionné en juillet une forte augmentation des patients atteints de problèmes sévères à la vessie. «Il y a dix ans, nous recevions 2 à 3 patients par an avec ces problèmes», a-t-il déclaré à la VRT. «Alors que, rien que la semaine passée, cinq patients m’ont été référés.» La vessie est tellement atteinte que la miction est douloureuse ou qu’il y a même du sang dans les urines. Comme en outre la vessie s’atrophie, les patients doivent parfois aller uriner une centaine de fois par jour. Dans des cas extrêmes, il faut procéder à une ablation de la vessie. Ces plaintes sont également associées à ce qu’on a appelé la « crampe de la kétamine »: de violents maux de ventre. On ignore encore si ces crampes sont provoquées par une atteinte des reins et/ou d’autres organes.
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