Pourquoi nos données vont-elles bientôt se retrouver... dans l’espace?

On a beau parler de numérique et de «dématérialisé», il n’en reste pas moins que toutes nos données sont stockées dans de gigantesques data centers. Et que ceux-ci s’avèrent être de véritables gouffres énergétiques. Pour remédier à ce problème écologique, l’Union européenne envisage de les délocaliser… dans l’espace. Explications.

par
Oriane Renette
Temps de lecture 4 min.

Dans un monde toujours plus numérique, le bilan carbone de ce secteur connaît une croissance exponentielle. Les données ne cessent de s’accumuler, et les capacités de gestion et stockage se doivent d’être toujours plus conséquentes. Car en réalité, ces données ne flottent pas simplement à l’intérieur d’un «nuage» perdu dans les airs. Elles sont rassemblées dans de gigantesques data centers: des installations qui sont très (très) gourmandes en énergie.

À elle seule, l’industrie des data centers serait responsable de 2% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (à titre de comparaison, on est à 2,6% pour les vols commerciaux). Elle représenterait en outre 3% à 4% de la consommation mondiale en électricité. À terme, ces infrastructures représenteraient même 10% de la consommation énergétique globale.

Dès lors, comment rendre ces installations moins énergivores?

Stockage extraterrestre

Si les acteurs du numérique se tournent de plus en plus vers des sources d’énergie décarbonnée pour alimenter leurs data centers, la solution pour atteindre la neutralité carbone du secteur pourrait nous venir… de l’espace.

Concrètement, il s’agirait tout simplement de délocaliser ces data centers vers l’espace. Les températures très basses qui règnent au-delà de l’atmosphère terrestre permettraient de résoudre la question du refroidissement (voir encadré ci-dessous), et donc de réduire leur consommation en énergie. Qui plus est, ces data centers seraient alimentés par des centrales solaires «de plusieurs centaines de megawatts», puisque leur rendement serait bien meilleur que sur Terre. Toutes ces installations seraient assemblées, gérées et entretenues par des robots. Les connexions avec notre planète seraient garanties par des liaisons optiques. L’un dans l’autre, envoyer les data centers en orbite les rendraient donc plus durables.

L’idée semble farfelue. Le scénario, tout droit sorti d’un film de science-fiction. Et pourtant, même la Commission européenne y songe sérieusement.

Une étude officiellement lancée

En effet, fin 2022, la société Thales Alenia Space (experte en télécom et infrastructures orbitales) a été officiellement missionnée par la Commission pour étudier la faisabilité du projet d’installation de data centers en orbite. Cette dernière estime que ce projet d’envergure pourrait contribuer à la réalisation du «Green Deal» européen, soit l’objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 (et qui, au passage, permettrait de faciliter l’exploration spatiale).

Thales Alenia Space s’est vue confier deux tâches. Primo, démontrer qu’elle est capable de relever ce défi technologique. C’est-à-dire montrer «qu’il est possible de développer la solution de lancement requise, et d’assurer le déploiement et l’opérabilité de ces data centers spatiaux, en utilisant des technologies d’opérations robotisées d’assistance en orbite actuellement développées en Europe».

Deuzio, et c’est peut-être là que le bât blesse, la société doit prouver que le bilan carbone de ces infrastructures spatiales (en ce compris la production et le lancement) serait inférieur à celui des data centers terrestres.

En sachant qu’il faut compter non seulement la conception, mais aussi la construction, le transport et la propulsion de tous les éléments jusque-là, ainsi que leur entretien… Le doute est permis. Pour avoir les conclusions de l’étude, rendez-vous en 2026. Et si elles s’avèrent fructueuses, le déploiement de ces data centers de l’espace est attendu pour le début des années 2030. Avec quel financement? Il sera toujours temps d’ici réfléchir d’ici là.

Pourquoi les data centers sont-ils si énergivores?

Les data centers (ou centres de données) rassemblent des milliers de serveurs avec pour objectif de collecter et stocker les données, émises quotidiennement par millions et à travers le monde entier. Ces installations essentielles à notre monde numérique sont extrêmement énergivores: un data center de 10.000 m² consomme en moyenne autant qu’une ville de… 50.000 habitants!

S’ils sont si énergivores, c’est parce qu’ils doivent non seulement être constamment alimentés en énergie (électricité), mais doivent surtout être refroidis en continu, via des systèmes de climatisation, puisqu’ils produisent énormément de chaleur (l’effet joule, vous vous souvenez?). Ce processus de refroidissement compte, dans certaines infrastructures, pour plus de 50% de la facture énergétique totale. Aujourd’hui, grâce aux progrès technologiques, il n’est plus «que» de 20% sur les installations plus modernes. C’est pour cela que les entreprises jouent en priorité sur ce poste-là pour réduire leur consommation, et donc leur coût d’exploitation. Et c’est pour cela qu’elles favorisent les régions du globe les plus froides pour y installer leurs centres de données. Autre illustration avec Google et Microsoft, qui ont (partiellement) résolu le problème en immergeant leurs installations dans les profondeurs marines.

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