Pourquoi parle-t-on davantage de la disparition d’un sous-marin de cinq personnes que du naufrage de centaines d’autres ?

Les deux événements sont tragiques. Ils sont pourtant loin d’avoir reçu la même couverture médiatique. Comment expliquer cela ?

par
Charlotte Denis
Temps de lecture 3 min.

Le 14 juin dernier, une embarcation de migrants coulait au large des côtes grecques. Ce sont entre 400 et 750 passagers qui se trouvaient à bord. Près de 10 jours plus tard, à peine 104 personnes ont été retrouvées vivantes. Si on dénombre déjà 82 cadavres repêchés, on imagine que le nombre réel de morts se compte en centaines.

Si on a peu entendu parler de cette disparition d’ampleur tragique, il y en a une autre qui fait la une des journaux depuis quelques jours. Ce jeudi, un sous-marin à bord duquel se trouvaient cinq hommes riches partis explorer l’épave du Titanic disparaît des radars. L’oxygène vient à manquer dans le submersible et l’espoir de les retrouver vivants s’amenuise. Ils sont finalement déclarés morts.

Comment expliquer que ces deux événements tragiques aient reçu des couvertures médiatiques si différentes ? Sommes-nous davantage touchés par la disparition de cinq personnes que par le décès de centaines d’autres ?

Pas de nom, pas de visage

Une distinction majeure entre ces deux événements est le nombre de personnes impliquées. Si on pourrait penser au premier abord qu’au plus ce nombre est élevé, au plus la couverture médiatique sera large, ce n’est pas toujours le cas.

Les cinq personnes qui se trouvaient à bord du sous-marin sont identifiées. Elles ont un nom, un visage, un âge, une histoire… On peut même lire depuis quelques jours des témoignages de leurs proches la presse internationale. À l’inverse, on ne connaît pas l’identité des migrants qui se trouvaient à bord de l’embarcation. Plutôt que d’y voir des individus à part entière, on perçoit une masse, un groupe, une entité sans visage. On ne connaît rien d’eux, on s’identifie donc moins facilement.

Un parmi d’autres

Une seconde différence entre ces deux disparitions est le caractère unique et inattendu. La disparition d’un sous-marin allant explorer l’épave d’un bateau qui avait lui-même coulé ne s’est jamais produite par le passé et ne se reproduira certainement jamais. De plus, l’histoire paraît folle, absurde,tout droitsortie d’un film.On comprend donc que tous les ingrédients d’un bon storytelling sont présents. Au contraire, une embarcation de migrants en direction de l’Europe qui chavire n’est, malheureusement, pas rare. Cet événement dramatique ne viendra que «s’ajouter à la liste» des naufrages les plus meurtriers de notre histoire, devant celui de Lampedusa (366 morts en 2013) et derrière celui, dramatique, de 2015 lorsque 700 personnes avaient perdu la vie aux portes de la Libye.

Les médias peuvent pourtant eux-mêmes décider de créer l’intérêt. Ils ont la responsabilité de ce qu’ils décident de mettre en Une. À eux d’en saisir l’enjeu crucial…

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