Quelle est l’empreinte carbone du Mondial au Qatar, beaucoup décrié pour son bilan écologique?
Combien de tonnes de CO2 émettra la coupe du monde de football prévue au Qatar, du 20 novembre au 18 décembre? Selon des estimations réalisées par l’application Greenly, l’addition risque d’être deux fois plus élevée que les 3,6 millions de tonnes de CO2 équivalent annoncés par la FIFA.
Six millions de tonnes de CO2 équivalent: voici approximativement à combien pourrait s’élever l’empreinte carbone totale de la Coupe du monde de football organisée au Qatar. Pour réaliser cette enquête, l’application de calcul de bilan carbone Greenly s’est basée sur des estimations de l’ONG Carbon Market Watch, montrant que la FIFA reste très loin de la «Coupe du monde neutre en carbone» qu’elle a annoncée.
«Il est impossible d’estimer précisément l’empreinte carbone de la Coupe du monde au Qatar. Pourtant, avec nos seules estimations «au bas mot», nous avoisinons d’ores et déjà les 6 millions de tonnes de CO2e, soit presque le double des émissions annoncées par le Qatar», précise son fondateur Alexis Normand, co-fondateur de Greenly.
La construction des infrastructures figure tout en haut de la liste des postes énergivores: les six nouveaux stades érigés pour la compétition pourraient en effet générer une empreinte carbone de 1,6 million de tonnes de Co2e, soit un chiffre huit fois supérieur aux annonces de la FIFA.
«Gravement sous-estimés»
«Les bilans carbones de la construction des nouveaux stades, bien qu’étalés sur la durée, restent toujours gravement sous-estimés», précise par ailleurs l’enquête de Greenly. Se pose également la question de la climatisation des lieux où se disputeront les matchs, très critiquée pour son empreinte carbone et qualifiée par un grand nombre de citoyens «d’absurdité écologique».
Greenly a aussi procédé au calcul du coût de transport lié à la venue des supporters, qu’elle estime à environ 2,4 millions de tonnes équivalent CO2, et ce si l’on tient compte uniquement du transport aérien généré par la venue des 1,2 million de supporters jusqu’aux pays du golfe Arabo-persique. À cela, peuvent s’ajouter les 160 navettes quotidiennes par avion entre Doha et ses voisins. Soit un avion toutes les 10 minutes!
«En admettant que ces vols soient effectués avec des Airbus A320 dotés d’une capacité de 150 passagers et remplis à 75% de leur capacité (la moyenne d’un vol traditionnel), 160 allers-retours entre Doha et Dubaï équivaudraient à 2160 tonnes de CO2e. Remplis à 100%, ils pèseraient 2880 tonnes, soit 83 520 tonnes équivalent CO2 sur les 29 jours que compte la compétition», détaille l’enquête.
Mais ce n’est pas tout, puisqu’il faudrait aussi compter la pollution numérique dans l’addition carbone associée à cet événement. Bien que cet aspect soit difficile à chiffrer, Greenly part du principe que ce Mondial 2022 organisé au Qatar pourrait réunir environ 3,2 milliards de téléspectateurs. Un chiffre qui se base sur celui de la précédente Coupe du monde organisée en Russie en 2018 et qui, d’après des estimations de la FIFA, a représenté plus de 34,66 milliards d’heures de visionnage.
Or, si l’on tient compte du fait que la consommation électrique moyenne d’une télévision LCD est de 0,1 kWh par heure de visionnage et que la moyenne mondiale de l’intensité carbone de l’électricité, elle, est de 475 Co2e/kWh, l’empreinte carbone de la retransmission des matchs pourrait se situer aux alentours de 1 à 2 millions de tonnes équivalent CO2 à elle seule, estime Greenly.
«L’ensemble de ces estimations n’est pas à prendre au pied de la lettre. Leur ordre de grandeur nous permet cependant de constater à quel point les chiffres annoncés par le Qatar sont en deçà de la réalité», précise toutefois Alexis Normand.
Sachant que la construction des stades en vue du prochain Mondial de football aurait provoqué la mort de 6500 ouvriers, comme l’avait révélé une enquête du Guardian publiée début 2021, l’empreinte carbone est un élément de plus qui a conduit certains internautes et citoyens à surnommer l’événement de «Mondial de la honte» et à appeler au boycott de la compétition.