Avez-vous un collègue «toxic handler»?
Son qualificatif contient le terme «toxique» et pourtant, il est tout ce qu’il y a de bienveillant. Au travail, le profil que les anglophones appellent «toxic handler» est ce type de collègue doué pour les médiations, à qui on fait appel pour gérer les situations délicates et désamorcer les conflits. Autrement dit, celui ou celle que l’on rêverait d’avoir dans son équipe.
Pas facile de savoir comment réconforter ce ou cette collègue qui sort en pleurs après une réunion ou qui subitement se met à esquiver tous les repas en équipe. Plus délicat encore lorsqu’un changement majeur vient modifier l’organisation structurelle d’une entreprise (rachat, arrivée d’un nouveau PDG…) et que les employés en souffrent, à tel point que cela se répercute (négativement) sur leur travail.
C’est quoi un «toxic handler»?
Mais, pour certains profils de salariés, faire en sorte de préserver le bien-être des employés tout en assurant la productivité d’une société est une sorte de seconde nature. On les appelle les «toxic handler» ce qui, en français, peut se traduire littéralement par «manipulateurs de substances toxiques». En d’autres termes, des personnes qui manient avec brio l’art de la diplomatie et du désamorçage de conflit. Ces profils sont aussi capables d’adapter leur langage à celui de leur interlocuteur, ce qui les rend particulièrement habiles pour établir un dialogue et jouer les intermédiaires entre les employés et les membres de la direction.
Bien que l’on puisse trouver des «toxic handler» à n’importe quel type de poste et à n’importe quel niveau dans la hiérarchie d’une boîte, ces derniers ont plus de chance de déployer leurs qualités lorsqu’ils occupent des postes clés et/ou à responsabilité. Être dans les petits papiers des membres d’une entreprise (que ce soit la hiérarchie, les employés ou les ressources humaines) semble en effet représenter une condition sine qua non pour correspondre au profil du toxic handler. Et c’est somme toute logique, puisque l’un des piliers du toxic handler consiste à jouer le rôle de médiateur, ce qui peut difficilement se faire sans entretenir des relations basées sur le respect et la confiance avec les uns et les autres.
Des profils sous-estimés
Encore méconnus, voire sous-estimés par certaines entreprises, les toxic handler sont pourtant loin d’être nouveaux. En 1999, deux chercheurs américains ont mené une recherche pour étudier de plus près ces médiateurs au travail. Publiée dans la prestigieuse Harvard Business Review, leur enquête a même théorisé le terme de toxic handler. «Les manipulateurs de substances toxiques ne sont pas nouveaux, mais nos recherches suggèrent fortement que deux tendances de ces dernières années en ont intensifié le besoin». À cette époque, l’étude identifiait déjà deux facteurs majeurs des besoins accrus d’avoir ce type de profil sur son lieu de travail: un changement majeur au sein de l’entreprise et une réduction importante des effectifs. «Chaque fois qu’une entreprise licencie des employés, les personnes qui restent ressentent un sentiment de culpabilité et de peur. Alors que la question ‘qui sera le prochain?’ tourbillonne dans l’organisation, les toxic handlers interviennent pour apaiser les nerfs et rediriger l’énergie des gens vers le travail», expliquent les co-auteurs de la recherche.
«Générateurs de bienveillance»
Plus qu’un médiateur ou qu’un confident, le toxic handler sait en général faire preuve d’empathie, trouver des solutions et les faire appliquer, ainsi qu’anticiper les problèmes ou les souhaits des collaborateurs. Une personne tout sauf toxique donc, qui peut au contraire s’avérer très précieuse pour une entreprise et que la plupart des collaborateurs seront probablement ravis de compter parmi leurs collègues. Trente ans plus tard, et surtout après la pandémie qui a bouleversé en profondeur le monde du travail, le besoin d’avoir un toxic handler semble en effet plus que jamais d’actualité. En 2019, les auteurs français Gilles Teneau et Géraldine Lemoine ont publié l’ouvrage «Toxic handlers, les générateurs de bienveillance en entreprise», aux Éditions Odile Jacob. Dans ce livre, les chercheurs dressent le portrait de ces personnalités qu’ils appellent donc «générateurs de bienveillance». «En entreprise, on constate de plus en plus souvent que certaines personnalités font du bien aux autres lorsqu’il y a des difficultés ou des crises à affronter. Empathiques et altruistes, elles sont capables d’améliorer la qualité de vie au travail, tout en jugulant le stress ou les souffrances».
Gare au burn-out émotionnel
Des compétences indéniables et un rôle certes hautement valorisant, mais qui comporte toutefois des risques, à commencer par celui de tomber en burn-out émotionnel. Pour réussir à se protéger de ce trop-plein d’émotions et gérer son stress à qui l’on vient en aide, les auteurs du livre recommandent de pratiquer la méditation de pleine conscience ou de suivre des séances de sophrologie. Mais deux méthodes décrites dans l’ouvrage de Gilles Teneau et Géraldine Lemoine semblent s’imposer comme les solutions idéales pour endosser le rôle de toxic handler sans sacrifier sa santé mentale. La première consiste à prendre les problèmes des autres en compte, mais en veillant à ne pas s’emparer de leur souffrance. La deuxième va plutôt miser sur la résilience et préconise de donner des solutions concrètes aux autres salariés en se basant sur ses propres expériences passées. Si vous vous reconnaissez dans l’un de ces profils et que vous sentez qu’un «toxic handler» sommeil en vous, peut-être est-ce l’occasion de développer une nouvelle soft skill qui pourrait bien valoir de l’or sur le marché du travail dans les années à venir.
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