Voici le remède à la pénurie de cerveaux dans la tech
De nombreuses entreprises de la tech sont confrontées à la pénurie de cerveaux. Face aux offres d’emploi sans candidats dans un secteur numérique en pleine révolution, les entreprisesrivalisent pour attirer les talents. Heureusement, elles peuvent compter sur un allié de poids: le télétravail.
Nicolas Pessemier, 44 ans, vient tout juste de quitter la Silicon Valley pour s’installer à Reno, dans le Nevada, en «full remote» (le jargon de la tech pour télétravail intégral, NDLR) pour le compte de Hopper, un site de comparateur de vols. Licencié par Google, qui a annoncé 12.000 suppressions de postes récemment, il n’a pas eu de difficultés à trouver un nouvel employeur intéressé par son profil de développeur de logiciels.
Une liberté totale
«Le ‘full remote’ donne la possibilité de décider où l’on veut habiter, et si, dans deux mois, on change d’avis, on sera libre de le faire», raconte-t-il depuis son nouveau domicile, qui lui sert aussi de bureau. De l’autre côté de l’Atlantique, Jordan Pittier, 35 ans, est développeur pour Gorgias, une entreprise franco-américaine de support pour l’e-commerce. Il travaille lui aussi depuis son domicile, à Grenoble, dans les Alpes, disant avoir choisi un cadre «plus propice à la vie de famille» que Paris. «J’ai parlé à mon chef de mon déménagement, cela ne changeait rien pour lui car j’étais déjà en télétravail intégral», raconte-t-il.
Des avantages aussi pour les employeurs
Avec des équipes dispersées à Grenoble, Belgrade ou encore Toronto, Romain Lapeyre, le fondateur de Gorgias, se retrouve donc depuis San Francisco à la tête d’employés sur plusieurs fuseaux horaires. «Le choix du ‘full remote’ nous a permis d’accélérer notre processus de recrutement pour les fonctions d’ingénierie et de produit. Nous pouvons ainsi accéder à un pool de talents plus vaste», décrit-il, avec une organisation hybride, mêlant télétravail total ou partiel en fonction des régions.
Cette tendance est à l’origine même de la création de l’entreprise américaine Remote, fondée en 2019 pour mettre en relation les sociétés «où qu’elles soient basées, avec des personnes qualifiées, partout dans le monde», explique Marguerite Monrose, responsable France et Benelux de Remote. L’entreprise, qui emploie un millier de personnes dans 70 pays, opère elle-même en télétravail total, de la comptabilité aux ressources humaines.
Finis donc le café et les chouquettes avec les collègues, l’heure est aux réunions via écrans interposés.La tendance n’est pas totalement neuve dans les métiers de la tech, mais elle a pris de l’ampleur depuis le Covid. Et les nombreuses vagues de licenciements annoncées par les Gafam n’y changent rien, selon les spécialistes du secteur qui y voient une façon pour les entreprises de se démarquer dans la chasse aux talents. «J’avais plusieurs choix d’emplois après avoir quitté Google, et pour moi, l’option du télétravail total était un argument important», témoigne ainsi Nicolas Pessemier.
Cette organisation du travail permet en outre de recruter à des salaires bien moins élevés. À titre d’exemple, selon un rapport du cabinet américain Gartner en 2022, un ingénieur data (spécialiste des données) coûte 17.400 $ en salaire annuel à New Delhi contre 187.000 $ à San Francisco. L’avantage est aussi administratif, explique Cyril Dupouey, du cabinet de conseil Meritis. «Avant, l’entreprise faisait toutes les démarches pour faire venir un employé d’un autre pays, avec ce que cela comporte de délais administratifs. Grâce au ‘full remote’, la barrière des papiers a volé en éclat, tout peut se faire à distance, même de très loin», souligne-t-il.
«On assistait auparavant à la fuite des cerveaux, par exemple depuis l’Europe, l’Afrique ou l’Asie vers les États-Unis. Aujourd’hui, avec l’essor du télétravail (…) les talents restent dans leurs pays d’origine», ajoute Marguerite Monrose, de Remote.
Des inconvénients
Mais la méthode a aussi ses inconvénients, comme la difficulté d’intégrer des employés juniors, une culture d’entreprise plus difficile à transmettre ou des horaires très décalés. Un écueil qu’a connu Jordan Pittier, qui a un temps géré «une équipe d’employés situés à Paris, Québec, Bucarest et Seattle: nous avions une amplitude horaire de dix heures d’Est en Ouest. C’était fatigant», reconnaît-il. En réaction, le secteur s’est mis à recruter en fonction des fuseaux horaires, pour davantage de fluidité.
Retrouvez toute l’actu sur Metrotime.be