Le gigantesque impact du bitcoin et des cryptomonnaies sur l’écologie
À l’heure où de plus en plus de citoyens prennent conscience de leur impact et de leur empreinte écologique, un secteur ne semble absolument pas se soucier de l’environnement, celui des cryptomonnaies. Pourtant, son impact est gigantesque.
Ces dernières années, on parle beaucoup des cryptomonnaies et de leur principal représentant, le bitcoin. Certains y voient la monnaie du futur. On évoque ses fluctuations, ses investisseurs, ses millionnaires. Parfois, on en oublierait presque le fléau que le bitcoin représente pour l’écologie.
Pourtant, les chiffres ont de quoi donner le tournis. Début 2022, une étude réalisée par la banque centrale néerlandaise, la DNB, révélait qu’une transaction réalisée avec des bitcoins était responsable d’autant d’émissions de CO2 qu’une famille moyenne en trois semaines.
Des monnaies virtuelles énergivores
En 2018, des chercheurs mettaient en garde sur le péril climatique que représentait le bitcoin. Deux études avançaient que si le bitcoin venait à être massivement adopté par la société, il pourrait à lui seul faire grimper le thermomètre mondial au-dessus des 2ºC d’ici à 16 ans. Quatre ans plus tard, le bitcoin continue sa marche en avant. Selon les estimations de Digiconomist, le bitcoin consomme aujourd’hui 20 fois plus d’électricité qu’en 2017. En 2022, cette cryptomonnaie devrait consommer 204,5 milliards de kilowattheures (kWh) contre 9,6 en 2017. Pour calculer la consommation annuelle du bitcoin, l’Université de Cambridge a créé un index, actualisé toutes les 24h. À l’heure d’écrire ces lignes, le bitcoin consomme chaque année autant d’électricité qu’un pays comme la Norvège ou l’Ukraine, et presque autant par an que l’industrie du minage d’or (125 terawatt-heure contre 131 TWh).
Pourquoi une telle consommation?
Le bitcoin est une cryptomonnaie qui fonctionne sur la base de la technologie dite de la «blockchain». C’est une sorte d’immense registre ou base de données partagée. Cette technologie est particulièrement énergivore. En effet, pour que ce réseau décentralisé fonctionne, des processeurs doivent valider des transactions en résolvant des équations mathématiques complexes et cryptographiques. Ce travail est effectué par un ordinateur. On dit qu’il «mine» et qu’il est un «mineur». Lorsque ce dernier résout l’équation nécessaire à la poursuite de l’écriture du registre, il est récompensé par des bitcoins. Au départ, le «minage» pouvait être effectué avec un simple ordinateur de bureau. Mais plus il y a de mineurs et plus les calculs sont complexes. Résultat: les participants utilisent des microprocesseurs ultraspécialisés, toujours plus puissants et énergivores. Dans certains pays, il existe même des fermes à bitcoin remplies d’ordinateurs qui minent toute la journée.
Des déchets à la pelle
L’utilisation intensive d’électricité de la part des cryptomonnaies n’est plus à prouver. Mais à cela, s’ajoute aussi une production colossale de déchets. En septembre 2021, une étude publiée dans le journal scientifique Elsevier, par Alex de Vries, économiste employé de la banque centrale néerlandaise, et Christian Stoll, chercheur au MIT, indiquait que les mineurs de bitcoin produisent autant de déchets électroniques que les Pays-Bas. «Le cycle de vie des machines (utilisées par les mineurs) est de 1,3 an, c’est extrêmement court par rapport à n’importe quoi d’autre, y compris les iPhone» dont le rythme de remplacement est régulièrement critiqué, explique Alex de Vries.
Malheureusement pour la planète, l’engouement pour les cryptomonnaies ne devrait pas s’arrêter de sitôt. On apprenait en janvier dans le dernier baromètre mensuel d’ING qu’en Belgique, un investisseur de moins de 45 ans sur quatre considérait les cryptomonnaies comme le meilleur investissement de 2022. Alors est-il possible d’inverser cette tendance et que les cryptomonnaies deviennent moins énergivores et plus respectueuses de l’environnement? Selon l’Institut Rousseau en France, c’est une illusion. «Il est complètement illusoire de croire que, à la différence d’autres crypto-actifs, le bitcoin soutienne un jour une économie verte ou reverdie et encore moins un recentrage local des activités humaines diminuant leur empreinte environnementale», estime l’Institut dans l’un de ses rapports sur le bitcoin. «Ce qui apparaît comme un ‘progrès’ technologique n’est pas bon ou mauvais par nature, il le devient à l’usage. Si un produit s’avère toxique, il convient d’en interdire ou pour le moins d’en limiter l’usage. Douze années de retour sur le bitcoin nous enseignent qu’il est une impasse écologique, monétaire et sociale», conclut l’Institut Rousseau.