Le pissenlit, la toile d’araignée et le lait périmé s’invitent dans le dressing écolo de demain
Exit la fourrure et les peaux, ainsi que les matières trop polluantes, l’industrie de la mode s’est lancée dans une course effrénée aux fibres éco et animal-friendly. Il ne se passe pas un mois sans que des acteurs du secteur lèvent le voile sur de nouveaux matériaux pour le moins insolites, allant du lait périmé au pissenlit, dessinant peu à peu le dressing du futur.
Une robe en soie d’araignée, un sac à main en champignon, ou encore des sneakers en canne à sucre ou à base d’algues… Imaginez un peu le dressing de demain, s’apparentant plus à un musée d’histoire naturelle qu’à une garde-robe. Et pourtant, c’est bel et bien ce que concocte actuellement l’industrie de la mode, en quête de fibres plus respectueuses de l’environnement et du bien-être animal, deux critères auxquels les consommateurs prêtent désormais attention avant de passer à la caisse.
Et si certaines matières, parfois vieilles comme le monde, reviennent sur le devant de la scène comme le lin et le chanvre par exemple, d’autres sont aujourd’hui considérées comme des fibres nouvelle génération, fruits de partenariats avec des start-up spécialisées en biotechnologies qui se tournent vers les richesses de la nature pour les transformer en des matériaux innovants et durables. Tour d’horizon des matières insolites qui ont toutes les chances de s’imposer dans votre garde-robe dans les prochaines années.
Amis des animaux, pas de panique! Il ne s’agit pas de faire travailler nos compagnons à huit pattes, sept jours sur sept, pour fabriquer les pulls et autres vêtements de demain. Sécrétés par les glandes séricigènes des araignées, les fils de soie permettent originellement non pas de confectionner des habits mais de permettre à ces petites bêtes poilues de se déplacer, aménager leur abri, ou encore créer des pièges pour leurs proies. Mais des scientifiques se sont penchés sur le mécanisme et la structure ADN de cette soie pour la détourner de sa fonction initiale et faire en sorte d’en concevoir en quantité industrielle.
Deux sociétés, Bolt Threads et AMSilk, sont toutes les deux parvenues à produire de la soie de laboratoire inspirée de celle fabriquée par les araignées. Avec Microsilk, la première s’est déjà associée avec Stella McCartney et adidas pour concevoir une robe de tennis à partir de cette soie nouvelle génération, quand la seconde, avec Biosteel Fiber, est déjà à l’origine de plusieurs pièces de mode, chaussures, et accessoires. Encore plus impressionnant, The North Face a fait confiance à la soie innovante de Spiber pour confectionner toute une doudoune, la Moon Parka. Résistante et durable, cette soie pourrait rapidement devenir un incontournable de nos armoires.
Incroyable, mais vrai! Le lait périmé pourrait lui aussi prochainement débarquer dans nos dressings. Les fibres à base de caséine, la protéine de lait, sont loin d’être nouvelles, puisqu’on les doit à un chimiste et ingénieur italien pendant l’entre-deux-guerres, mais elles reviennent depuis quelque temps sur le devant de la scène en vue d’amoindrir l’impact de la mode sur l’environnement. À l’époque, la trouvaille était destinée à se substituer à la laine, aujourd’hui on la retrouve (déjà) dans la composition de T-shirts ou de lingerie.
Une pierre, deux coups. Si le processus mis en place dans les années 1930 a été amélioré, il reste le même. Il s’agit d’utiliser le lait périmé pour le transformer en un textile naturel et biodégradable. L’un des plus connus dans le monde est le textile QMilk, créé par l’entrepreneure allemande Anke Domaske, alors à la recherche de fibres naturelles pour son beau-père atteint d’un cancer. Mais depuis, d’autres marques ont sauté le pas, à l’image de Germaine des Prés, qui propose culottes et nuisettes en fibre de lait, garanties antibactériennes et 100% biodégradables.
Si les feuilles d’ananas, les champignons, les cactus, les résidus de pommes, de raisin, ou de maïs, les algues, ou encore la canne à sucre, sont devenus monnaie courante dans les collections de mode – on exagère à peine – le pissenlit pourrait bien, tel un outsider, créer la surprise. Lui aussi revient de loin, l’Union soviétique ayant passé au crible tout son potentiel dans les années 1920 avant de le délaisser. Puis c’est l’Allemand Continental qui l’a récemment remis au goût du jour, se tournant vers la racine de pissenlit pour fabriquer ses célèbres pneus.
Il faut dire que la tige de la plante regorge de latex qui, en séchant, se métamorphose en une gomme élastique, le caoutchouc, qui pourrait très rapidement faire de l’ombre à l’hévéa. Dans la mode, la marque américaine Cole Haan a creusé le sujet jusqu’à lancer une paire de baskets dont la semelle extérieure se compose en partie de caoutchouc de pissenlit. Du jardin à l’armoire, il n’y a donc qu’un pas.
Au-delà de toutes les matières durables mentionnées plus haut, les fibres de coco, de bambou, ou de lotus, constituent également le futur de la mode. Reste désormais à savoir lesquelles sortiront du lot pour révolutionner à jamais nos placards. On lance les paris sur la soie de laboratoire, le mycélium, une matière issue du champignon, et les fruits et légumes – il en faut toujours – et le lait périmé, en bonne voie pour s’imposer comme les matières stars du futur.