Pourquoi les influenceurs sont-ils au centre de toutes les polémiques?
Réseaux sociaux, pluie d’argent et accusations d’arnaques: les influenceurs font beaucoup parler. Tour d’horizon d’un secteur en plein boom, qui a bouleversé le marché de la publicité en ligne.
Un influenceur ou une influenceuse, c’est quelqu’un qui diffuse des contenus sur ses réseaux sociaux et dont les avis peuvent influencer les modes de consommation de son public.
Les plus gros sont des stars chez les jeunes et ont des millions d’abonnés sur YouTube, Instagram, Snapchat ou TikTok. Certains ont percé sur ces réseaux grâce à leurs publications (par exemple Squeezie ou Lena Situations). D’autres, comme Nabilla ou Maeva Ghennam, viennent d’émissions de télé-réalité.
En soi, la notion n’est pas nouvelle. Réseaux sociaux ou pas, «on est tous et toutes des influenceurs» capables de peser sur les choix de nos proches, dit à l’AFP Lucile Coquelin, chercheuse en sciences de l’information et de la communication.
Mais la nouveauté, à l’ère numérique, c’est que les influenceurs peuvent être rémunérés par des marques pour recommander leurs produits.
Appelée «marketing d’influence», la rémunération des influenceurs par les marques a explosé ces dernières années. Elle représentait en 2020 un marché mondial estimé à 9,7 milliards de dollars, selon des chiffres cités par l’Autorité de régulation de la publicité (ARPP), et à plus de 13 milliards l’an dernier.
«Au début, ça concernait des secteurs particuliers, la beauté ou les voyages. Aujourd’hui, je ne vois pas un secteur qui ne fait pas de l’influence», indique à l’AFP une experte de la publicité, qui ne souhaite pas être citée.
Les contrats varient énormément selon les influenceurs: «Ca dépend de la qualité de leurs contenus, de leur célébrité, de leur communauté et surtout des taux d’engagement» (l’interaction que leurs publications provoquent avec le public, ndlr).
Selon cette experte, les montants démarrent à «100 ou 200 euros» pour des «influenceurs du quotidien».
«C’est vous ou moi, une marque nous appelle et nous dit: +Je te donne une crème, tu peux l’utiliser et poster une petite photo?+», raconte cette spécialiste, selon laquelle ce marché «opaque» fait «beaucoup d’argent».
Et, au sommet de la pyramide, pour «de gros influenceurs, ça peut être plus 10.000, 20.000, 30.000 euros la +story+ (publication, ndlr), voire plus de 100.000 euros pour des vidéos sur Twitch ou YouTube», souligne-t-elle.
Le secteur traverse une zone de turbulences à cause d’un conflit entre le rappeur Booba et Magali Berdah, patronne de la grosse agence d’influenceurs Shauna Events.
Le premier reproche à l’agence de la seconde de promouvoir des arnaques (marchandise non reçue, produits non conformes…); en retour, elle l’accuse de cyberharcèlement. La justice a ouvert deux enquêtes.
Fin 2021, les autorités avaient pointé la responsabilité d’influenceurs dans la «montée inquiétante des pratiques commerciales trompeuses» sur internet en matière de services financiers.
Quelques mois auparavant, Nabilla avait écopé de 20.000 euros d’amende pour avoir vanté des services boursiers sur Snapchat, sans mentionner qu’elle était rémunérée.
Ces affaires, dont beaucoup concernent des influenceurs de la télé-réalité, ont jeté une ombre sur tout le secteur, déjà accusé d’encourager la surconsommation.
D’autant que les deux principales agences d’influenceurs, Shauna Events et We Events, sont dans le giron de mastodontes de la production audiovisuelle, Banijay et AWPG (de l’animateur Arthur). Lesquels, via leurs programmes, fabriquent de nouvelles stars de télé-réalité.
«On a l’impression d’être face à un système qui s’auto-entretient», relève Lucile Coquelin, co-organisatrice d’un colloque universitaire sur les influenceurs le 21 octobre à Neuilly-sur-Seine (ouest de Paris).
Pour la spécialiste de la pub interrogée par l’AFP, ces affaires aboutiront à ce que «les stars de la télé-réalité aient encore moins de contrats», alors qu’elles ne représentent déjà «qu’une goutte d’eau dans l’océan» de l’influence.
Car ceux qui «concentrent les investissements» sont les influenceurs-stars nés sur les réseaux sociaux, dont la communauté de fans, et donc le pouvoir de prescription, sont bien plus solides, assure-t-elle, citant Lena Situations, Squeezie, McFly et Carlito, Michou ou Inoxtag.
«L’autre impact possible, c’est que ça régule encore plus le marché», conclut-elle.
C’est l’objectif affiché du ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire.
Pour l’économiste des médias Olivier Bomsel, l’urgence est de «donner un statut d’éditeur» aux influenceurs, pour lever l’ambiguïté sur leurs rapports avec le public.
«Il faut les prendre comme des panneaux d’affichage, fait-il valoir. C’est important de montrer qu’ils ont un statut commercial et pas un statut d’ami gratuit. Ce sont des amis payants et payés».