Raton laveur, opossum, fouine… Les animaux nuisibles comme nouveaux influenceurs?
Fini les chiens, les chats et les lapins. Les nouvelles mascottes d’Internet ne sont pas connues pour leur mignonnerie, bien au contraire. Elles sont considérées comme des animaux nuisibles dans de nombreux pays à travers le monde. Pourtant, elles cumulent des milliers, voire des millions, d’abonnés sur les réseaux sociaux. Bienvenue dans l’ère des «verminfluenceurs».
Peu d’animaux ont une aussi mauvaise réputation que les ratons laveurs. Le fait qu’ils fouillent dans les poubelles des citadins pour se nourrir y est certainement pour beaucoup. Si la ville canadienne de Toronto leur mène une guerre féroce depuis de nombreuses années, il existe un endroit où ils sont appréciés, voire vénérés. Son nom? Internet.
Les ratons laveurs, nouvelles idoles
Les ratons laveurs mettent de plus en plus leurs pattes, réputées très agiles, sur le Web. À tel point que certains d’entre eux commencent à sérieusement faire de l’ombre aux chats, chiens et autres «petfluenceurs» («animaux influenceurs» en français) adorables dont raffolent les internautes.
La preuve avec Pumpkin. Ce raton laveur est suivi par plus d’un million de personnes sur Instagram, bien plus que Choupette, la chatte birmane du regretté couturier Karl Lagerfeld. Sur le réseau social, on la voit manger des avocats, se prélasser sur son canapé ou encore prendre la pose avec son livre, «Pumpkin: The Raccoon Who Thought She Was a Dog», entre les pattes. L’ouvrage, écrit par sa maîtresse Laura Young, raconte comment elle a trouvé un foyer aimant après avoir été abandonnée, enfant, par ses «parents» biologiques. Happy end garanti.
Du moins dans la fiction. Pumpkin est décédée à l’âge de quatre ans en octobre 2019. Malgré cela, des fans continuent de publier des messages de soutien adressés à ses propriétaires sur son compte Instagram. Un phénomène qui témoigne du retour en grâce des ratons laveurs auprès des jeunes générations. Elles les appellent, non sans ironie, les «trash pandas» («pandas des poubelles», en français) et leur vouent un véritable culte sur les réseaux sociaux. Le hashtag #racoons apparaît dans près de 91.500 publications sur Instagram, et celui #racoonoftiktok comptabilise 837,5 millions de vues sur TikTok.
Des animaux domestiques comme les autres?
Les ratons laveurs ne sont pas les seuls animaux malfamés à devenir des superstars sur Internet. Les rats, mouffettes, opossums et belettes sont de véritables influenceurs, ou plus précisément des «verminfluencers». Leurs propriétaires les mettent en scène sur les réseaux sociaux comme ils le feraient avec n’importe quel autre compagnon à quatre pattes. Jouer, manger, dormir et re-manger: voici le quotidien de ces nouvelles égéries du règne animal. Chacune de leurs performances suscite l’amusement, l’émerveillement, la fascination et l’interrogation des internautes.
Dans cette jungle de publications très scénarisées de chiens et de chats, celles des «verminfluencers» paraissent beaucoup plus authentiques. Cela s’explique par la nature imprévisible de ces animaux, que l’Homme n’a pas encore domestiqués. Contrairement à ce que laissent penser les réseaux sociaux, il n’est pas facile d’élever chez soi un raton laveur, un castor ou un opossum. Ni même légal dans de nombreux pays. Ces boules de poil nécessitent un soin particulier et peuvent engendrer des dégâts importants chez leurs maîtres.
Une image idéalisée par les réseaux sociaux
Mais cela ne décourage pas certains de vouloir tenter l’expérience. Les données de Google Trends, qui suivent l’évolution des requêtes tapées dans le moteur de recherche, montrent que les internautes se sont particulièrement renseignés sur les ratons laveurs, opossums et autres «nuisibles de compagnie» ces cinq dernières années.
Face à cet engouement populaire, les propriétaires de «verminfluencers» jouent la carte de la transparence et essaient de sensibiliser leurs abonnés aux difficultés qu’ils rencontrent avec leur petit compagnon. C’est le cas de Danielle Stewart, la maîtresse de Rocket, un raton laveur aux 336.000 abonnés sur Instagram. Interrogée par l’un de ses fans sur son quotidien avec son animal de compagnie, l’Américaine a répondu que «c’était comme avoir un bébé avec des dents de vampire très aiguisées, pour le reste de sa vie».
Sauvages, incontrôlables, impulsifs, très demandeurs en attention… Les «verminfluencers» n’ont rien pour plaire sur le papier. Pourtant, la magie opère grâce à leur étrangeté et leur cocasserie. Ils sont l’emblème de l’inadéquation sociale que ressentent beaucoup d’internautes dans un monde en perpétuel changement. «On n’aime plus les animaux en peluche. On veut les bizarroïdes. On veut les blasés. On veut les exclus», comme l’avait expliqué Victoria Armour, une fan de Starfish l’opossum, au New York Times en 2019. Et dans quelques années peut-être, ces animaux délaissés deviendront aussi riches et célèbres que feu Grumpy Cat.