Du faux Soir à l’incendie de l’Innovation: L’histoire belge en BD
En 1914, Auguste Rodin écrivait: «Les raisons de critiquer Bruxelles sont nombreuses, connues, presque trop évidentes. Mais les raisons de l’aimer sont bien réelles». Plus de 100 ans plus tard, il n’y a pas qu’Angèle qui déclare son amour pour Bruxelles. François Schuiten et Benoît Peerters livrent «Bruxelles un rêve capital». Dans ce beau livre de 128 pages, le duo propose une visite inédite de la capitale belge. Des dessins rares, ultra-détaillés et magnifiques de François Schuiten côtoient des archives et des textes inédits consacrés à Bruxelles, à son histoire, à ses monuments parfois méconnus et à ceux qui les ont construits. L’ouvrage s’attarde sur la richesse, la beauté et la diversité de Bruxelles. Plusieurs passages ne manqueront pas d’intéresser les navetteurs, notamment celui qui revient sur l’histoire et la construction de la Jonction Nord-Midi qui a nécessité la destruction de 1.200 habitations, ou celui qui aborde le musée Train World. Un beau voyage, intéressant, passionnant et surprenant, et un beau livre qui trouvera parfaitement sa place sous les sapins de Noël cette année!
Depuis quelques années, les éditions Anspach explorent des morceaux de l’histoire récente de notre pays en bande dessinée. Après Sourire 58, Leopoldville 60 et Bruxelles 43, l’éditeur belge consacre un album à l’incendie de l’Innovation qui, le 22 mai 1967, a coûté la vie à 253 personnes et a marqué à jamais l’inconscient collectif des Belges. En partant de cet événement tragique, le scénariste Patrick Weber a imaginé un récit mettant notamment en scène Kathleen, hôtesse de l’air devenue journaliste et visage bien connu des lecteurs des précédents épisodes. Faits réels et éléments fictionnels se mélangent pour construire un récit sur ce jour tragique de 1967. Pour cela, Patrick Weber pose le contexte de l’époque, celui des grands magasins mais aussi de la guerre du Vietnam et du climat de contestation contre l’impérialisme américain. L’album suit d’ailleurs l’une des pistes pour expliquer cet incendie: et si ce drame était lié au climat protestataire? Enfin, Innovation 67 se conclut par un petit cahier historique de 9 pages.
En juin 1940, le journal Le Soir passe aux mains des Allemands. Tous les journalistes de la rédaction ont alors remis leur démission. Tandis que les Allemands sortent un journal surnommé «Le Soir emboché», la résistance s’organise. Ancien journaliste du Soir, Fernand Demany participe à la création de front de l’indépendance (F.I.) et imprime dans une imprimerie clandestine le «Buna». Mais à l’approche du 11 novembre 1943, date symbolique de l’armistice de la guerre 14-18, il veut marquer le coup et se lance dans un projet fou et ambitieux: créer un faux Soir satirique qui sera distribué à la place du vrai. Grâce aux archives ouvertes par Le Soir, Denis Lapière et Daniel Couvreur reconstituent cet exploit qui a ridiculisé l’occupant nazi. Certes le dessin est un peu en retrait mais l’histoire est captivante et passionnante. Un roman graphique marquant et indispensable qui rend hommage à ceux qui ont payé de leur vie pour réaliser cet acte héroïque. Bonus et bonne surprise: un fac-similé de ce numéro clandestin qui est entré dans l’Histoire comme un modèle de résistance pacifique à l’oppression est inséré dans l’album.