«Lumière noire», une BD touchante écrite et dessinée à quatre mains et en couple

Avec «Lumière noire», Claire Fauvel et Thomas Gilbert ont uni leur force et leur talent pour livrer un album très personnel qui parle de danse mais aussi d’amour, d’angoisses et d’actualité.

par
Thomas Wallemacq
Temps de lecture 5 min.

«Lumière noire» parle d’art, d’amour et d’angoisses. Qu’est-ce qui vous a inspiré dans ces thématiques et plus particulièrement dans la danse?

Claire Fauvel: «Comme on a écrit l’histoire à deux avec Thomas, on a essayé de réunir des thèmes qu’on aimait tous les deux. Ça parle pas mal de nous. On a voulu parler du couple, d’une histoire d’amour et de questionnement artistique. On a choisi la danse par pur plaisir de dessin car on avait envie de dessiner des corps qui dansent. Il y a aussi tout le questionnement social. Dès le départ, ce sont des thèmes qui se sont imposés naturellement, issus de nos envies communes.»

Avez-vous fait un travail de recherche particulier pour évoquer la danse?

«On voulait voir plein de spectacles. Malheureusement, avec la pandémie, toutes les salles ont été fermées. On a quand même vu beaucoup de spectacles en vidéo. Par contre, on s’en est ensuite détachés au moment de dessiner car on voulait que les corps soient expressifs et qu’ils reflètent notre propre personnalité ainsi que l’état d’esprit des héros. Nous n’avons donc pas recherché à être très réalistes. D’ailleurs, au final, le thème de la danse est un peu secondaire dans la bande dessinée. Les autres thèmes comme les enjeux sociaux, les questionnements idéologiques et l’histoire d’amour prennent le pas sur la danse.»

En tant qu’artiste, comment avez-vous vécu les différents confinements?

«Avec Thomas, on ne l’a pas vécu de la même façon. Pour lui, le fait d’être seul et de ne pas avoir son attention détournée, ça a plutôt été une aide pour se concentrer et travailler. Pour moi, j’ai dû garder mon jeune enfant car les écoles étaient fermées et ça a été très dur d’avancer. Mais tous les deux on s’en est bien sortis et en tout cas, on n’a pas perdu l’inspiration. Au contraire, ça nous a inspirés et ça, c’est une chance.»

C’était un projet un peu particulier puisque vous l’avez réalisé cet album avec Thomas Gilbert, qui est votre compagnon dans la vie. Comment avez-vous vécu cela en tant que couple?

«C’est une des raisons qui nous a vraiment donné envie de travailler ensemble. En tant que couple et artistes, ça s’imposait un peu à nous. Avec Thomas, on se connaît depuis longtemps et cela faisait vraiment longtemps qu’on voulait travailler ensemble. Dès qu’on s’est dit qu’on le faisait, tout est allé très vite. On avait des idées communes. C’était un projet fort et je crois qu’au-delà de l’objet fini, on va garder un souvenir fort et se rappeler de la conception. En plus, on aurait pu se détester à la fin mais on a eu de la chance tout s’est bien passé. Il y a quand même eu quelques moments de tension, forcément. On ne travaille pas de la même façon et on a dû s’ajuster mais c’était intéressant. Ça a même nourri notre projet. On raconte l’histoire de ce couple de danseurs qui se déchire et ça nous a donné des idées de la raison pour laquelle ils pouvaient se déchirer. Ça nous a inspirés en direct»

C’est un album réalisé à quatre mains, aussi bien pour le scénario que pour le dessin. Comment cela s’est mis en place?

«C’est la première fois qu’on faisait un projet à quatre mains. On a toujours travaillé avec des scénaristes et là, c’est la première fois qu’on écrit et qu’on dessine avec une autre personne. Pour le scénario, ça a été assez simple. On l’a fait en discutant, en parlant tous les deux, et on s’est très vite mis d’accord. Concernant le dessin, on s’est accordé sur le design des personnages avant de démarrer. Ensuite, on a fait le découpage de l’album et on a chacun dessiné environ 10 planches à tour de rôle. On a donc rarement mêlé nos dessins sur une page mais c’est arrivé quelque fois.»

Lors de la sortie, vous avez reconnu sur Instagram que cet album n’est pas parfait. Après coup, qu’est-ce que vous auriez aimé améliorer?

«Je ne suis pas déçue et je suis vraiment fière de cet album. Je pense que c’est un de mes préférés du fait de l’avoir fait avec Thomas. Mais il y a quelques erreurs qui découlent de la manière dont nous l’avons créé. J’ai l’impression qu’elles étaient inévitables du fait d’avoir écrit à deux. Je pense qu’il y a parfois des redondances dans le récit, des choses qu’on redit et beaucoup de thèmes dans l’album. Cela peut être un peu déroutant pour le lecteur mais on a accepté ce côté morcelé. Ça fait partie du charme de cet album créé à deux.»

Merci à Hugues de Castillo de la librairie BD Web qui a pris la photo de Claire et de Thomas en une de cet article lors de la séance de dédicace le 26 novembre à Bruxelles.

En quelques lignes

«Lumière noire» raconte l’histoire d’Ava, une célèbre chorégraphe en panne d’inspiration, et de sa rencontre avec Ian, un jeune danseur plein de fougue et de talent. Ensemble, ils vont travailler sur un nouveau projet, apprendre à se connaître et surmonter leurs démons. Si la danse et la relation entre Ava et Ian sont au cœur du récit, l’album aborde habillement tout un tas de problématiques sociétales. Claire Fauvel évoque des thèmes actuels tels que la crise migratoire, les violences policières, le confinement ou encore l’éco-anxiété. Le résultat va bien au-delà d’une simple histoire de danse et est à la fois intelligent et touchant.

«Lumière noire», de Fauvel et Gilbert, éditions Rue de Sèvres, 208 pages, 20 €