Romain Renard nous plonge dans l’univers fantastique de Melvile
Musicien, scénariste, dessinateur, Romain Renard se décrit comme un «raconteur d’histoires». Près de dix ans après s’être lancé dans le projet «Melvile», le Bruxellois revient avec deux albums envoûtants: «L’histoire de Ruth Jacob» et «Chroniques de Melvile».
Avec la parution simultanée «L’histoire de Ruth Jacob» et «Chroniques de Melvile» vous signez la fin d’un cycle et d’un projet tentaculaire. Comment est né Melvile?
Romain Renard: «A la base, en 2011, l’idée était de faire trois histoires qui s’entremêlaient dans un seul et même livre. Finalement, avec mon éditeur, on a fait le choix de prendre un seul personnage et de voir ensuite s’il y avait de la matière pour continuer. Le succès a été au rendez-vous et a permis d’ouvrir sur les autres histoires. Dès le début, j’avais déjà en tête l’histoire de Ruth Jacob. Mais entre 2013 et aujourd’hui, toute l’histoire a énormément évolué. Moi, j’ai changé aussi. Je ne suis plus le même homme. Ça a aussi influencé sur l’histoire de ces personnages.»
Faut-il avoir lu les deux premières histoires avant de s’attaquer aux deux nouveaux albums?
«Ce n’est vraiment pas un souci de commencer pour ceux-ci. Je pousse même à lire le dernier en premier car la lecture des histoires précédentes en sera plus riche.»
Désormais, avez-vous fait le tour de Melvile?
«Non, pas encore. J’ai toujours envie d’aller plus loin. Il y a plein de personnages dont je vais être un peu orphelin. Il n’y a notamment ces deux frères, deux tarés. C’est peut-être une histoire qui un jour arrivera. Mais est-ce que ce sera sous la forme d’une bande dessinée, sous forme littéraire, de vidéo ou de concert, je ne sais pas encore. Il y a un temps où il faut arrêter et c’est le moment. En tout cas, d’un point de vue objet littéraire. Je pourrais raconter cette ville pendant 20 ans mais j’ai aussi envie d’écrire plein d’autres histoires. Puis, il va y avoir le film d’animation que je réalise. Le pilote de 2 minutes est fait et le film est en cours de développement. Il est prévu pour 2024.»
«Ça peut être le Maine de Stephen King, le New Hampshire de John Irving, l’Oregon de David Lynch. Mais pour moi, c’est le Canada. J’y suis allé très souvent. J’ai d’ailleurs découpé l’histoire de Ruth Jacob en étant à Québec et dans les Laurentides. J’étais dans ces paysages et quand je dessinais, je dessinais la grange et la clôture que je voyais. Dans l’album, Paul est très souvent en voiture. C’est ce que j’ai vécu là-bas, cette solitude grisante de vivre trois mois dans une voiture de location avec un bordel monstre à l’intérieur, à écouter la radio locale, à sillonner des paysages.»
«Oui. Enfin, j’aimerais en tout cas y avoir une maison de vacances ou une maison de pêche au bord du lac. Car je crois que je m’y ferai chier à y vivre. Je deviendrai barbu et alcoolique.»
«Oui, à partir du mois de mars, on remonte sur scène pour la troisième version scénique de Melvile. Comme pour la deuxième, je vais partir sur un film et un enregistreur de bandes magnétiques. Je lance le tout puis je joue en live sur des bandes magnétiques avec un film à l’arrière.»
«Raconteur d’histoires. C’est ce que dit ma fille à l’école. Que ce soit en bande dessinée, en musique, en roman, en film ou en série télé, raconter des histoires, c’est mon métier.»
«Six ans. Entre les premières prises de notes et les multiples changements scénaristiques, il s’est passé six ans. En termes de dessin, c’est trois ans. C’est le livre qui m’a pris le plus de temps à écrire car la production ciné est arrivée très vite et je voulais que les deux histoires soient les mêmes et ça m’a pris beaucoup de temps d’essayer de faire correspondre les deux.»
«Oui, je pensais à mon père qui aura vu les premières pages mais pas la fin (Claude Renard, également auteur de BD décédé le 17 février 2019, NDLR). C’était quelque chose d’assez fort. Pour la première fois, j’étais seul quand j’ai ouvert cette caisse. Il était 21h. Mon père était parti. Je n’avais pas d’amour dans ma vie. Et je reçois six ans de ma vie comme ça. C’était un moment particulier, entre de la tristesse, de la fierté et du soulagement aussi.»
Propos recueillis par Thomas Wallemacq
En quelques lignes
Avec la sortie simultanée de ses deux imposants romans graphiques, Romain Renard ouvre l’année 2022 de bien belle manière. Dans «Chroniques de Melvile», il sort des sentiers battus. Il raconte, à travers des nouvelles assez courtes, l’histoire et les fondements de Mevile, cette bourgade qu’il a fondée de toutes pièces. Pour cela, il utilise le regard de Thomas Beauclair, un jeune reporter au journal «Ici Melvile» dans les années 50. Romain Renard livre un univers extrêmement travaillé et des histoires étrangement crédibles. Dans «L’histoire de Ruth Jacob», la narration est plus classique mais tout aussi captivante. Tout au long des 400 pages, Romain Renard revient sur l’histoire de Ruth, la fille du pasteur. Il prend surtout le temps d’étendre encore un peu l’incroyable univers qu’il a tissé avec Melvile. Avec une cartographie précise des lieux et l’arbre généalogique de tous les habitants, il semble avoir pensé à tout. ça en est tellement impressionnant qu’on en vient même à se demander si cette colonie a vraiment existé. C’est captivant, magnifiquement dessiné et c’est le coup de cœur de ce début d’année. 5/5
«Chroniques de Melvile» et «Melvile, l’histoire de Ruth Jacob», de Romain Renard, éditions Le Lombard
Pour découvrir l’univers titanesque de Melvile et avoir un aperçu du travail de Romain Renard, rendez-vous sur Melvile.com