Comment rendre son repas de Noël (vraiment) écolo?
À force de bilans chiffrés et de recommandations qui se contredisent dans une multitude d’études, on ne sait plus vraiment quelles règles suivre pour s’alimenter sans trop impacter la planète. À quelques jours du repas de Noël, on a décidé de prendre du recul sur toutes ces injonctions afin d’y apporter de la nuance et composer un menu de fête avec bon sens.
Le local n’est pas un choix sine qua non (si l’on veut sauver la planète)
Préférer une dinde élevée à quelques kilomètres de chez soi ou acheter un litre de lait récolté dans la ferme la plus proche… Choisir local est un acte de solidarité et de soutien vis-à-vis des producteurs belges, moins un geste écologique. Briguer comme une solution pour amoindrir l’empreinte carbone de l’activité humaine sur la planète, ce conseil nécessite d’être suivi avec de la nuance. Le coût environnemental des transports de marchandises alimentaires est une réalité: acheter un avocat produit au Pérou quand on vit à Paris est plus impactant pour la planète que de préférer des clémentines corses quand on habite Ajaccio.
Dans la revue Nature Food, une équipe de chercheurs des universités de Sydney et de Pékin indiquait en juin dernier que les kilomètres avalés par le transport de la nourriture représentaient près de 20% des émissions totales des chaînes de production alimentaires. «Pour atténuer l’impact environnemental de l’alimentation, une transition vers des aliments d’origine végétale doit être couplée à des produits plus locaux, principalement dans les pays riches», conclut l’étude.
Tout est dit: plus qu’une production locale, c’est le choix des aliments qui change la donne. Il faut en effet prendre en compte les émissions de gaz à effet de serre des diverses productions alimentaires pour déterminer l’impact que peuvent avoir nos préférences. C’est ce qu’a fait une étude de la plateforme mondiale Our world in data en comparant l’impact de la conversion des terres pour l’élevage ou la culture, mais aussi tout ce que peut émettre une exploitation agricole que ce soit le fumier ou le carburant nécessaire au tracteur, ainsi que la nourriture pour faire vivre le bétail, les transports ou encore l’emballage et la vente.
Dans ce schéma, le bœuf, l’agneau, le fromage et les vaches laitières constituent successivement les productions alimentaires qui émettent le plus de gaz à effet de serre et le bilan carbone du transport des marchandises est minime. En d’autres termes, composer un menu de Noël en incluant un pavé de bœuf, même produit dans un rayon proche de chez soi, a un impact environnemental considérable. Une exception doit être apportée, et l’étude de Our World of Data le précise bien: les aliments acheminés par les airs génèrent cinquante fois plus de CO2 qu’un bateau par tonne-kilomètre. Dans les chaînes de production alimentaires, ce type de transport serait toutefois peu utilisé, représentant seulement 0,16% des «kilomètres alimentaires».
Cuisiner autrement qu’avec une gazinière
En ces temps de sobriété, l’utilisation de la sacro-sainte gazinière est remise en cause par de plus en plus de chefs qui entrevoient une façon de réaliser des économies, mais aussi de mieux préserver le bien-être de leur brigade qui doit sinon composer avec la chaleur de ce type d’énergie. Si l’on prend en compte l’aspect environnemental, l’abandon de la gazinière peut aussi être un argument.
On reproche souvent aux vaches d’émettre du méthane lorsqu’elles digèrent leur repas. Pourtant, l’appareil de cuisson ancré profondément dans notre culture gastronomique en produit aussi. Les émissions annuelles de méthane de tous les poêles à gaz à foyers américains auraient un impact climatique similaire à celui du taux de CO2 émis par 500.000 voitures chaque année, si l’on en croit les recherches publiées par l’American Chemical Society. Et on ne parle pas uniquement du moment de la cuisson. On estime que les gazinières peuvent émettre jusqu’à 1,3% du gaz sous forme de méthane non brûlé.
Pour les alcools, préférer des contenants responsables
En matière d’accords avec les vins et les spiritueux, il est compliqué de recommander un breuvage plutôt qu’un autre. On pourrait évoquer l’utilisation des pesticides pour la culture du raisin, du maïs, de l’orge etc. Mais, on pourrait aussi souligner la grande quantité d’eau nécessaire à l’élaboration de diverses boissons alcoolisées. Selon l’organisme Water Footprint Network, 109 litres d’eau seraient nécessaires pour produire rien qu’un seul verre de vin. Selon les sources, il faut entre 40 et 100 litres d’eau pour produire un litre de whisky. Du côté de la bière, quatre à six litres d’eau sont utilisés sachant que les Brasseurs de France s’enthousiasmaient en 2019 de la diminution de 30% de la consommation moyenne d’eau pour la fabrication et le nettoyage des cuves au cours de ces trente dernières années.
Au total, on estime à 0,7% les émissions de gaz à effet de serre engendrées par le secteur des alcools. Pour amoindrir l’impact environnemental des accords de fête, il faudrait en réalité réfléchir davantage au conditionnement et à l’emballage des breuvages. Dans une enquête fouillée parue le mois dernier, la Revue du vin de France soulignait la responsabilité prépondérante (jusqu’à 50%) de la bouteille en verre dans le bilan carbone de la filière viticole, notamment lorsqu’on y inclut les bouchons en plastique.
Il faudrait donc revoir nos habitudes, en préférant notamment le bag-in-box, ce carton muni d’un robinet, qui a mauvaise réputation parce qu’il est ancré dans les esprits comme le conditionnement des vins de piètre qualité. Si l’on doit concéder qu’on ne peut pas l’utiliser pour le vieillissement de grands crus, son bilan carbone s’avère bien meilleur que le flacon en verre. Un BIB (bag-in-box) de trois litres consommerait 70 grammes de CO2 par litre quand le second afficherait 675 grammes de CO2 par litre, d’après la marque Collection verre après verre, qui commercialise des vins de châteaux dans ce type de contenant.
Quid de la canette de vin ? Annoncée comme un succès à venir promis à une croissance de 13,2% à l’horizon 2028, son utilisation est intéressante à plusieurs titres: l’aluminium est entièrement recyclable tandis que sa fabrication nécessite une température moins élevée que pour le verre. Reste que l’offre bachique conditionnée en canette est extrêmement pauvre, sans compter nos traditions profondément ancrées qui nous empêchent d’avoir envie de trinquer à l’aide d’une canette plutôt qu’une flûte à champagne…
Pour réduire l’empreinte carbone de nos choix gouleyants, on peut tout de même suivre quelques bons indices: repérer les maisons et les domaines respectant le cahier des charges de l’agriculture biologique (logo AB), voire même identifier les vignobles qui suivent les principes de la biodynamie (Demeter ou Biodyvin). On peut effectuer une sélection encore plus drastique avec des vins identifiés par la certification Vin nature & progrès, adoptée par des vignerons qui estiment le label AB pas assez strict. Pour choisir un vin nature quand on ne s’y connaît pas, on peut repérer le tout nouveau logo «Vin méthode nature», dont le cahier des charges tolère tout de même une dose restreinte de sulfites. Par contre, il ne doit y avoir ni intrant ni additif dans les vins estampillés du logo AVN (association des vins naturels) ou de l’association vins S.A.I.N.S (sans aucun intrant ni sulfite ajouté.
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