Comment décarboner l’aviation?
Le secteur aérien est sous pression pour réduire son impact sur le climat. Comment peut-il atteindre la neutralité tout en continuant à transporter des milliards de passagers? Tentative de réponse.
Le trafic aérien, quelles émissions?
Le secteur aérien a transporté 4,5 milliards de passagers en 2019, produisant 2,4% des émissions mondiales de CO2, selon l’International Council on Clean Transportation (ICCT). Il devrait retrouver son niveau d’avant-pandémie dès cette année et doubler à l’horizon 2050. Entre 2009 et 2019, les compagnies aériennes ont amélioré de 21,4% leur efficacité énergétique, note l’Association internationale du transport aérien (Iata). Un rythme insuffisant face à la croissance du trafic: les émissions du secteur ont augmenté dans cet intervalle.
Le transport aérien a toujours cherché à gagner en efficacité -un avion consommant moins de carburant est plus rentable- mais la pression environnementale croissante en fait dorénavant un enjeu pour sa pérennité. L’objectif, paraphé en octobre par les 193 États de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), est d’atteindre la neutralité carbone en 2050.
Quels progrès technologiques?
L’ATAG (Air Transport Action Group), regroupant les grands industriels aéronautiques, estime que 34% de l’effort attendu pour réduire les émissions proviendra d’améliorations technologiques. Elles supposent d’alléger les avions par des nouveaux matériaux composites, des nouvelles architectures d’appareils et de motorisation. CFM, coentreprise entre GE et Safran, planche ainsi pour 2035 avec son projet Rise sur les technologies d’un moteur réduisant d’au moins 20% la consommation de carburant, et le britannique Rolls-Royce prépare son Ultrafan pour motoriser les avions gros-porteurs.
Si la propulsion électrique est inenvisageable pour des avions commerciaux, l’ajout d’un moteur électrique alimenté par une pile à combustible à hydrogène pourrait fournir l’énergie nécessaire pendant les phases de décollage ou d’atterrissage.
Mieux guider les avions?
Cette amélioration pourrait représenter 7% de l’effort attendu, selon l’ATAG. En vol, cela suppose de favoriser la trajectoire la plus directe, en effectuant une ascension et une descente continuelle pour éviter les paliers et attentes à l’approche des aéroports. Au sol, le roulage vers la piste avec un seul moteur allumé est encouragé ainsi que l’électrification des engins de piste.
Acheter des crédits carbone?
Les compagnies aériennes peuvent aussi acheter des crédits carbone via les mécanismes de compensation carbone européen (ETS) ou internationaux (Corsia). Ces mécanismes représentent 6% de l’effort attendu pour atteindre le «net zéro carbone». De nombreuses ONG dénoncent ce système qui ne fait que déplacer le problème et appellent à limiter les déplacements aériens.
Quel rôle pour les carburants durables (SAF)?
Il est primordial: 53% de l’effort nécessaire reposera sur leur utilisation, selon l’ATAG. Produits à partir de biomasse (huiles usagées, résidus de bois, algues), les SAF sont utilisables directement dans les avions actuels, certifiés pour accepter des mélanges à 50% dans le kérosène fossile, et 100% d’ici à 2030, promettent les industriels. Ils peuvent réduire les émissions de CO2 de 80% par rapport au kérosène sur l’ensemble de leur cycle d’utilisation. Problème, leur production est balbutiante. L’an passé, elle était de 250.000 tonnes, représentant moins de 0,1% des plus de 300 millions de tonnes de kérosène d’aviation. Pour inciter à les produire, l’UE a finalisé en avril un règlement prévoyant une obligation graduelle d’incorporation de SAF, de 2% en 2025 jusqu’à 70% en 2050.
Mais la biomasse n’est pas infinie et ne permettra de couvrir les besoins en SAF qu’à hauteur des besoins de 2030, s’accordent les énergéticiens. Il faudra donc passer aux carburants de synthèse, aussi appelés électrofuels ou e-fuels. Ils sont fabriqués en combinant de l’hydrogène, produit à partir de sources décarbonées comme les énergies renouvelables ou le nucléaire, et du CO2 capté dans l’air ou dans les fumées industrielles.
Pour encourager leur développement, la réglementation européenne prévoit d’intégrer une part croissante de carburants synthétiques dans les SAF, jusqu’à 35% en 2050. La production de ces e-fuels suppose des quantités phénoménales d’électricité nécessaire à la production d’hydrogène. L’enjeu sera donc la disponibilité ainsi que la baisse de leur prix, actuellement 8 à 10 fois plus élevé que pour le kérosène.
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