Comment faire face à l’écoanxiété?

Depuis quelques années, les mauvaises nouvelles concernant le climat et l’état de notre planète se multiplient. Au point que certains et certaines développent un mal nouveau: l’écoanxiété.

par
Thomas Wallemacq
Temps de lecture 4 min.

L’été dernier, la sécheresse, la pénurie d’eau et les feux de forêts vous ont fait craindre le pire? Ces dernières semaines, vous avez eu du mal à vous réjouir et à profiter des températures estivales, justement parce qu’elles étaient anormales pour la saison? Alors, vous souffrez peut-être d’écoanxiété.

Ce terme inconnu il y a encore quelques années est de plus en plus souvent utilisé. Signe des temps, il vient de faire son entrée dans la dernière version du dictionnaire Le Petit Robert. L’écoanxiété y est définie comme l’anxiété provoquée par les menaces environnementales qui pèsent sur notre planète.

Une reconnaissance médicale?

Malgré son apparition dans le dictionnaire, l’écoanxiétété n’est pas encore reconnue médicalement. Elle n’est pas reprise dans le DSM-5, le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Et pour beaucoup de professionnels, c’est plutôt une bonne chose de ne pas pathologiser l’écoanxiété. Pour la psychologue Ines Magtouf, l’écoanxiété n’est pas un trouble psychologique. «Cette peur est une réaction normale et saine. La peur a une fonction adaptative: se protéger du danger», indique-t-elle. Néanmoins, elle estime que l’écoanxiété peut devenir problématique et peut générer une souffrance importante et avoir par exemple un retentissement sur le fonctionnement socio-professionnel d’une personne.

D’ailleurs, l’écoanxiété est désormais prise très au sérieux par les professionnels de la santé. «Les émotions nous parlent de nos besoins: besoin de justice, de sécurité, etc. Il faut tenter de comprendre ce qu’elles racontent pour ne pas se laisser envahir, et retrouver sa capacité d’action», a récemment expliqué Martine Capron, spécialisée dans l’accompagnement de personnes écoanxieuses, au bimensuel En marche.

Les jeunes particulièrement touchés

L’écoanxiété est une réalité. Selon les résultats préliminaires d’une étude menée par l’UCLouvain, 10% des Belges se disent fortement impactés psychologiquement par l’urgence climatique, au point de souffrir de troubles du sommeil ou d’éprouver des états dépressifs. L’écoanxiété touche particulièrement les jeunes.

Selon une étude menée auprès de 10.000jeunes dans dix pays et dont les résultats ont été publiés en septembre 2021 dans The Lancet, l’anxiété liée au climat affecte le quotidien de près de la moitié des 16-25ans (45%). Près de six sur dix (59%) affirment être «très» ou «extrêmement» préoccupés par le changement climatique.

Comment y faire face?

Outre l’accompagnement par un professionnel, il existe plusieurs pistes efficaces pour faire face à l’écoanxiété. La première est d’en parler et d’échanger avec d’autres personnes qui trouvent le sujet important. Il existe ainsi plusieurs groupes Facebook où les écoanxieux peuvent discuter librement de leurs craintes.

L’écoanxiété peut avoir pour effet de s’informer à outrance. On peut ainsi très vite se retrouver dans une spirale infernale en voyant uniquement les mauvaises nouvelles s’afficher sur ses fils d’actualité. Pour éviter cela et souffler un peu, il est donc important de s’accorder des temps de déconnexion et d’éviter de s’exposer en continu à des informations anxiogènes. Pour se déconnecter, on peut également recourir à la méditation et à des exercices de pleine conscience.

Enfin, la meilleure solution pour faire face à l’écoanxiété est sans doute de s’engager. On ne vous demande pas spécialement d’aller dans un musée pour jeter de la soupe sur une œuvre d’art. Mais il existe des tas de petites actions et d’engagements qui permettent de se mobiliser pour le climat. Cela peut être d’aller à une manifestation ou de participer à une marche pour le climat et d’ainsi constater que vous n’êtes pas seul. Vous pouvez aussi vous mobiliser à votre manière en rejoignant une association qui nettoie les rivières ou en participant au Grand Nettoyage organisé chaque année par l’asbl Be WaPP. Bref, il y a un tas de façons de s’engager qui permettent de se sentir utile et ainsi d’aller mieux.

Une génération de «Ginks»?

Et si l’écoanxiété dont souffrent de nombreux jeunes pouvait avoir une incidence sur le désir d’avoir des enfants et de fonder une famille? Baptisée «Dans la tête des écoanxieux», une étude récente réalisée par la Fondation Jean-Jaurès et le Forum français de la Jeunesse montre qu’en France, 37% des 16-25ans hésitent à avoir des enfants face à la perspective du changement climatique.

Les répondants ont cité trois arguments en faveur d’une renonciation au projet parental: préserver «les générations futures» d’un monde aux conditions de vie incertaines, limiter sa propre empreinte sur le climat, et enfin le fait de considérer le désir de fonder une famille comme «égoïste», relevant de la satisfaction d’un besoin personnel. Ces jeunes adultes qui décident de ne pas faire d’enfants en raison de leur conscience écologique sont désignés par l’acronyme anglophone «Ginks» («Green inclinations, no kids»).