Des scientifiques vont-ils vraiment faire renaître le dodo?
Près de 400 ans après sa disparition, le dodo pourrait être ressuscité. Les scientifiques derrière la start-up américaine Colossal Biosciences se sont donnés jusqu’à 2029 pour redonner vie à cet oiseau mythique.
Le dodo, c’est un animal dont on a entendu parler sur les bancs de l’école et qu’on a vu illustrer des livres pour enfants. Pourtant, personne n’en a vu. Et pour cause, il a disparu il y a près de 400 ans. Mais une start-up a pour projet de ressusciter le dodo d’ici 6 ans.
Un animal unique
Le dodo ne ressemble à aucun oiseau que nous connaissons aujourd’hui. Il pourrait tout au plus être vaguement comparé à un gros dindon ou à un énorme pigeon incapable de voler. Il a été découvert au début des années 1600 lorsque des navigateurs européens ont débarqué pour la première fois sur l’île Maurice. C’est d’ailleurs le seul endroit au monde où vivaient et avaient vécu les dodos. Les explorateurs décrivaient un grand et gros oiseau d’un environ 1 mètre pour une bonne dizaine de kilos, avec un long bec crochu d’une vingtaine de centimètres, et incapable de voler. Les premiers récits font état d’un oiseau gros et lent qui n’avait aucune peur de l’être humain. C’est d’ailleurs ce qui causa sa perte. En effet, moins d’un siècle après sa découverte, le dodo s’est éteint, massacré et tué par les hommes.
Un projet à 200 millions
Et si, près de quatre siècles après son extinction, le dodo n’avait pas dit son dernier mot? Début 2023, la start-up américaine Colossal Biosciences, fondée en 2021 par l’entrepreneur Ben Lamm et le généticien George Church, a annoncé avoir récolté plus de 200 millions $ pour essayer de faire revivre le dodo. «Cela fait 361 ans que personne n’a vu un dodo, cet oiseau à l’allure étrange, à part sur les posters dans les chambres d’enfants. Mais Colossal Biosciences espère le faire revenir», a annoncé en grande pompe l’entreprise, qui voulait déjà précédemment ressusciter le tigre de Tasmanie et le mammouth laineux.
Le projet est ambitieux et il pourra aboutir à un résultat assez rapidement. En effet, Colossal s’est donné 6 ans pour faire revivre le dodo.
Comment ça marche?
Pour ressusciter le dodo, la start-up va utiliser la technique des «ciseaux génétiques», appelés Crispr-Cas 9. Mis au point il y a un peu plus de dix ans, ce processus a valu un prix Nobel de Chimie en 2020 à deux généticiennes qui l’ont découvert, la Française Emmanuelle Charpentier et l’Américaine Jennifer Doudna.
Au musée d’histoire naturelle de l’université d’Oxford, il existe une tête et une patte de dodo dans un état de conservation surprenant. Mais pour décoder le génome de l’animal, les chercheurs se sont basés sur un spécimen conservé au Danemark, dont l’ADN a été extrait. Ils comptent prendre un ruban d’ADN de dodo et le coller sur celui d’une espèce actuelle dont l’ADN est très proche de celui du dodo, le pigeon de Nicobar. Cet ADN sera ensuite mis dans un œuf qui sera couvé et dont devrait sortir un petit dodo. Ce ne sera donc pas un clone parfait des dodos qui vivaient sur l’île Maurice au 17e siècle mais cela devrait fortement lui ressembler.
Est-ce bien utile?
Ce projet digne de ‘Jurassic Park’ suscite de nombreuses interrogations, notamment au niveau de l’éthique. Certains regrettent que cet argent ne soit plus plutôt investi dans la protection et la conservation des espèces qui sont actuellement en danger d’extinction. D’autres se demandent ce qui va être fait de ces dodos nouvellement créés. Est-ce qu’ils seront mis dans des zoos? Seront-ils lâchés dans la nature? Si tel est le cas, comment vont-ils survivre?
Colossal a donné un élément de réponse. Pour la start-up, l’objectif est bien de réintroduire ce «nouveau dodo» dans son habitat naturel, sur l’île Maurice. Pour Beth Shapiro, biologiste de l’Université de Santa Cruz qui travaille sur le projet, c’est même une opportunité de «réparer» les erreurs commises par les hommes il y a 400 ans.
Le problème, c’est que lorsque le dodo vivait sur l’île, avant que les Européens n’y mettent les pieds et n’y amènent des espèces invasives, il n’avait aucun prédateur parmi les mammifères. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il était si docile et qu’il a été si facilement tué et chassé par les hommes. Le nouveau dodo va-t-il survivre et trouver sa place dans la chaîne alimentaire? Rien n’est moins sûr. Rendez-vous dans quelques années pour voir comment ce projet complètement fou évoluera.
«C’est inapproprié»
Parmi les détracteurs au projet de Colossal, il y a Benoît Fontaine. Cet ornithologue, également ingénieur en biologie de la conservation au Muséum national d’histoire naturelle en France, ne mâche pas ses mots. «C’est certainement pertinent en termes de recherche de technologie de biologie moléculaire, de génétique, de clonage, de manipulation de génome. En termes de conservation de la nature, c’est inapproprié. On peut lever des fonds pour faire ça, mais qu’on ne dise pas que ça règle le problème de conservation de la biodiversité», souligne-t-il dans les colonnes du Parisien. Pour d’autres scientifiques, le risque est ailleurs. Stuart Pimm, biologiste à la Duke University de Caroline du Nord, estime quant à lui qu’il y a «un vrai risque à dire que si nous détruisons la nature, nous pouvons juste la reconstituer – car nous ne le pouvons pas».
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