D’où vient le terme «éco-anxiété» et que faut-il savoir sur ce concept profondément actuel?
Face aux températures anormalement élevées partout dans le monde, le terme d’éco-anxiété se retrouve sur les lèvres de ceux qui craignent pour l’avenir climatique. Si le terme est récemment apparu dans notre vocabulaire, la notion, en revanche, ne date pas d’hier. En pleine COP27 qui se déroule en Égypte à Charm el-Cheikh jusqu’au 18 novembre, on vous en dit plus sur le terme éco-anxiété.
Médias, militants et ONG parlent de plus en plus d’éco-anxiété, en références aux angoisses des répercussions des activités humaines sur la planète. Le mot est récent, certes. Mais est-on vraiment les premières générations à s’inquiéter pour l’avenir de la planète? «Par rapport aux décennies précédentes, la nouveauté est que l’on pose un mot sur des maux», explique Alice Desbiolles, médecin de santé publique à ETX Studio.
En 1872, dans son livre «Impressions et souvenirs», George Sand alertait déjà sur les effets néfastes de l’activité humaine sur l’environnement. «Si on n’y prend garde, l’arbre disparaîtra et la fin de la planète viendra par dessèchement sans cataclysme nécessaire, par la faute de l’homme. N’en riez pas, ceux qui ont étudié la question n’y songent pas sans épouvante». À l’époque, l’auteure soulevait ciel et terre pour protéger la forêt de Fontainebleau, menacée par un projet forestier.
Au fil du temps, le lien entre santé mentale et nature se fait une place dans la recherche psychologique. Avant d’alerter sur l’état du monde, ce sont les vertus thérapeutiques de la nature qui intéressent le chercheur américain Robert Greenway. Ce «garçon de la nature» planche sur le concept d’«ecospychologie» lors de ses études à l’Université de Washington. Au fil de ses recherches, ce dernier note les vertus thérapeutiques de la nature sur les participants.
En se basant sur son travail, l’historien américain Theodore Roszak approfondit cette notion et lui donne le nom d’éco-anxiété. Il la définit comme «une peur par anticipation d’un événement catastrophique environnemental». D’abord abordée dans les années 1970, cette notion est développée dans son livre «Ecopsychology: Restoring the Earth, Healing the Mind» publié en 1995. Ce terme reste «de niche» pendant plusieurs décennies, émergeant au fil des catastrophes climatiques.
La maternité du mot éco-anxiété, dans le champ lexical francophone, est attribuée à la médecin-chercheure en santé publique Véronique Lapaige. En 1996, la belgo-canadienne cumule trois casquettes de professeure, explique-t-elle à National Géographique, une en santé mentale, une en santé publique et une en santé environnementale. Elle remarque alors dans un panel de patients un «mal-être identitaire» vis-à-vis du réchauffement climatique. Les effets de l’éco-anxiété se conjuguent au pluriel et sont personnels. Cette peur d’un dérèglement climatique peut créer des émotions négatives, des réveils nocturnes et nuire à la personne. En 2007, les psychologues américains notent une forte affluence de consultations de patients apeurés par la crise climatique.
L’année 2019 est un marqueur en matière de visibilité du terme «éco-anxiété». Les records de chaleur s’accumulent et les effets du dérèglement climatique sont de plus en plus visibles dans l’hexagone. Le terme se fait une place dans les médias à partir de l’été 2019, selon les chiffres d’Europresse relayés par la fondation Jean Jaurès. Cette année-là, 108 articles mentionnent le sujet, contre un seul l’année précédente. Quant aux recherches des internautes sur le sujet, les «pics» de recherches coïncident avec des événements climatiques tels que des canicules, incendies ou encore inondations.
Alors, l’éco-anxiété, bonne ou mauvaise chose? Pour certains, l’éco-anxiété est synonyme d’angoisse, de nuit blanche et empêche toutes actions pour le climat. Cependant, pour Alice Desbiolles, interrogé par ETX Studio, «c’est un sentiment salvateur, car je parle d’une éco-anxiété adaptative. Elle agit comme un déclencheur de la mise en mouvement des individus».