Faire pipi dans les champs, un geste écolo?
Vous ne soupçonnez sans doute pas combien vos pauses pipis valent de l’or pour la transition écologique! On vous explique pourquoi il faut l’envisager comme une vraie solution d’avenir.
La filière de la viande n’est pas la plus grande consommatrice d’énergie au sein de l’industrie agroalimentaire. Générant 453.778 tonnes d’équivalent pétrole par an, son bilan carbone est largement dépassé par les usines de produits laitiers, qui produisent à elles seules 942.497 tonnes d’équivalent pétrole par an, révélait une infographie du magazine professionnel Réussir, qui s’appuyait sur des données de l’année 2019.
L’utilisation d’engrais pointée du doigt
Derrière cette dure réalité, il faut aussi ajouter la facture très coûteuse de la production d’engrais utilisés par ces deux industries. Car les émissions de gaz à effet de serre qu’ils génèrent peuvent être comparées à celles produites par le plastique (4%), le ciment (5%) ou la métallurgie (7%). Le bilan s’élève en effet à 2,6 milliards de tonnes équivalent CO2, soit environ 5% des émissions annuelles mondiales, révélait une étude publiée début février dans Nature Food. Surtout, les travaux des chercheurs de l’université de Cambridge ont pu déterminer que ce qui coûtait le plus cher à la planète, ce n’était pas tant la production de ces engrais – qui représente tout de même un tiers des émissions liées aux engrais- mais plutôt leur utilisation dans les champs (deux tiers).
Le fertilisant le plus vieux du monde
Le problème? La production de protoxyde d’azote générée par les bactéries qui ingèrent les engrais. C’est l’un des gaz à effet de serre les plus puissants. Pour pousser, les plantes ont pourtant besoin de choses simples: des nutriments, de l’azote, du phosphore, du potassium. Une recette que l’on retrouve dans un liquide que les êtres humains du monde entier, sans distinction de genre, produisent: l’urine. C’est le fertilisant le plus vieux du monde. Et des marques comme Gerbeaud le recommande déjà aux jardiniers amateurs pour faire pousser les légumes, à condition de prévoir dix bidons de 20 litres pour une surface de 100 m². D'après des travaux menés par l’Inrae aux côtés d’agriculteurs franciliens entre 2017 et 2019, il a été prouvé que l’urine était aussi efficace que les engrais chimiques.
Depuis les années 1990, l’idée de réintroduire le pipi dans le système agricole afin d’amoindrir non seulement le coût des engrais, mais aussi leur facture énergétique, fait son chemin. Jusqu’à présent, ce sont davantage des expérimentations, sinon des travaux de recherche qui ont été menés, devant démontrer l’intérêt de l’urine comme fertilisant, tout en combattant les idées reçues, mais aussi le dégoût qui abreuve le sujet.
Sauf qu’une étape a (enfin) été franchie à l’automne dernier lorsque la start-up Toopi Organics a obtenu le feu vert de l’Anses, gendarme de la sécurité sanitaire, de commercialiser son précieux liquide: un biostimulant confectionné avec de l’urine humaine. Mise au point par l’entreprise girondine, la recette s’appuie sur des collectes menées dans divers endroits, depuis le Futuroscope à Poitiers jusqu’à des festivals de musique comme Rock en Seine ou Solidays, en passant par les toilettes de lycées et de collèges.
3,75 millions de litres de pipi
Mieux qu’un fertilisant, l’urine est utilisée «comme milieu de culture pour des micro-organismes améliorant la capacité des plantes à absorber les nutriments naturellement présents dans l’environnement», avait expliqué à la presse le fondateur Mickaël Roes. D’ici 2027, 3,75 millions de litres de pipi devraient être collectés par le biais d’une vingtaine de sites en France. Le procédé breveté de Toopi Organics a aussi obtenu une mise sur le marché au Portugal, en Belgique, en Italie, en Grèce ou encore en Espagne, ce qui pourrait largement introduire l’urine comme une vraie solution d’avenir pour l’agriculture.
À Lyon, un ancien adjoint d’une station de traitement des eaux usées de la région a lancé un projet de collecte pour valoriser ce qu’il y a de meilleur dans l’urine: l’azote et le phosphore. Sa start-up, baptisée Les Fertilisateurs, prévoit ainsi d’extraire ces éléments chimiques du précieux liquide pour le transformer en fertilisant agricole.
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