Les banquises sont-elles vouées à disparaître?
Depuis plusieurs années maintenant, les records de chaleur s’accumulent, conséquence d’un changement climatique à propos duquel on ne cesse de tirer la sonnette d’alarme. Et pour les régions arctiques, qui se réchauffent quatre fois plus vite que le reste du monde, la situation est particulièrement critique. Au point de voir très bientôt les banquises disparaître?
En 2023, le mois de février a été le cinquième le plus chaud jamais enregistré, selon les dernières données du Service Copenicus concernant le changement climatique. Si une augmentation de 1,2ºC par rapport à la moyenne a été enregistrée en Europe, la hausse se chiffre à 6ºC en ce qui concerne le nord de la Norvège et de la Russie, soit la région de l’Arctique.
Sur place, les experts se font du souci et ne savent pas si la banquise tiendra éternellement. «Quand je me suis aventuré ici, pour la première fois, il y a peut-être 20 ans, il y avait beaucoup de banquise, de la glace épaisse et lourde. Aujourd’hui, certaines années, on a du mal à trouver un bloc de glace, un morceau de banquise sur lequel travailler, donc la situation a beaucoup évolué au cours des dernières décennies», explique le scientifique Mats Granskog, spécialiste de la banquise à l’institut polaire norvégien.
L’incertitude règne
Le 6 juin dernier, on apprenait par le biais d’une étude publiée dans le journal scientifique Nature Communications que la banquise du pôle Arctique pourrait disparaître dès 2030, soit dix ans plus tôt que les prévisions du Giec. Pourtant, six jours plus tard, un article faisait le constat inverse, indiquant que les études ne prenaient pas en compte les changements de vent induits par les émissions. «Les projections montrent que la perte de glace ralentit et que l’Arctique pourrait être libre de glace de mer dix ans plus tard», estimaient les scientifiques à l’origine de l’article.
En réalité, les facteurs qui doivent être pris en compte pour savoir quand exactement la banquise disparaîtra sont trop nombreux, et il est donc difficile d’obtenir une réponse claire et nette face à cette question. Il faut notamment penser à la variabilité naturelle du climat ou à la trajectoire des émissions futures, ce qui laisse penser au Professeur Labe, expert en la matière, qu’il est plus sage de parler d’une disparation de la banquise vers le milieu du 21e siècle.
La situation n’est guère plus rassurante en Antarctique, où la surface de la banquise en moyenne annuelle augmente légèrement. Toutefois, cette augmentation est de plus en plus légère, et cela ne compense plus la fonte des glaces en Arctique.
Est-ce irréversible?
Un point de non-retour n’a pas été atteint et la glace de mer continuera de se reformer en hiver pendant encore longtemps. Toutefois, il y en aura de moins en moins l’été et cette période va s’allonger avec le temps, jusqu’à ce qu’on arrive à une période sans glace de mer du tout. Selon Frank Pattyn, glaciologue à l’ULB interrogé par nos confrères de La Libre, le point de non-retour n’a pas encore été atteint: «Je ne dirais pas que c’est irréversible, mais tout dépend de quelles mesures seront prises par la suite.» Pas pessimiste pour autant, le glaciologue Heïdi Sevestre, membre du programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique, voit toutes ces alertes autour de la fonte de l’Arctique comme un signal d’alarme qui devrait nous pousser à mettre fin à l’utilisation des énergies fossiles… Verra-t-on un jour un monde capable de tourner à plein régime sans être dépendant de celles-ci?
Quelles seraient les conséquences?
La disparition de la banquise accélère le réchauffement du fait d’un phénomène appelé «amplification arctique». Celui-ci se produit lorsque la banquise, qui réfléchit naturellement la chaleur du soleil, fond et redevient de l’eau de mer sombre qui absorbe plus de rayonnements solaires et se réchauffe. Les conséquences d’un tel phénomène seraient nombreuses, mais l’on peut principalement citer: une augmentation du niveau des mers qui provoquerait des inondations et des villes submergées, la perte d’habitat pour des populations locales, des conditions météorologiques encore plus extrêmes et incertaines que maintenant, la fonte du permafrost, la disparition de certaines espèces tant au niveau de la faune que de la flore, des ressources d’eau douce en péril, etc. Vous l’aurez compris, c’est tout l’équilibre de notre planète qui serait bouleversé si la banquise venait à disparaître dans les prochaines années. Les gouvernements et autres grands décideurs doivent donc de façon urgente prendre leurs responsabilités avant qu’il ne soit trop tard, comme des milliers de personnes le rappellent depuis maintenant plus de dix ans.
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